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31.5.04

Vote par correspondance

Le 10 juin, il y a une combinaison d'élections locales et européennes en Grande-Bretagne, et trois régions s'apprêtent à expérimenter un dispositif familier à de nombreux Suisses et en tout cas aux Genevois: le vote par correspondance. Les récriminations à l'égard du changement (depuis le désordre postal qui menace la démocratie jusqu'à l'atteinte au rituel sacré de l'urne) sont la copie conforme de celles que nous avons connues à l'époque. J'ai donc le plaisir de casser le suspense et d'annoncer aux Britanniques la fin du film: c'est un bon système qui fait augmenter la perticipation électorale.

Mais des débuts laborieux sont à peu près inévitables et le changement implique aussi de s'adapter pour les partis et les médias: la campagne se déplace, elle doit avoir lieu avant la réception à domicile du matériel de vote, et s'étaler sur la période de renvoi.

A vrai dire, les choses sont encore compliquées ici par l'incroyable centralisation du pays (la moindre commune est soumise aux ukases de Gordon Brown), que Mrs Thatcher avait parachevée et que les travaillistes desserrent prudemment. C'est donc Londres qui a décidé que l'expérience aurait lieu dans trois régions du nord de l'Angleterre; et, illustration d'une conception passablement jacobine de la décentralisation, on n'a pas pris de gants: seul le vote par correspondance est possible!

En Suisse c'est canton par canton (souverains dans l'organisation des modalités électorales) que le changement s'est mis en place -- largement dans l'ignorance mutuelle, d'ailleurs, chacun réinventant la roue. Cela mettra certainement plus de 10 ans pour se généraliser (ce qui n'est même pas certain, et alors?). Et en tout cas le vote à l'urne reste possible comme alternative, simplement le nombre de bureaux de vote et l'horaire sont progressivement réduits...

(Billet composé dans le bus vers l'aéroport sur mon organiseur/téléphone Tréo 600 et envoyé par mail grâce au nouvel outil mis à disposition par Blogger)

29.5.04

Irak: ce que Le Monde et Le Temps ne vous disent pas

L'ami Arthur, en Australie, a récidivé avec sa revue des bonnes nouvelles sur l'Irak... Et le reste de son blog est aussi intéressant, de sorte que je l'ai ajouté au blogroll.

Le Monde et la blogosphère

Cette fois Le Monde paraît avoir réellement réalisé la mutation que représente l'émergence du blog, après ce précédent article que j'avais signalé ici... Même si ses références ne sont encore que Matt Drudge (qui n'est pas un blog) et Salam Pax (dont on peut comprendre qu'il délaisse son blog depuis que celui-ci est devenu un livre puis bientôt un film), et pas InstaPundit, DSK ni bien sûr Le Monde Watch, il signale même l'existence d'un outil en français, U Blog -- tout en donnant un lien incorrect! De quoi faire sourire quand Bertrand Le Gendre oppose la rigueur de l'information "authentifiée" par un organe de presse (ah oui? les photos truquées de torture en Irak publiées par le Daily Mirror ou le Boston Globe, les reportages inventés de Jayson Blair dans le New York Times, les manipulations de la BBC dans l'affaire Gilligan/Kelly, sanctionnées à la suite du rapport Hutton, ou bien sûr la couverture scandaleusement partiale de la situation en Irak par Le Monde) au "limon" (recelant tout de même quelques pépites) charrié par le web...

24.5.04

Palme d'Or

Jean-Luc Godard mardi dernier, à propos de Michael Moore:

"Il prend Bush pour plus bête qu'il n'est. Et comme lui n'est que d'une intelligence moyenne..."

Christopher Hitchens, cité par cet autre Anglais d'Amérique, Andrew Sullivan:

"Les Européens sophistiqués méprisent les Américains obèses, vulgaires, matérialistes, stupides, ambitieux, ignorants etc. Et ils reconnaissent comme un des leurs un Américain qui incarne précisément toutes ces caractéristiques".

