15.3.04
Démocratie espagnole
Il y a quand même, dans les événements de ces derniers jours, des points dont il faut se féliciter, pour qui se souvient que la transition du franquisme n'a qu'une trentaine d'années:
- la maturité et le professionnalisme avec lesquels les institutions ont réagi aux attentats, sans état d'urgence ou appel à l'armée,
- le déroulement sans problème des élections,
- l'acceptation sereine de leurs résultats, aussi inattendus voire injustes puissent-ils paraître, par la majorité sortante.
Ce qui fait tache, c'est le contraste entre les deux 11: 9/11 à New York, l'union sacrée et la riposte contre l'ennemi, 3/11 à Madrid, la division et la débandade. C'est l'image d'ensemble (la seule qui reste) d'une victoire du défaitisme résultant, en définitive, du glissement d'un segment finalement faible, mais décisif, de l'électorat, qui a voulu sanctionner le gouvernement sortant coupable au fond d'attirer le malheur, dans une conception plus magique que politique de la vie en société: c'est évidemment ce qu'en retiendront les terroristes de tout poil, ETA et Al-Quaida confondus. Les polémiques nées de l'événement sont en elles-mêmes indéfendables, qu'il s'agisse de la position d'autruche consistant à croire que l'on peut échapper à la menace terroriste (alors qu'elle frappe toutes les démocraties, depuis bien avant l'intervention en Irak, et aussi celles qui s'y sont opposées) ou de la soi-disant manipulation autour des auteurs des attentats: ce qui frappe, c'est plutôt la rapidité et la transparence avec laquelle l'enquête a avancé; quand j'ai entendu l'annonce des manifestations du samedi contre les "mensonges" du gouvernement Aznar, je me suis dit qu'elles étaient l'habituelle agitation trotskyste attirant les naïfs dépolitisés, qui aurait eu lieu quoi qu'il dise (c'est forcément faux et biaisé) ou ne dise pas (il cache l'information).
C'est évidemment politiquement incorrect de penser cela, mais parfois une belle chorégraphie électorale a du bon: les résultats des premières élections démocratiques en Afrique du Sud n'avaient été connus qu'après plusieurs jours, donnant à l'ANC le score idéal d'une majorité absolue mais sans la majorité qualifiée qui lui aurait permis (l'aurait contrainte?) d'amender la Constitution pour supprimer les garanties données à la minorité blanche. En Espagne, je ne dis évidemment pas que l'électorat socialiste aurait dû se faire hara-kiri; mais il aurait été préférable (cela n'aurait choqué personne) que le Parti populaire reste au pouvoir.
Que le gouvernement PSOE retire ses troupes d'Irak, conformément à son programme, c'est maintenant dans l'ordre des choses (même si c'est ironique au moment où l'Allemagne, elle, paraît chercher comment elle pourrait accepter d'en mettre à disposition). Mais les socialistes espagnols doivent aussi se demander comment faire en sorte que cette victoire inattendue ne devienne pas leur honte: de quelle autre manière marquer leur solidarité et leur appartenance au camp des démocraties, plutôt que de retrouver l'isolement auquel le franquisme avait condamné l'Espagne.
COMPLEMENT DE 23H50: cela ne doit pas vous dissuader de revenir sur ce blog, mais c'est à nouveau à la lecture d'un de ces admirables et roboratifs textes d' Oliver Kamm que je dois vous convier!
- la maturité et le professionnalisme avec lesquels les institutions ont réagi aux attentats, sans état d'urgence ou appel à l'armée,
- le déroulement sans problème des élections,
- l'acceptation sereine de leurs résultats, aussi inattendus voire injustes puissent-ils paraître, par la majorité sortante.
Ce qui fait tache, c'est le contraste entre les deux 11: 9/11 à New York, l'union sacrée et la riposte contre l'ennemi, 3/11 à Madrid, la division et la débandade. C'est l'image d'ensemble (la seule qui reste) d'une victoire du défaitisme résultant, en définitive, du glissement d'un segment finalement faible, mais décisif, de l'électorat, qui a voulu sanctionner le gouvernement sortant coupable au fond d'attirer le malheur, dans une conception plus magique que politique de la vie en société: c'est évidemment ce qu'en retiendront les terroristes de tout poil, ETA et Al-Quaida confondus. Les polémiques nées de l'événement sont en elles-mêmes indéfendables, qu'il s'agisse de la position d'autruche consistant à croire que l'on peut échapper à la menace terroriste (alors qu'elle frappe toutes les démocraties, depuis bien avant l'intervention en Irak, et aussi celles qui s'y sont opposées) ou de la soi-disant manipulation autour des auteurs des attentats: ce qui frappe, c'est plutôt la rapidité et la transparence avec laquelle l'enquête a avancé; quand j'ai entendu l'annonce des manifestations du samedi contre les "mensonges" du gouvernement Aznar, je me suis dit qu'elles étaient l'habituelle agitation trotskyste attirant les naïfs dépolitisés, qui aurait eu lieu quoi qu'il dise (c'est forcément faux et biaisé) ou ne dise pas (il cache l'information).
C'est évidemment politiquement incorrect de penser cela, mais parfois une belle chorégraphie électorale a du bon: les résultats des premières élections démocratiques en Afrique du Sud n'avaient été connus qu'après plusieurs jours, donnant à l'ANC le score idéal d'une majorité absolue mais sans la majorité qualifiée qui lui aurait permis (l'aurait contrainte?) d'amender la Constitution pour supprimer les garanties données à la minorité blanche. En Espagne, je ne dis évidemment pas que l'électorat socialiste aurait dû se faire hara-kiri; mais il aurait été préférable (cela n'aurait choqué personne) que le Parti populaire reste au pouvoir.
Que le gouvernement PSOE retire ses troupes d'Irak, conformément à son programme, c'est maintenant dans l'ordre des choses (même si c'est ironique au moment où l'Allemagne, elle, paraît chercher comment elle pourrait accepter d'en mettre à disposition). Mais les socialistes espagnols doivent aussi se demander comment faire en sorte que cette victoire inattendue ne devienne pas leur honte: de quelle autre manière marquer leur solidarité et leur appartenance au camp des démocraties, plutôt que de retrouver l'isolement auquel le franquisme avait condamné l'Espagne.
COMPLEMENT DE 23H50: cela ne doit pas vous dissuader de revenir sur ce blog, mais c'est à nouveau à la lecture d'un de ces admirables et roboratifs textes d' Oliver Kamm que je dois vous convier!