12.9.04
Les grands médias sous l'oeil des blogs
Imaginez, il y a quelques années, Claude Torracinta présentant sur Temps Présent, documents inédits à l'appui -- qui se révéleront des faux grossiers dans les 24 heures qui suivent -- des révélations nouvelles sur une affaire pourtant déjà connue mais toujours embarrassante pour le président de la Confédération... Bon, à ce stade mon analogie perd un peu de crédibilité car en Suisse il n'y aurait vraiment pas de quoi en faire un plat, mais cela donne quand même une idée du traumatisme dans lequel se débat Dan Rather et l'émission 60 Minutes de CBS depuis mercredi soir.
Evidemment, ce n'est pas vraiment ce que vous aurez compris en lisant Le Temps de samedi (article No 12, mais l'accès est payant):
L'autre procédé utilisé dans cet article par Alain Campiotti, le très militant correspondant du Temps aux Etats-Unis, consiste à mettre sur le même pied cette affaire et la polémique autour de la carrière militaire de Kerry au Vietnam, et il est bien sûr tentant de vouloir renvoyer dos-à-dos ceux qui utilisent des arguments ad hominem à propos de faits vieux de 30 ans plutôt que de parler des questions d'aujourd'hui et de demain. Mais dans un cas c'est le candidat lui-même qui en a fait le thème principal de sa campagne avant de battre en retraite sur son Noël au Cambodge (il est dès lors mal placé pour s'indigner que l'on revisite son comportement: discours estudiantin anti-guerre en 1966, décision de s'engager au Vietnam en 1968 pour en revenir 4 mois plus tard et en faire une plateforme politique, dans les années 70 comme porte-parole des adversaires de la guerre, jetant au passage le discrédit sur ses ex-frères d'armes, et aujourd'hui comme témoignage de son patriotisme et sa volonté de défendre les Etats-Unis), de l'autre l'accusation est mensongère et fondée sur un faux...
Je ne sais de qui il faut désespérer le plus en l'occurrence, des Démocrates (pour ne pas dire de la gauche en général) ou des médias: leur crédulité, leur absence de sens critique est véritablement sans limite dès lors qu'il s'agit d'attaquer Bush (curieusement, il en va autrement lorsqu'il s'agit de Kerry). Mais ce qui est intéressant dans cette histoire c'est la rapidité avec laquelle elle s'est dégonflée, et cela grâce à l'Internet en général et aux blogs en particulier (voir aussi InstaPundit ou Roger L. Simon le 9 septembre et les jours suivants). Campiotti, lui, tente de faire croire que ce sont d'autres journalistes qui ont débusqué la fraude: il est vrai qu'il s'était déjà lamenté, paradoxalement dans une chronique destinée exclusivement aux abonnés à l'édition électronique du Temps, de la concurrence que représentent les blogueurs pour les journalistes comme lui...
Dans les années 60, 70 ou 80, exposer un mensonge, un faux ou une manipulation était une affaire de professionnels et intervenait des semaines ou des mois plus tard sous la forme d'un livre ou d'un article approfondi dans un magazine; le simple accès aux éléments de base de l'affaire était difficile. Aujourd'hui tout est sur le Net et des milliers de blogueurs peuvent en tester la crédibilité en temps réel, et réunir sans délai les témoignages et les compétences éparses nécessaires. Le front de la solidarité professionnelle des grands médias n'a pas pu résister à ces coups de boutoirs: ABC et le Washington Post ont suivi.
COMPLEMENT DU 13.9: Comme le fait observer à juste titre Tomas Kohl (de la République tchèque), la relation entre les grands médias et les blogs est réciproque: les médias fournissent la plus grande partie de la matière des blogs, qui aident les médias à devenir meilleurs...
COMPLEMENT DU 14.9: InstaPundit a une réflexion intéressante sur la nature différente de la crédibilité des des grands médias et des blogs: celle des médias repose sur leur autorité, la confiance qu'on peut faire à la qualité du travail préalable, à tout l'arrière-plan que leur format ne permet pas de faire apparaître; les blogueurs eux publient en temps réel et tout repose sur le fait que ce qu'ils disent est appuyé sur une batterie d'hyperliens que chacun peut facilement vérifier. Les blogueurs peuvent compléter, infléchir voire corriger simplement, alors que pour un journaliste traditionnel devoir admettre une erreur apparaît comme reconnaître qu'il a trompé son public.
COMPLEMENT DU 18.9: Via InstaPundit, lu un passionnant article de Michael Van Winkle sur Tech Central Station démontrant comment cette affaire illustre la théorie de Hayek sur l'efficacité supérieure de l'action spontanée d'acteurs dispersés sur la concentration de moyens.