22.5.04

Soldats suisses tortionnaires

Pas meilleurs que les Américains (les actes remontent à 1999, aujourd'hui on peut parier qu'ils auraient pris des photos avec leur téléphone portable)! Et c'est seulement envers l'un d'entre eux: on imagine ce dont ils seraient capables avec des détenus étrangers...

Faut-il pour autant généraliser? Ni plus ni moins que pour les Américains (qui sont tout de même plus rapides pour sanctionner!).

COMPLEMENT DU 5 JUIN: Les deux tortionnaires ont été condamnés à 4 et 6 mois de détention par le tribunal militaire de Locarno. Des peines plutôt lourdes, vu l'ancienneté et la nature des faits, et à ce titre exemplaires, qui tiennent probablement au fait que la victime a été le souffre-douleur de ses "camarades" pendant toute l'école de recrues...

20.5.04

Irak: contre-information

C'est un blogueur australien qui a compilé cet impressionnant catalogue des informations positives qui vous auront peut-être échappé (via InstaPundit)...

18.5.04

Des dragées!

Quelque chose d'un peu plus gai: si le sentimentalisme à l'américaine vous amuse au deuxième degré ou vous met la larme à l'oeil au premier, allez voir les reportages et photos des blogueurs du Massachusetts à propos des mariages de couples de même sexe célébrés depuis hier pour la première fois en toute légalité aux Etats-Unis (signalés par Jeff Jarvis):
-- Janis Bohan de Valley Ravin'
-- Joho The Blog ici, , ou encore
-- et même le son chez Scott Brodeur.

Une guerre sans justice

C'est le titre d'une tribune que publie dans Le Monde de ce jour Monique Canto-Sperber, une philosophe française qui m'intéresse particulièrement par sa tentative de retrouver les racines libérales de la pensée socialiste.

Cet article parle évidemment de la guerre en Irak à la suite des révélations sur les exactions d'Abou Ghraib. Je n'en partage pas toutes les conclusions (en particulier sur la nécessité de la démission de Rumsfeld: et pourquoi pas de Bush?) mais sa lecture est particulièrement douloureuse dans la mesure où Monique Canto-Sperber ne se place pas une seconde dans le camp pacifiste / défaitiste. Une analyse implacable qui n'a pas besoin d'évoquer un prétendu mensonge sur les armes de destructions massives ou de chercher une mauvaise querelle sur l'imminence du danger que présentait Saddam pour se montrer sévère sur l'avant-guerre comme sur l'après-guerre.

Cette critique ne l'empêche nullement de rester lucide sur la suite, bien au contraire: elle ne préconise pas le retrait rapide des forces de la coalition ou leur remplacement hypothétique par l'ONU.

"La tragédie qui se déroule en ce moment en Irak ne concerne pas seulement les Etats-Unis. C'est tout l'Occident, ce sont tous les pays démocratiques, qui se trouvent eux aussi, bon gré, mal gré, embarqués en Irak. Car du jour où la guerre a commencé, les choix moraux ont changé. Nous avons tous été contraints de faire nôtres les buts de guerre américains : un Irak pacifié, démocratique et libre. Une déroute militaire en Irak aurait des conséquences dramatiques. Elle laisserait ce pays dans une situation désastreuse. Elle accroîtrait l'instabilité du Moyen-Orient. Elle condamnerait au discrédit toute intervention occidentale à venir.

(...)

C'est donc au gouvernement et à l'armée américains de se ressaisir. Intellectuellement et moralement. Avoir présenté des excuses est à mettre à leur crédit, à condition qu'ils ne se contentent pas de déplorer un état de fait mais assument leur responsabilité, de manière explicite, spectaculaire, radicale. Ce qui signifie : juger les auteurs des sévices, revoir les principes d'action inculqués aux soldats, renoncer aux abus, y compris ceux perpétrés à Guantanamo, remédier à la chaîne de commandement, à commencer par le secrétaire d'Etat à la défense, qui doit quitter son poste, quel que soit le coût politique de son départ.

