11.2.04
Armes de destruction massive: chat échaudé craint l'eau froide (mais c'est évidemment illogique)
Dans Le Temps d'aujourd'hui, Joëlle Kuntz présente ses états d'âme: après l'absence d'armes de destruction massive en Irak, elle en vient à mettre en doute l'existence de celles à laquelle la Lybie est en train de renoncer. Et elle brode joliment sur le thème de la confiance, de la vérité et de la désillusion.
Je suis de ceux qui étaient persuadés qu'après l'intervention, il faudrait alors répondre à ceux qui prétendraient que les armes et laboratoires découverts étaient plantés là par les Américains... C'est dire si je suis surpris et "déçu" que l'on n'ait pas trouvé de quoi rallier au moins les sceptiques honnêtes. Qui trouvent cependant dans le rapport de David Kay amplement de quoi se convaincre de la réalité des intentions du régime de Saddam Hussein en la matière, dès que la communauté internationale se serait lassée de le tenir sous contrôle, conformément aux voeux des gouvernements français ou allemand et des opinions publiques défaitistes (qui ne voulaient pas des conséquences que Saddam faisait supporter à son peuple de l'isolement du pays, mais ne voulaient pas non plus les en libérer).
Mais je n'ai jamais fait des armes de destruction massive le point cardinal de mon soutien à la politique de Bush et Blair visant, après le 11 septembre 2001 (et déjà avant, pour ce qui concerne Blair: voir ce discours du 22 avril 1999 à Chicago, sous la présidence Clinton), à ramener dans la communauté internationale ces Etats naufragés qui présentent désormais un trop grand risque par le potentiel qu'ils peuvent apporter au terrorisme contre les démocraties. Et si c'est sur ce point que l'accord diplomatique s'est fait autour de la résolution 1441 du Conseil de sécurité, c'est d'abord parce que la France, en particulier, jugeait que c'était une crainte fondée mais ne voulait pas endosser un programme plus musclé (regime change). Car il faut quand même rappeler deux évidences:
-- Saddam a toujours poursuivi l'ambition de doter son régime d'armes atomiques, bactériologiques et chimiques: il a détenu certaines de ses armes et les a utilisées dans le passé aussi bien en Irak même que dans ses guerres avec ses voisins, et rétrospectivement c'est probablement à l'invasion du Koweit que nous devons le fait qu'il ne soit pas parvenu à ses fins;
-- Tout le monde, absolument tout le monde (y compris Chirac), était convaincu de leur existence en 2002.
C'est dire que la question n'est pas celle de la "vérité" (opposée au prétendu "mensonge"), mais celle de l'établissement des "faits" et des raisons qui expliquent ce qu'il faut bien appeler une monumentale "erreur": de quoi engendrer de la colère, peut-être, mais pas des doutes existentiels. Comme je l'ai déjà écrit, l'hypothèse qui me plaît le mieux pour le moment aurait fait la fortune d'un Le Carré de la grande époque (avant qu'il ne disjoncte, comme en témoignent ses deux derniers livres): une conjonction d'(auto)intoxication entre les services irakiens (vis-à-vis de Saddam Hussein), Saddam (vis-à-vis de l'extérieur, voire de l'intérieur) -- comme semblent l'attester les témoignages recueillis par la Coalition, où chaque unité déclare ne pas en avoir eu tout en étant persuadée que d'autres en avaient... -- et les services de renseignement occidentaux (vis-à-vis des autorités).
J'ai donc la chance d'échapper aux troubles psychosomatiques ressentis par Joëlle Kuntz... Je ne peux que lui recommander de respirer profondément et de prendre un point de vue plus large sur la question, en se réjouissant sans restriction de la libération des Irakiens d'un régime de terreur et des effets positifs sur le plan stratégique qui sont sensibles tant au Proche-Orient que dans le reste du monde. Mais cela demandera encore beaucoup d'effort et de résolution de la part des démocraties!
A signaler sur la même page du Temps deux autres articles qui tentent de racheter ce qu'on lit en page rédactionnelle (accessibles seulement aux abonnés):
-- Pourquoi la guérilla irakienne n'est jamais devenue un mouvement de résistance, par Ludovic Monnerat (celui de CheckPoint);
-- L'hystérie anti-américaine tient lieu d'évangile pour toute une génération de faiseurs d'opinion européens, par Pierre-Alain Avoyer.
