19.10.03
Résultat des élections fédérales
Le système politique suisse est tellement stable que le moindre glissement de terrain prend des allures de tremblement de terre. Ainsi en va-t-il de la progression du parti de Christoph Blocher lors des élections de ce week-end: il occupait un peu moins d'un quart des sièges de la Chambre basse avant, il en occupera un peu plus du quart après, désormais premier parti du pays... Mais quand les médias et les commentateurs n'ont rien d'autre à se mettre sous la dent!
La politique suisse ne fait pas un bon spectacle, il y manque ces retournements haletants des pays qui connaissent un régime d'alternance gouvernementale: Schröder réélu de justesse, Jospin battu du premier tour, et même dans d'autres pays où domine la répartition proportionnelle ces contrats de gouvernement suivis d'effet (la loi de compétence universelle prestement liquidée en Belgique). Le régime suisse est l'exemple d'une régulation systémique dans laquelle il n'y a pas de force d'impulsion initiale:
-- Le peuple élit le parlement à la proportionnelle, mais les droits populaires lui permettent de le rappeler à l'ordre ponctuellement (en refusant par référendum une loi adoptée) et de bousculer son ordre du jour (par l'initiative populaire).
-- Il n'y a donc pas de majorité formelle (liée par un contrat de législature, par exemple), mais plutôt la recherche par les parlementaires de jusqu'où l'on peut tirer sur la corde sans qu'elle ne casse, quel compromis conclure qui soit susceptible d'une majorité au parlement sans être porté devant le peuple et éventuellement défait par lui.
-- C'est dire que le gouvernement n'est que l'humble serviteur du système, plus proche de la Commission européenne que du tout-puissant premier ministre britannique.
Après ces élections, il n'est question que de leur impact éventuel sur l'exécutif fédéral, composé depuis 1959 de 2 socialistes, 2 démocrates-chrétiens, 2 radicaux et 1 UDC (le parti de Blocher). Deux scénarios font rêver les politologues: une entente pour chasser l'UDC du gouvernement et une entente pour chasser le PS du gouvernement. Le plus vraisemblable, c'est néanmoins que rien ne change cette année... à moins que les socialistes ne préfèrent agir rapidement et favorisent l'élection de Blocher pour repourvoir le siège radical vacant (quitte à ce que ce parti le récupère au détriment du PDC à la prochaine occasion, la nouvelle "formule magique" devenant 2 socialistes, 3 rad/DC, 2 UDC).
COMPLEMENT du 20.10: Une réponse à une question dans les commentaires: qu'est-ce que l'UDC? Le sigle français signifie Union démocratique du centre, et si je ne l'ai pas mentionné c'est justement pour ne pas induire en erreur: l'UDC n'est pas un parti centriste. Le sigle allemand SVP est déjà plus clair dans ses connotations: Schweizerische Volkspartei, parti populaire suisse. Historiquement, c'était le parti agrarien (il s'appelait un temps parti des paysans, artisans et indépendants). C'est un parti populiste de la droite dure, nationaliste anti-UE, anti-étatiste mais protectionniste et anti-étranger (ni libéral ni libertarien, donc; seulement conservateur). Aux Etats-Unis, Blocher trouverait facilement sa place au sein du parti républicain -- à la droite de Bush.
La politique suisse ne fait pas un bon spectacle, il y manque ces retournements haletants des pays qui connaissent un régime d'alternance gouvernementale: Schröder réélu de justesse, Jospin battu du premier tour, et même dans d'autres pays où domine la répartition proportionnelle ces contrats de gouvernement suivis d'effet (la loi de compétence universelle prestement liquidée en Belgique). Le régime suisse est l'exemple d'une régulation systémique dans laquelle il n'y a pas de force d'impulsion initiale:
-- Le peuple élit le parlement à la proportionnelle, mais les droits populaires lui permettent de le rappeler à l'ordre ponctuellement (en refusant par référendum une loi adoptée) et de bousculer son ordre du jour (par l'initiative populaire).
-- Il n'y a donc pas de majorité formelle (liée par un contrat de législature, par exemple), mais plutôt la recherche par les parlementaires de jusqu'où l'on peut tirer sur la corde sans qu'elle ne casse, quel compromis conclure qui soit susceptible d'une majorité au parlement sans être porté devant le peuple et éventuellement défait par lui.
-- C'est dire que le gouvernement n'est que l'humble serviteur du système, plus proche de la Commission européenne que du tout-puissant premier ministre britannique.
Après ces élections, il n'est question que de leur impact éventuel sur l'exécutif fédéral, composé depuis 1959 de 2 socialistes, 2 démocrates-chrétiens, 2 radicaux et 1 UDC (le parti de Blocher). Deux scénarios font rêver les politologues: une entente pour chasser l'UDC du gouvernement et une entente pour chasser le PS du gouvernement. Le plus vraisemblable, c'est néanmoins que rien ne change cette année... à moins que les socialistes ne préfèrent agir rapidement et favorisent l'élection de Blocher pour repourvoir le siège radical vacant (quitte à ce que ce parti le récupère au détriment du PDC à la prochaine occasion, la nouvelle "formule magique" devenant 2 socialistes, 3 rad/DC, 2 UDC).
COMPLEMENT du 20.10: Une réponse à une question dans les commentaires: qu'est-ce que l'UDC? Le sigle français signifie Union démocratique du centre, et si je ne l'ai pas mentionné c'est justement pour ne pas induire en erreur: l'UDC n'est pas un parti centriste. Le sigle allemand SVP est déjà plus clair dans ses connotations: Schweizerische Volkspartei, parti populaire suisse. Historiquement, c'était le parti agrarien (il s'appelait un temps parti des paysans, artisans et indépendants). C'est un parti populiste de la droite dure, nationaliste anti-UE, anti-étatiste mais protectionniste et anti-étranger (ni libéral ni libertarien, donc; seulement conservateur). Aux Etats-Unis, Blocher trouverait facilement sa place au sein du parti républicain -- à la droite de Bush.