L'Amérique court aujourd'hui un risque réel, et avec elle les pays qui se réclament des droits et de la liberté. Le risque de perdre toute crédibilité dans leurs motifs d'action et toute légitimité dans leurs interventions.

La guerre d'Irak avait une cause juste : la fin de Saddam. Mais la manière dont elle a été conçue, décidée, menée, en fait une guerre sans justice. L'Amérique doit réagir, avec toute l'énergie démocratique qui est la sienne, afin que d'injuste cette guerre ne devienne pas criminelle au regard de l'histoire.

L'administration Bush est comptable des mesures qu'elle prendra non seulement devant le peuple irakien et les citoyens américains, mais aussi devant tous ceux qui pensent que l'usage de la force est parfois légitime et que, dans la conduite de la guerre, les limites morales sont contraignantes."


Sur les leçons à tirer, lire aussi le sombre mais résolu billet d'un faucon de gauche, Oliver Kamm.

15.5.04

"Tous des Lynndie England"?

Jean-Marie Colombani n'en finit pas d'expier son cri du coeur au lendemain du 11 septembre 2001: "Nous sommes tous Américains". Ouvert à la culture anglo-saxonne dans un pays qui la méprise, girondin parmi des jacobins, le directeur du Monde en vient, d'auto-critique en apostasie, à écrire son très curieux édito d'aujourd'hui: "Tous non-Américains?".

Il ne veut plus rien avoir de commun avec la stratégie américaine en Irak et ailleurs. Mais il se réfère explicitement à l'expression utilisée par Donald Rumsfeld pour dénoncer les exactions d'Abou Ghraib: "ce sont des actes non-américains", comme on aurait pu dire non-civilisés, non-humains. En se proclamant non-Américain Le Monde veut-il donc exprimer sa solidarité avec les tortionnaires? Car enfin la formule trouve son origine dans le slogan de Mai 68 "Nous sommes tous des Juifs allemands" en réponse à Raymond Marcellin, ministre de l'Intérieur, qui avait ainsi qualifié Daniel Cohn-Bendit.

En réalité Le Monde se contente d'appeler à l'élection de John Kerry, "l'Européen", en novembre. Je ne sais pas si ça va vraiment porter chance à l'intéressé, mais pour ma part je ricane: ou Bush est réélu ou, si Kerry est élu, les Européens risquent d'être surpris. Car loin d'être un Zapatero américain, il pourrait bien se révéler un Clinton ou un Blair (et non un Dean ou un Carter): mieux articulé sur la forme mais ferme sur le fond. Et après l'avoir porté aux nues il sera difficile de dénoncer en lui l'habituel impérialisme américain et de lui refuser tout soutien.

PS: l'occasion aussi de signaler Le Monde Watch, qui vient combler une lacune de la blogosphère francophone.

14.5.04

Le CICR en question

La Suisse (MCR), Genève et le CICR lui-même feraient bien d'éviter le simple réflexe défensif à la suite de la mise en cause inévitable à laquelle l'institution s'est prêtée par son comportement complaisant (confirmant immédiatement et en détail une fuite à laquelle il affirme par ailleurs n'être pour rien), si manifestement contraire au principe d'universalité qui doit être le sien. Aujourd'hui c'est un éditorial du Wall Street Journal qui le rappelle gravement: le CICR tient des Conventions de Genève un rôle trop important et trop spécifique pour qu'il le compromette à long terme par un coup médiatique à court terme (et, plus largement, par un élargissement indéfendable de son champ d'action).

Et c'est l'occasion de le répéter: les exactions d'Abou Ghraib ont été dénoncées et investiguées par les autorités militaires américaines elles-mêmes avant le fameux rapport de février du CICR...