Je suis de ceux qui étaient persuadés qu'après l'intervention, il faudrait alors répondre à ceux qui prétendraient que les armes et laboratoires découverts étaient plantés là par les Américains... C'est dire si je suis surpris et "déçu" que l'on n'ait pas trouvé de quoi rallier au moins les sceptiques honnêtes. Qui trouvent cependant dans le rapport de David Kay amplement de quoi se convaincre de la réalité des intentions du régime de Saddam Hussein en la matière, dès que la communauté internationale se serait lassée de le tenir sous contrôle, conformément aux voeux des gouvernements français ou allemand et des opinions publiques défaitistes (qui ne voulaient pas des conséquences que Saddam faisait supporter à son peuple de l'isolement du pays, mais ne voulaient pas non plus les en libérer).
Mais je n'ai jamais fait des armes de destruction massive le point cardinal de mon soutien à la politique de Bush et Blair visant, après le 11 septembre 2001 (et déjà avant, pour ce qui concerne Blair: voir ce discours du 22 avril 1999 à Chicago, sous la présidence Clinton), à ramener dans la communauté internationale ces Etats naufragés qui présentent désormais un trop grand risque par le potentiel qu'ils peuvent apporter au terrorisme contre les démocraties. Et si c'est sur ce point que l'accord diplomatique s'est fait autour de la résolution 1441 du Conseil de sécurité, c'est d'abord parce que la France, en particulier, jugeait que c'était une crainte fondée mais ne voulait pas endosser un programme plus musclé (regime change). Car il faut quand même rappeler deux évidences:
-- Saddam a toujours poursuivi l'ambition de doter son régime d'armes atomiques, bactériologiques et chimiques: il a détenu certaines de ses armes et les a utilisées dans le passé aussi bien en Irak même que dans ses guerres avec ses voisins, et rétrospectivement c'est probablement à l'invasion du Koweit que nous devons le fait qu'il ne soit pas parvenu à ses fins;
-- Tout le monde, absolument tout le monde (y compris Chirac), était convaincu de leur existence en 2002.
C'est dire que la question n'est pas celle de la "vérité" (opposée au prétendu "mensonge"), mais celle de l'établissement des "faits" et des raisons qui expliquent ce qu'il faut bien appeler une monumentale "erreur": de quoi engendrer de la colère, peut-être, mais pas des doutes existentiels. Comme je l'ai déjà écrit, l'hypothèse qui me plaît le mieux pour le moment aurait fait la fortune d'un Le Carré de la grande époque (avant qu'il ne disjoncte, comme en témoignent ses deux derniers livres): une conjonction d'(auto)intoxication entre les services irakiens (vis-à-vis de Saddam Hussein), Saddam (vis-à-vis de l'extérieur, voire de l'intérieur) -- comme semblent l'attester les témoignages recueillis par la Coalition, où chaque unité déclare ne pas en avoir eu tout en étant persuadée que d'autres en avaient... -- et les services de renseignement occidentaux (vis-à-vis des autorités).
J'ai donc la chance d'échapper aux troubles psychosomatiques ressentis par Joëlle Kuntz... Je ne peux que lui recommander de respirer profondément et de prendre un point de vue plus large sur la question, en se réjouissant sans restriction de la libération des Irakiens d'un régime de terreur et des effets positifs sur le plan stratégique qui sont sensibles tant au Proche-Orient que dans le reste du monde. Mais cela demandera encore beaucoup d'effort et de résolution de la part des démocraties!
A signaler sur la même page du Temps deux autres articles qui tentent de racheter ce qu'on lit en page rédactionnelle (accessibles seulement aux abonnés):
-- Pourquoi la guérilla irakienne n'est jamais devenue un mouvement de résistance, par Ludovic Monnerat (celui de CheckPoint);
-- L'hystérie anti-américaine tient lieu d'évangile pour toute une génération de faiseurs d'opinion européens, par Pierre-Alain Avoyer.