13.12.04
La gauche, la droite et l'intervention en Irak
Sur le blog collectif de gauche Harry's Place (qui soutient l'intervention en Irak), Gene commente un récent billet d'Omar de Iraq The Model qui raconte sa confusion, lorsque leur blog s'est fait connaître, sur les notions de gauche et de droite par rapport à son pays: les blogs qui faisaient un lien, les visiteurs qui affluaient et les internautes qui commentaient semblaient venir uniquement de la droite! Où était la gauche internationaliste et démocratique?
Et c'est vrai que le réalignement opéré par l'intervention créé des confusions. Lorsque nous avons virtuellement fait connaissance, Emmanuel de Ceteris Paribus m'écrivait: "Certes nous ne sommes pas du même bord, mais...". Sur quoi j'ai répliqué: "Ah bon? Il faudra que je te lise plus attentivement: je croyais que tu étais aussi de gauche" pour qu'il fasse la distinction entre notre désaccord sur l'intervention (voir en particulier les commentaires à la suite de ce billet) et un positionnement idéologique plus général.
C'était en particulier cette difficulté, à gauche, à assumer de se trouver en face de mêmes adversaires que la droite (au point d'en perdre de vue que, par ses origines, la gauche devrait en réalité avoir davantage de titre à se mobiliser contre l'oppression) qui avait conduit, en réponse aux appels de la Charte 77 de Vaclav Havel puis de Solidarnosc, à la création en Suisse d'un comité dont j'étais, rassemblant spécifiquement des socialistes, des trotskystes et des indépendants de gauche pour manifester notre solidarité active avec les opposants des pays de l'Est; il a fêté sa dissolution 14 ans plus tard, en 1991. Sur l'Irak et les suites du 11 septembre 2001, toutefois, il n'y a même pas matière à comité face à la pensée unique antiaméricaine et défaitiste qui, dans la "Vieille Europe", réunit la gauche et la plus grande partie de la droite (sans créer de malaise cette fois): il m'a fallu la blogosphère pour découvrir ces autres voix dissidentes de gauche que sont Oliver Kamm, Norman Geras ou Harry's Place en Grande-Bretagne, Frederick en Suède, Jeff Jarvis ou Roger L. Simon aux Etats-Unis. Et cela m'a bien sûr confirmé dans la constatation qu'il y a aussi des esprits humains, ouverts et généreux à droite (Arthur Chrenkoff pour n'en citer qu'un).
Il y a en réalité au moins quatre camps, dorénavant:
La droite souverainiste et la gauche protectionniste s'abritent ensemble derrière une approche pusillanime tournée vers l'intérieur et le court terme, mythifiant le "droit international" (qui est un domaine d'analyse, par un code édicté, contrôlé et sanctionné) et privilégiant en toutes circonstances le statu quo: ce sont les nouveaux conservateurs. La droite interventionniste et la gauche internationaliste se retrouvent désormais unis pour s'attaquer à long terme aux "causes profondes" des conflits et du terrorisme, en soutenant activement les forces démocratiques et le développement d'une économie de marché dans le tiers-monde: ce sont les nouveaux progressistes. Quelle époque!
COMPLEMENT DE 17H: Les grands esprits... Arthur Chrenkoff (qui me fait l'honneur d'une citation) avait un billet voisin tout récemment!
Et c'est vrai que le réalignement opéré par l'intervention créé des confusions. Lorsque nous avons virtuellement fait connaissance, Emmanuel de Ceteris Paribus m'écrivait: "Certes nous ne sommes pas du même bord, mais...". Sur quoi j'ai répliqué: "Ah bon? Il faudra que je te lise plus attentivement: je croyais que tu étais aussi de gauche" pour qu'il fasse la distinction entre notre désaccord sur l'intervention (voir en particulier les commentaires à la suite de ce billet) et un positionnement idéologique plus général.
C'était en particulier cette difficulté, à gauche, à assumer de se trouver en face de mêmes adversaires que la droite (au point d'en perdre de vue que, par ses origines, la gauche devrait en réalité avoir davantage de titre à se mobiliser contre l'oppression) qui avait conduit, en réponse aux appels de la Charte 77 de Vaclav Havel puis de Solidarnosc, à la création en Suisse d'un comité dont j'étais, rassemblant spécifiquement des socialistes, des trotskystes et des indépendants de gauche pour manifester notre solidarité active avec les opposants des pays de l'Est; il a fêté sa dissolution 14 ans plus tard, en 1991. Sur l'Irak et les suites du 11 septembre 2001, toutefois, il n'y a même pas matière à comité face à la pensée unique antiaméricaine et défaitiste qui, dans la "Vieille Europe", réunit la gauche et la plus grande partie de la droite (sans créer de malaise cette fois): il m'a fallu la blogosphère pour découvrir ces autres voix dissidentes de gauche que sont Oliver Kamm, Norman Geras ou Harry's Place en Grande-Bretagne, Frederick en Suède, Jeff Jarvis ou Roger L. Simon aux Etats-Unis. Et cela m'a bien sûr confirmé dans la constatation qu'il y a aussi des esprits humains, ouverts et généreux à droite (Arthur Chrenkoff pour n'en citer qu'un).
Il y a en réalité au moins quatre camps, dorénavant:
- la droite interventionniste (celle de Bush, Aznar, Howard l'Australien, qui en France n'est guère représentée que par Madelin, Pierre Lellouche, et peut-être Sarkozy -- et en Suisse par personne, pratiquement);
- la droite souverainiste voire isolationniste (celle de Chirac, minoritaire en Grande-Bretagne mais personnifiée notamment par les anciens ministres des affaires étrangères conservateurs et l'establishment diplomatique, qui aux Etats-Unis est occultée par Bush mais n'en existe pas moins);
- la gauche protectionniste de ses acquis, antiaméricaine et "culturaliste", qui en oublie ses racines de solidarité et d'universalité du combat démocratique;
- la gauche internationaliste (le parti travailliste britannique emmené par Blair, contre une partie de sa base même, mais en conformité avec une tradition honorable qui l'avait aussi conduit à combattre le stalinisme dès le début de la guerre froide, et des individualités telles que Kouchner et quelques intellectuels en France et ailleurs).
La droite souverainiste et la gauche protectionniste s'abritent ensemble derrière une approche pusillanime tournée vers l'intérieur et le court terme, mythifiant le "droit international" (qui est un domaine d'analyse, par un code édicté, contrôlé et sanctionné) et privilégiant en toutes circonstances le statu quo: ce sont les nouveaux conservateurs. La droite interventionniste et la gauche internationaliste se retrouvent désormais unis pour s'attaquer à long terme aux "causes profondes" des conflits et du terrorisme, en soutenant activement les forces démocratiques et le développement d'une économie de marché dans le tiers-monde: ce sont les nouveaux progressistes. Quelle époque!
COMPLEMENT DE 17H: Les grands esprits... Arthur Chrenkoff (qui me fait l'honneur d'une citation) avait un billet voisin tout récemment!