Chirac chef de parti

C'est désormais officiel, foin de cette idée que le sacre du suffrage universel transforme un candidat en "président de tous les Français" à laquelle tous ses prédécesseurs avaient tenu à se conformer au moins dans les apparences: Chirac a prononcé une allocution au groupe UMP de l'Assemblée nationale. Et en plus pour les rappeler à la discipline: quelle hauteur de vue!

Si l'on peut considérer que de Gaulle et même Pompidou relevaient d'une autre époque, on n'imagine pas Giscard haranguant les députés UDF ou Mitterrand le groupe socialiste. Le président était en quelque sorte en congé de parti, et c'est en privé par petits groupes, par personne interposée ou alors par la médiation d'un texte ou d'une vidéo qu'il se rappelait au bon souvenir de ses coreligionnaires. Après avoir réuni sur son nom, au premier tour, le plus faible score d'un président de la République, Chirac achève de rétrécir sa fonction.

De quoi renforcer ceux qui prônent une évolution de la dyarchie de l'exécutif français vers un régime "primo-ministériel" (selon le néologisme d'Olivier Duhamel) plutôt que présidentiel, comme les autres démocraties parlementaires européennes dont le chef de l'Etat est élu au suffrage universel. Des ajustements institutionnels minimes pourraient y contribuer (transférer au premier ministre le droit de dissolution de l'Assemblée, et le faire élire par celle-ci); mais, comme le soulignent les deux auteurs d'une tribune parue dans Le Monde du 17 avril:

"Le problème est de réussir à ce que nos leaders politiques se décident, comme partout ailleurs, à briguer surtout Matignon, et non pas l'Elysée."

C'était un peu ce que Gaston Defferre avait tenté par sa candidature à la présidentielle de 1969, en tandem avec Pierre Mendès France comme premier ministre désigné. Aujourd'hui, cela impliquerait de faire émerger à côté des DSK, Aubry et autres Fabius qui ne se voient manifestement pas dans un rôle de figure symbolique, aussi prestigieux soit-il, la personnalité rassembleuse et crédible, prête à jouer ce jeu et candidate à une vision renouvelée de la fonction présidentielle (qui lui redonnerait aussi sa dignité).

13.5.04

Blogger se développe

Ceci est l'essai d'une nouvelle fonctionnalité de blogger.com, l'outil
web gratuit à la base de ce blog: l'envoi d'un nouveau billet par
courrier électronique, à partir de n'importe quel ordinateur.

A vrai dire, plus je réfléchis moins j'en vois l'utilité... L'idée est
que je peux envoyer un courrier depuis n'importe quel ordinateur (ou
n'importe quelle adresse) -- mais de la même manière je peux accéder à
Blogger depuis n'importe quel ordinateur (puisque ce n'est pas,
contrairement à d'autres types de blogs, un programme à faire tourner
sur mon ordinateur), et au moins il me donne accès à des outils
d'édition et je peux aussi modifier des billets antérieurs, ce qui n'est
pas le cas avec le mail. Pour bloguer de n'importe où, la vraie solution
c'est le Vagablog dont je dispose sur mon agenda électronique /
téléphone Tréo 600! D'accord, avec le mail ceux qui n'ont pas l'ADSL ni
un tarif forfaitaire pour l'utilisation de l'Internet peuvent composer
directement leurs billets hors connection...

Ce n'est qu'un des changements annoncés dans la mue de blogger.com qui
fait suite au rachat de ce brillant produit par un grand, en
l'occurrence Google, selon le scénario bien connu: Hotmail, pionner de
la boîte aux lettres électronique virtuelle (sur le web et non dans un
programme spécifique), repris par Microsoft, OneList / eGroups, les
listes de diffusion et communautés virtuelles, absorbés par Yahoo...
Il s'agit en particulier d'un nouveau design des fenêtres servant aux
auteurs: le look est élégant, mais où est le progrès quand il faut
désormais deux clics au lieu d'un pour éditer un précédent billet?
Enfin, ne râlons pas... et accrochez-vous s'il y a dans les
prochains jours des modifications dans la présentation de ce blog!

