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9.12.04

«Parle avec lui»

Fellation sous narcoseTitre facile, et en réalité particulièrement inapproprié, mais tout de même plus allusif que l'affichette du Matin en vue aujourd'hui dans toute la Suisse romande (que Guillaume Barry se fait un devoir de me signaler en imaginant les questions dans les familles: il n'y a décidément plus d'enfance). La Grande-Bretagne, qui a davantage que la Suisse une tradition humoristique n'hésitant pas à mêler le grave et le graveleux, en ferait ses choux gras. Mais c'est bien le genre d'info qui peut faire le tour du monde : sera-t-elle déjà vendredi au News Quiz de BBC Radio4?

Passé le temps de la franche rigolade ou de la commisération amusée (tant cet épisode est le revers hors norme de fantasmes communs), le pisse-froid de service se doit de souligner que les abus sexuels dans les établissements hospitaliers sont une réalité endémique (à basse intensité, quand même). Mais les situations, bien plus fréquentes, d'actes (hétéro)sexuels sur des patientes se prêtent moins à la médiatisation populiste -- et quand ça arrive, c'est alors vraiment sur le registre de la peur. Pour un cas où la victime sous anesthésie se réveille trop vite...

Si j’en crois un vieux feuilleton d'été du Monde, Harmonie ou les horreurs de la guerre, de Jean Freustié, où une équipe médicale est confrontée au phénomène, la narcose n’est pas moins propice que le sommeil naturel à l’érection; j’ignore si la scène figure dans le film qui en a été tiré, selon la recherche que je viens de faire (avec Alain Delon, mais pas comme patient!). Et j’ai un autre souvenir hospitalier, celui d’un réveil matinal douloureux alors que j’étais équipé, si c’est le mot qui convient, d’une sonde urinaire, qui témoigne (pour apporter un élément de réponse à une question que Guillaume Barry ne doit pas être le seul à se poser) que l’éjaculation reste possible dans les situations les plus inattendues -- c’est d’ailleurs une fantaisie qui a ses amateurs, apparemment, mais pas de ceci sur ce blog, tout de même.

Certains trouveront l'affirmation du patient qu’une telle expérience aurait pu détruire sa vie quelque peu excessive (on peut en tout cas douter que l'article du Matin, qui n’a certainement pas été sollicité par les principaux protagonistes et résulte plus vraisemblablement de l’exploitation habile et forcée d’une confidence par personnes interposées, contribue à la consolidation / reconstruction). Mais c'est certainement vrai, tant la réaction individuelle à toute forme de traumatisme peut varier, de l'hypersensibilité dévastatrice à la résilience la plus extraordinaire. Il n'est malheureusement pas donné à tout le monde de voir un côté humoristique ou flatteur dans un événement objectivement humiliant, dégradant, ou de savoir comment l’affronter directement. Les conflits portant sur le comportement sexuel sont une galerie de situations dans lesquelles ce sont surtout des éléments de psychologie comportementale qui font défaut: l’estime de soi, la juste évaluation de la personnalité de l’autre -- et une réplique adéquate, un coup de genou bien placé. A défaut, en parler à son médecin n'était vraiment pas la plus mauvaise manière d'avancer, il reste à espérer qu'il était formé à l'écoute active, ce qui n'est nullement évident; il paraît avoir au moins évité l’ironie ou l’incrédulité, c’est déjà ça.

Dans un film (et faute de l’indice matériel irréfutable que proposait Almodovar), on rêverait que l'Hôpital place l'infirmier sous observation sans le lui dire, voire parvienne à le faire avouer dans un entretien manipulateur: tout serait réglé. Mais c’est oublier que la plainte peut aussi avoir été inventée, bien sûr. La responsabilité de l'employeur n'est donc pas de payer un avocat au patient (ça c'est plutôt une interprétation audacieuse de sa responsabilité comme entreprise prestataire de services), mais bien d'informer ouvertement le collaborateur soupçonné de la plainte reçue, voire de le défendre vis-à-vis de l'extérieur, tout en investiguant en interne... Ici aussi (plus encore si l'affaire est portée devant la justice) la juridification n’est pas garante d’efficacité ni exempte d'éventuels dommages collatéraux.

Celui qui saura proposer une synthèse des garanties procédurales pour les parties et des connaissances de la psychologie humaine méritera un prix: on commence seulement d'en voir une ébauche avec les approches de médiation civile ou pénale.

COMPLEMENT DU 11.12: Sur le site du Matin on peut aussi consulter la statistique des articles les plus envoyés / sauvés / imprimés par les internautes. Fellation sous narcose est actuellement No 1 du mois dans les trois catégories; suivent de près: Le sexe des Suisses: 14,48 cm... (les points de suspension sont du Matin, je ne me permettrais pas!) et Guérir l'homosexualité par la prière.



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