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10.8.04

Un dispositif anti-trust pour les partis?

Depuis hier j'ai cette info sur la dissolution de l'ex-parti hégémonique d'Afrique du Sud, le National Party de l'apartheid, au sein du nouveau, l'ANC (African National Congress) de Nelson Mandela et Thabo Mbeki, qui me trotte dans la tête.

Un premier ordre de réflexion, c'est le difficile passage à la vie normale après la période épique de la lutte nationaliste qui le plus souvent implique une organisation unitaire se substituant aux clivages politiques traditionnels: Parti du Congrès en Inde, FLN en Algérie, ANC en Afrique du Sud, voire aujourd'hui encore Parti québecois... Même la Suisse a connu un écho des passions nationalistes avec la lutte des Jurassiens pour se séparer de Berne et former un 23e canton; mais là l'instrument a été un Rassemblement Jurassien qui n'a pas tenté de se substituer aux partis -- et à vrai dire les esprits romantiques ont été déçus de la rapidité avec laquelle le parlement, le gouvernement et l'administration du nouvel Etat se sont fondus dans la saine et démocratique grisaille de la vie politique suisse!

Dans la politique française il y avait quelque relent de ce statut spécial avec la prétention de de Gaulle, au nom de son rôle durant la Deuxième Guerre Mondiale, à disposer d'un parti dépassant le clivage gauche / droite; du moins n'avait-il pas la majorité au Sénat, et en tout cas depuis l'élection de Giscard d'Estaing (centre droit non gaulliste) les choses sont rentrées dans l'ordre démocratique, malgré la séquelle d'une terminologie a-idéologique et pseudo-totalisante: l'Union pour un Mouvement Populaire (UMP) [union pour la majorité perpétuelle?] se reconnaît de droite, davantage que ses ancêtres le Rassemblement Pour la République (RPR), l'Union des Démocrates pour la République (UDR), l'Union des Démocrates pour la Ve République (UD Ve), l'Union Nationale pour la République (UNR)...

Si le Parti National était majoritaire dans une démocratie limitée à l'apartheid qui maintenait l'ANC hors-la-loi, il avait bien pour adversaire un parti libéral (au sens anglo-saxon, de gauche) opposé à l'apartheid. Avec la fin de l'apartheid et la transition exemplaire conduite par De Klerk et Mandela dans un partage du pouvoir, l'ANC qui était pourtant une coalition allant de communistes grand teint à des démocrates de droite s'est maintenue comme parti unitaire, et elle a recueilli près de deux-tiers des voix (le "New" National Party en ayant quelque 20%). Aujourd'hui l'ANC est à près de 70%, il va passer ce cap en absorbant les moins de 2% qui restent de l'ancien parti de l'apartheid: et c'est comme auparavant le parti libéral Democratic Alliance (12%) qui constitue l'opposition officielle au parti hégémonique.

Je n'ai pas de peine à comprendre le calcul de ceux que seuls les attributs du pouvoir motivent. Depuis le début de la nouvelle Afrique du Sud il y a 10 ans, j'espère de tout coeur qu'elle parviendra à échapper au sort du Zimbabwe: démocratie au moment de l'accession de l'ex-Rhodésie à une indépendance internationalement reconnue, elle présente aujourd'hui encore des caractéristiques impressionnantes de la solidité de la culture politique laissée par les Britanniques (comme en Inde où elle a traversé avec succès bien des vicissitudes) à travers l'indépendance d'esprit et le courage de certains juges, et le respect de certaines formes parlementaires. Mais Robert Mugabe a absorbé et détruit le mouvement rival de Josuah Nkomo (il a même rallié Ian Smith!) et étendu son emprise de telle manière que, Saddam étant tombé, il ne rivalise plus qu'avec Fidel Castro et Kim Jong Il pour le titre du dictateur flamboyant qui détruit le plus complètement son pays (il y en a encore quelques autres, en particulier en Asie centrale, mais ils sont plus discrets); et je confesse une admiration sans borne pour le courage du Movement for Democratic Change de Morgan Tsvangirai (un syndicaliste, et j'aimerais bien voir la gauche européenne manifester davantage de solidarité avec le combat démocratique au Zimbabwe, au lieu qu'elle reste passive quand Jean Ziegler nous la rejoue anti-colonialiste).

Ce qui m'amène à mon deuxième ordre de réflexion, celui qu'évoque le titre de ce billet: il est fondamentalement malsain pour la démocratie qu'un parti soit trop puissant. De même que l'économie de marché requiert une régulation qui empêche d'asphyxier la concurrence, il serait souhaitable d'assurer, au besoin par des mesures positives, l'existence d'une saine concurrence entre partis politiques. Que les rares élus restant du New National Party veuillent aller à la soupe, soit! Mais je rêve d'une autorité indépendante qui serait à même (comme aux Etats-Unis on a brisé l'hégémonie de la compagnie de téléphone Bell, ou comme régulièrement les acquisitions d'entreprises sont accompagnées par décision de l'Union européenne d'une obligation de se séparer de tel autre secteur), de "casser" l'ANC, en décrétant par exemple l'interdiction de présenter sur une même liste plus d'un tiers des élus sortants...

CORRECTION DU 20.8: Oups, pardon! J'ai rectifié dans le texte ci-dessus le développement du sigle UMP: Union pour un Mouvement Populaire, et non Union du Mouvement pour le Progrès comme je le croyais, mais c'est à peine plus clair...



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