Résistants et terroristes

Contrairement à ce que croient des esprits cyniques, un terroriste n'est pas un résistant que l'on combat (ni n'est un résistant un terroriste dont on soutient la cause). Ce qui définit le terrorisme, c'est qu'il s'attaque délibérément à une population civile sans défense: meurtres d'hommes, de femmes et d'enfants ordinaires, bombes dans les trains ou les dancings, avions dans les immeubles de bureaux. Et non, il n'y a pas de fatalité due à un soi-disant désespoir: c'est un choix que toute personne placée dans la même situation ne fait pas (c'est en réalité une stratégie politique d'organisations hiérarchisées, pas des actes individuels des exécutants qu'on envoie au besoin se faire sauter).

Dans Le Monde d'aujourd'hui, André Glucksmann illustre la différence à propos de la Tchétchénie.

12.5.04

Gore et héros

Décidément je préfère la radio: hier c'était le visage réduit à l'état de steak tartare du président fantoche de Tchétchénie, aujourd'hui la décapitation (semble-t-il laborieuse, mais je n'ai pas regardé la vidéo) de Nick Berg, dont le seul crime est d'avoir été un Américain (civil) en Irak... Ceux qui croient de bonne foi qu'il s'agit d'une réaction (comme dirait Micheline Calmy-Rey) aux exactions d'Abu Ghraib feraient bien de se souvenir que le journaliste Daniel Pearl (juif en plus d'être Américain) avait connu le même sort: voir le livre de Bernard-Henri Lévy.

Si j'étais un adversaire de l'intervention, je soupçonnerais les auteurs d'être des agents de la CIA: juste ce qu'il fallait pour rappeler que cette guerre a été déclarée il y a bien longtemps, par l'islamofascisme.

Cette guerre a aussi ses héros. Andrew Sullivan a consacré un article dans le Sunday Times à Pat Tillman, vedette de football américain qui a tout plaqué pour devenir soldat; il est mort à 27 ans en Afghanistan. Et aussi Joe Darby, le soldat qui, lorsqu'il a vu circuler les photos des exactions d'Abu Ghraib, les a portées à la connaissance de sa hiérarchie qui a déclenché la procédure: c'était en janvier dernier, sans attendre le rapport du CICR remis en février, ni que les médias ne s'emparent de l'affaire.

11.5.04

Mariage et adoption pour les gays

Un politique qui utilise intelligemment son blog pour entretenir le dialogue avec sa base:

-- Le 3 mars, Dominique Strauss-Kahn publiait un bref billet où, à propos de la polémique américaine, il écrivait: "En France, on ne pourra pas faire l'économie d'un débat sur le mariage gay et l'adoption d'enfant par des couples homosexuels. Qu'en pensez vous?" Il a reçu 110 commentaires (à ce jour).

-- Aujourd'hui DSK se lance et colle à Zapatero.

Il faut quand même rappeler que ce sont les socialistes français, sous Jospin, qui sont les inventeurs de l'hypocrite PACS, ce Canada Dry du partenariat -- par défaut de concertation avec les camarades scandinaves.

9.5.04

A lire sur CheckPoint

Quatre nouveaux articles passionnants sont en ligne sur ce site d'information et d'analyse militaire et stratégique suisse:

-- Irak: la torture des médias, une analyse fouillée par Ludovic Monnerat de "l'information" offerte au public suisse romand

-- Droit et guerre asymétrique, une étude originale revisitant les principes du droit de la guerre à la lumière des conflits d'aujourd'hui

-- un entretien avec l'ancien conseiller national Jacques Neyrinck en marge de la publication de son dernier livre, dans lequel il imagine le gouvernement suisse pris en otage par des terroristes

-- retour sur un raid de l'armée israélienne à la recherche de terroristes dans un camp de réfugiés palestiniens en 2002, ou les caractéristiques de la guerre en milieu urbain

Comment lutter contre le terrorisme, par Micheline Calmy-Rey

"Ce qui se passe en Irak ou au Proche-Orient n'est pas pour adoucir les réactions terroristes. Au contraire."