Evidemment, ce n'est pas vraiment ce que vous aurez compris en lisant Le Temps de samedi (article No 12, mais l'accès est payant):
ETATS-UNIS. Des documents accablants sur le passé militaire de George Bush étaient sans doute des faux. Mais la Maison-Blanche les avait distribués. Bizarre.A ce jeu-là, si contre toute attente il n'est pas élu on nous expliquera que John Kerry était bien sûr The Manchurian Candidate, téléguidé par Bush (via son Raspoutine, Karl Rove)...
Coup tordu dans la campagne présidentielle américaine: à qui profite le crime?
L'autre procédé utilisé dans cet article par Alain Campiotti, le très militant correspondant du Temps aux Etats-Unis, consiste à mettre sur le même pied cette affaire et la polémique autour de la carrière militaire de Kerry au Vietnam, et il est bien sûr tentant de vouloir renvoyer dos-à-dos ceux qui utilisent des arguments ad hominem à propos de faits vieux de 30 ans plutôt que de parler des questions d'aujourd'hui et de demain. Mais dans un cas c'est le candidat lui-même qui en a fait le thème principal de sa campagne avant de battre en retraite sur son Noël au Cambodge (il est dès lors mal placé pour s'indigner que l'on revisite son comportement: discours estudiantin anti-guerre en 1966, décision de s'engager au Vietnam en 1968 pour en revenir 4 mois plus tard et en faire une plateforme politique, dans les années 70 comme porte-parole des adversaires de la guerre, jetant au passage le discrédit sur ses ex-frères d'armes, et aujourd'hui comme témoignage de son patriotisme et sa volonté de défendre les Etats-Unis), de l'autre l'accusation est mensongère et fondée sur un faux...
Je ne sais de qui il faut désespérer le plus en l'occurrence, des Démocrates (pour ne pas dire de la gauche en général) ou des médias: leur crédulité, leur absence de sens critique est véritablement sans limite dès lors qu'il s'agit d'attaquer Bush (curieusement, il en va autrement lorsqu'il s'agit de Kerry). Mais ce qui est intéressant dans cette histoire c'est la rapidité avec laquelle elle s'est dégonflée, et cela grâce à l'Internet en général et aux blogs en particulier (voir aussi InstaPundit ou Roger L. Simon le 9 septembre et les jours suivants). Campiotti, lui, tente de faire croire que ce sont d'autres journalistes qui ont débusqué la fraude: il est vrai qu'il s'était déjà lamenté, paradoxalement dans une chronique destinée exclusivement aux abonnés à l'édition électronique du Temps, de la concurrence que représentent les blogueurs pour les journalistes comme lui...
Dans les années 60, 70 ou 80, exposer un mensonge, un faux ou une manipulation était une affaire de professionnels et intervenait des semaines ou des mois plus tard sous la forme d'un livre ou d'un article approfondi dans un magazine; le simple accès aux éléments de base de l'affaire était difficile. Aujourd'hui tout est sur le Net et des milliers de blogueurs peuvent en tester la crédibilité en temps réel, et réunir sans délai les témoignages et les compétences éparses nécessaires. Le front de la solidarité professionnelle des grands médias n'a pas pu résister à ces coups de boutoirs: ABC et le Washington Post ont suivi.
COMPLEMENT DU 13.9: Comme le fait observer à juste titre Tomas Kohl (de la République tchèque), la relation entre les grands médias et les blogs est réciproque: les médias fournissent la plus grande partie de la matière des blogs, qui aident les médias à devenir meilleurs...
COMPLEMENT DU 14.9: InstaPundit a une réflexion intéressante sur la nature différente de la crédibilité des des grands médias et des blogs: celle des médias repose sur leur autorité, la confiance qu'on peut faire à la qualité du travail préalable, à tout l'arrière-plan que leur format ne permet pas de faire apparaître; les blogueurs eux publient en temps réel et tout repose sur le fait que ce qu'ils disent est appuyé sur une batterie d'hyperliens que chacun peut facilement vérifier. Les blogueurs peuvent compléter, infléchir voire corriger simplement, alors que pour un journaliste traditionnel devoir admettre une erreur apparaît comme reconnaître qu'il a trompé son public.
COMPLEMENT DU 18.9: Via InstaPundit, lu un passionnant article de Michael Van Winkle sur Tech Central Station démontrant comment cette affaire illustre la théorie de Hayek sur l'efficacité supérieure de l'action spontanée d'acteurs dispersés sur la concentration de moyens.