Parce que la politique à mener doit être d'adoucir les terroristes (qui ne feraient par ailleurs que "réagir", à la provocation évidemment), pas de les punir / neutraliser / prévenir?

Torture en Suisse

Oh, ne salivez pas trop vite! Ce billet m'a été inspiré par l'agacement à l'égard de la dernière initiative populiste de notre ministre des affaires étrangères, Micheline Calmy-Rey (pour laquelle j'ai bien peur d'avoir l'estime lucide que procure une grande proximité: cela fait près de 30 que nous côtoyons au sein du PS genevois): convoquer les ambassadeurs des Etats-Unis et du Royaume-Uni pour leur faire part de son "dégoût" et de sa "colère". MCR s'était déjà signalée dès son entrée en fonction par une quasi-prise d'otage de Colin Powell à l'occasion du World Economic Forum de Davos, puis d'une conférence internationale improvisée destinée à éviter l'intervention internationale, enfin de l'annonce, qui n'a pas eu de suite, que la Suisse allait tenir le registre des victimes civiles (la camarade est, vous l'aurez compris, de ceux qui n'attendaient de l'intervention militaire qu'un désastre humanitaire qui ne s'est pas produit, et préféreront toujours la stabilité du maintien d'un Saddam au désorde né de son éviction).

Je me suis donc mis à la recherche d'informations plus précises sur les enquêtes du Comité européen pour la prévention de la torture (émanation de la Convention internationale du même nom placée sous les auspices du Conseil de l'Europe et dont la caractéristique majeure est le mécanisme de vérification, qui vient d'être repris dans un protocole additionnel facultatif de la convention onusienne sur le même sujet: gloire au philantrope genevois Jean-Jacques Gautier!).

Car bien sûr les prisons et postes de police suisses ne sont nullement exempts de violences, humiliations, mauvais traitements et autres manifestations de sadisme, dirigées le plus souvent sur des étrangers (donc différents) en situation irrégulière (donc mal placés pour se plaindre); l'exception c'est quand ils se révèlent enfants de bonne famille, ayant les moyens de faire appel à une grande étude d'avocats, comme c'est arrivé il y a quelques années à Genève. La police genevoise a depuis mis en place une procédure interne indépendante d'examen de ces plaintes.

Mais j'avoue que la lecture des documents rassemblés par le Comité européen pour la prévention de la torture m'a déprimé. Et, au risque de paraître cynique, pas tant par les actes qu'ils dénonceraient que par la manifestation de la loi d'entropie, ou de la perversion technocratique ultime de toute initiative en soi louable qu'ils révèlent: faute d'avoir mieux à se mettre sous la dent il y est surtout question de la qualité des cellules et de l'accès ou non à la lumière du jour... Après ce sera la température et le degré d'humidité, puis la vérification que le détenu reçoit bien 5 rations de fruits ou légumes par jour? Faire passer ce qu'en d'autres domaines on appelle un processus d'amélioration continue des prestations (les conditions de détention, en l'occurrence) pour de la prévention de la torture, c'est se moquer de cette dernière.

Il doit aussi exister, pour être crédible dans les exigences que l'on veut faire respecter, une conscience claire du fait que des moyens de contrainte peuvent être légitimes et ne sont pas automatiquement des mauvais traitements; en cas d'expulsion à laquelle la personne intéressée résiste violemment, je ne crois pas qu'il y ait une obligation de faire en sorte de la convaincre d'y consentir (c'est même là que j'aurais tendance à voir une manipulation humiliante) et je ne trouve pas excessif d'entraver physiquement les mouvements de cette personne pendant le transport, ce qui a l'air d'en révulser certains.

8.5.04

Génération Jackass

Du bizutage humiliant (mais avec la circonstance agravante que les victimes n'y consentent en rien) au sadisme meurtrier: à l'heure où le blog du front -- et des deux, ou de tous les côtés -- change déjà la nature de l'information, les caméras digitales et les téléphones mobiles qui en sont équipés assurent au moins que rien ne restera ignoré, donc impuni... avec cet avantage classique des dictatures que leurs horreurs sont ainsi nettement moins décrites par les médias. De la même manière, il est un peu facile au CICR de venir crier avec la meute au mépris de ses règles de confidentialité: il sait bien qu'il n'a pas à craindre de représailles ni pour ses délégués ni pour les prisonniers de la part des forces de la coalition, contrairement aux autres cas où il conserve le silence. Quelles que soient les maladresses de l'administration américaine, ils n'en demeure pas moins qu'elle n'a pas attendu les révélations de CBS pour mener des enquêtes et prendre des sanctions. Les partisans de l'intervention n'ont aucune leçon de dignité humaine à recevoir de ceux qui voulaient maintenir Saddam et son régime au pouvoir.

Pour ceux qui lisent l'anglais, le blog à suivre sur ce sujet est Harry's Place (qui renvoie aussi à l'incomparable Norman Geras).

4.5.04

Grève de la faim - fin de la grève ?

Jour de grève en terres genevoises... Les fonctionnaires défileront cet après-midi dans les rues de Piogre. Pourquoi exactement ? Pour manifester. Oui, mais contre quoi ? Ben, on ne sait pas vraiment... rien de très sérieux à se mettre sous la dent. Ils s'opposent vaguement à la réforme de l'action publique (projet GE-Pilote) mais surtout à la moindre retouche de leur statut. C'est quand même un peu léger pour justifier une grève... de la faim !

1.5.04

Mariage / partenariat pour couples de même sexe

La polémique sur le mariage gay aux Etats-Unis pourrait au moins avoir un effet positif en France: améliorer la loi sur le PACS de façon à la porter au standard des autres pays européens qui ont légiféré sur le partenariat pour les couples de même sexe (ou, comme la Grande-Bretage et la Suisse, sont à bout touchant). C'est ce qui semble ressortir de déclarations de Chirac et du gouvernement à l'annonce que certains maires de gauche s'apprêtent à célébrer de tels mariage, en violation de la loi. L'appel de Chirac au respect des traditions contre le mariage gay fait toutefois sourire: le code civil français est fameux, entre initiés, pour une disposition proprement pédérastique sur l'adoption de majeur qui a par exemple permis à Jean Cocteau de donner un cadre juridique à sa relation avec Jean Marais...

Le Monde, qui publie plusieurs articles sur le sujet, signale aussi que la Suède, qui connaît le partenariat depuis 1995 (après le Danemark en 1989 et la Norvège en 1993) et depuis 2003 l'adoption d'enfants par des couples homosexuels, envisage de passer au mariage "sexuellement neutre", et que l'Espagne va simultanément introduire des dispositions sur les "couples de fait" et élargir le mariage aux couples de même sexe.

La Suisse, nombril de l'Europe réunifiée?

Quoiqu'en disent les métaphores sur le nombril, c'est probablement la pièce d'anatomie qui nous préoccupe le moins... Et c'est ce à quoi fait penser ce trou blanc, sans même un nom, au milieu des cartes publiées dans Le Monde ou The Independant à l'occasion de l'entrée de 10 nouveaux pays dans l'Union européenne.

On ne parle pas non plus de la Suisse dans le texte, à la louable exception d'une remarquable interview de Ralf Dahrendorf dans Le Monde du week-end:

"Pour l'heure, l'Union européenne a trois problèmes concernant ses frontières. Tout d'abord, la Turquie. Ensuite, la Suisse et la Norvège, envers qui il faut faire preuve de générosité, et non d'agressivité. Dans tous les cas, la question de leur entrée dans l'Union doit être affrontée. Et enfin, les Balkans: la Roumanie, la Bulgarie, les pays de l'ex-Yougoslavie. Ce sera le problème le plus complexe car dans cette région, la démocratie est plus fragile qu'ailleurs."

(Par parenthèse, j'ai aussi adoré la manière dont il cloue le bec à ses interviewers du Monde et de El Païs sur l'Amérique et l'Irak:

"L'Europe doit comprendre que les Etats-Unis sont son partenaire, son allié, un pays frère avec qui elle forme le monde libre. Et que sans les Etats-Unis, elle serait moins libre, assurément.

Même sans l'Amérique de George Bush, qui envahit l'Irak sur la base de mensonges?

Le débat sur la guerre en Irak est tout aussi animé aux Etats-Unis qu'en Europe. On aurait tort de réduire les Etats-Unis à leur président ou à leur actuelle administration. Ceci dit, je reste favorable à l'intervention en Irak, pour des raisons personnelles. Saddam Hussein possédait des armes de destruction massive autrefois, et il les a utilisées. Peut-être ne les avait-il plus en 2003. Mais si, au lieu de fermer les yeux, les alliés étaient intervenus contre Hitler en 1938, on aurait pu éviter l'Holocauste.")

Pour revenir à la Suisse et se consoler de son absence dans la fête, il y a le magazine du week-end du Financial Times Focus on Europe: il date déjà du 27 mars mais je ne l'ai toujours pas fini tant il est copieux et intéressant. Il célèbre les 25 ans de l'édition continentale, à Frankfurt, du quotidien londonien (aujourd'hui véritablement global), de sorte qu'il n'est pas limité par les frontières des traités. Et la Suisse (qui doit aussi être un marché intéressant de manière disproportionnée pour le FT) est flatteusement mise en valeur à toutes les pages: Daniel Vasella "most influential business figure", les architectes suisses, de Herzog & de Meuron à Zumthor: "The understated, Calvinist cool of avant-garde Swiss architecture is unsurpassed and finely attuned to the new century", et même, au nombre des 25 meilleurs nouveaux producteurs de vin, "Daniel and Martha Gantenbein of Fläsch in German-speaking Switzerland have been pushing everything to the limit".

Torture en Irak

Les ordures qui ont fait ça méritent d'être durement punis. La bonne nouvelle c'est qu'ils vont l'être, que leur comportement est une aberration et non la norme -- comme sous Saddam aux sinistres chambres de torture et autres fosses communes.

Si les faits rapportés à l'encontre de soldats américains ou britanniques sont confirmés, évidemment. Mais il n'y a pas vraiment de raison d'en douter: ce qui est surprenant est qu'il n'y ait pas eu plus d'actes de ce genre, et des plus monstrueux. La guerre, les situations de peur, ou au contraire de pouvoir absolu, font sortir ce que l'homme a de pire en lui, et de ce point de vue là je suis résolument anti-rousseauiste: l'homme, l'enfant, a la capacité innée de faire le mal, c'est la société qui le civilise. Voir par exemple ce que des soldats provenant de pays aussi peu belliqueux que le Canada, la Belgique ou l'Italie se sont laissé aller à commettre pendant l'intervention internationale en Somalie (voir le chapitre VI) de 1992 à 1995.

COMPLEMENT DE 20H15: Norman Geras rappelle l'expérience de psychologie appliquée de Stephen Milgram et cette autre, que je ne connaissais pas, de Philip Zimbardo. Et il souligne opportunément qu'il s'est toujours trouvé des personnes pour ne pas céder à la pression ou la tentation de torturer.

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