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30.8.04

Et de 9!

Une nouvelle livraison particulièrement copieuse et réjouissante des bonnes nouvelles d'Irak compilées par Arthur Chrenkoff!

29.8.04

Pierre Maudet féroce sur l'armée suisse

J'avais enrôlé Pierre Maudet sur ce blog, mais sans grand succès (juste un billet d'essai); et à la vérité j'essaie plutôt, comme pour d'autres amis directement engagés en politique, de le convaincre de dynamiser son site statique par un blog. Membre du parti centriste et gouvernemental par excellence en Suisse (même s'il est en perte de vitesse), à savoir le parti radical, actif au niveau local, cantonal, national et européen et déployant des intérêts multiples, il a amplement de quoi tenir un journal en ligne. Une nouvelle preuve avec cette interview dans Le Matin Dimanche du capitaine Maudet...

28.8.04

Torture et traitement des prisonniers dans la guerre contre la terreur

Deux rapports ont été rendus publics au cours de la semaine sur le traitement des prisonniers:
J'ai eu un peu de peine à mettre la main sur les documents eux-mêmes, mais les voici (et je ne prétend pas les avoir étudiés à fond à ce stade!).

Le rapport Jones / Fay est sévère sur la responsabilité de la hiérarchie dans sa négligence qui remonte au plus haut niveau, qui a permis que les tortures et mauvais traitements d'Abou Ghraib ne soient pas évités. Mais il confirme, comme le rapport Schlesinger, que les craintes d'une politique délibérée de renoncer aux principes élémentaires d'interdiction de la torture sont infondées: Bush et Rumsfeld n'ont pas tenu leur conférence de Wannsee sur la solution finale, comme paraissent l'imaginer ceux qui voient leur doigt sur le déclencheur des fameuses photos.

Le rapport Schlesinger est par ailleurs intéressant aussi parce qu'il discute en détail la polémique entre le CICR et le gouvernement américain sur le traitement des prisonniers de Guantanamo que j'avais aussi évoquée ici. Je comprends enfin sur quoi se fonde chaque partie: le CICR plaide pour une interprétation extensive du protocole additionnel No 1 aux Conventions de Genève (avec la conclusion insoutenable qu'il serait impossible d'interroger des terroristes en dehors d'une procédure judiciaire en bonne et due forme) alors que les Etats-Unis s'en tiennent aux Conventions elles-mêmes et aux réserves qu'ils ont expressément formulées sur le protocole No 1 pour dénier la qualité de prisonniers de guerre aux détenus de Guantanamo. Lire à ce sujet les pages 79 à 88 (particulièrement dès la page 85) du rapport Schlesinger, ou cet article sur le site du Wall Street Journal. Le "quotidien édité à Genève" Le Temps, qui comme la Suisse dans son ensemble s'identifie volontiers au CICR, n'a pas cru devoir ennuyer ses lecteurs avec ces détails techniques...

27.8.04

Nadjaf: paysage après la bataille

En fait de symbole de la résistance irakienne à l'occupation étrangère ou d'incarnation de la majorité chiite du pays, Moqtada Al-Sadr a finalement été vaincu par les chiites eux-mêmes: ils n'ont pas répondu à son appel mais à celui du grand ayatollah Ali Al-Sistani qui n'est, lui, pas partisan d'une théocratie.

Je doute que les antiaméricains professionnels rendent l'hommage qui convient à la retenue et au discernement dont la coalition, comme le gouvernement irakien, ont fait preuve durant ces trois semaines (ils ne manqueront pas, paradoxalement, de présenter cela comme un aveu de faiblesse): Al-Sadr vivant, plus isolé que jamais avec son armée décimée, est sans doute moins dangereux que s'il s'était fait sauter dans le mausolée de l'imam Ali.

25.8.04

DSK: le retour et la disparition

On nous avait annoncé le retour à son clavier de Dominique Strauss-Kahn le 15 août, mais cette rentrée s'est effectuée le 19. En faisant l'impasse complète sur "l'affaire" Marie L. ... Un peu psychorigide, je trouve, comme on disait du camarade Jospin.

Du moins Strauss-Kahn ne renonce pas pour autant à bloguer comme je l'avais craint un instant. Son billet de rentrée est même exemplaire de l'utilisation intelligente d'un blog par une personnalité politique douée d'une saine ambition de servir son pays (dont je me rends bien compte qu'elle est davantage exposée par ce qu'elle publie par ce biais que le blogueur moyen): outre la présentation plus animée que sur un site statique de ses faits et gestes, et la mise à disposition publique immédiate de ses textes et discours, le journal en ligne peut donner à connaître une dimension personnelle de manière moins niaise que par la page idoine dudit site statique; et surtout il peut servir à lancer des ballons d'essai et récolter des avis.

C'est ce que DSK fait le 19 août sur le thème "Délocalisations: menaces et remèdes": rappel des conclusions d'un rapport officiel sur le sujet, évocation du coût humain de la chose, annonce qu'il réfléchit sur trois pistes et en conclusion "Qu'en pensez-vous? Avez-vous d'autres pistes?" (et modeste, avec ça!).

A l'heure où j'écris il y a déjà 25 commentaires.

COMPLEMENT DU 6.9: On en est à 45 commentaires, auxquels s'ajoutent des billets sur Olivier_Carmine_G, Versac et Ceteris Paribus.

24.8.04

Reconstruire la gauche: le débat est ouvert

J'avais signalé cet important article de Nick Cohen dans The New Statesman, relevé par Marcus de Harry's Place; depuis Harry a poursuivi la réflexion. Il a été commenté également par d'autres blogs de la gauche que j'aurais tendance à appeler internationaliste ou libérale:
Comme membre du PS genevois, je tire un certain réconfort d'un épisode historique particulier: la manière dont le parti a été refondé par quelques hommes et femmes après son expulsion du parti suisse pour cause d'approbation, sous la férule de Léon Nicole, du pacte germano-soviétique...

23.8.04

Bonnes nouvelles d'Afghanistan (3)

Arthur Chrenkoff a rassemblé une nouvelle et impressionnante brassée de ces nouvelles d'Afghanistan qui témoignent de l'espoir d'un peuple et de la reconstruction d'un pays.

21.8.04

Ruth Dreifuss va-t-elle s'y mettre?

Je suis avec l'ancienne présidente de la Confédération, la socialiste Ruth Dreifuss. Je tente de la convaincre de se doter d'un blog: nombreux sont celles et ceux qui souhaiteraient garder le contact avec elle, connaître son point de vue sur diverses questions d'actualité, ou tout simplement savoir ce à quoi elle se consacre depuis qu'elle a quitté le Conseil fédéral (un groupe de travail de l'OMS sur la propriété intellectuelle en matière de médicaments, le conseil d'administration de l'International Crisis Group... et bien sûr elle fait campagne en faveur du oui au nouveau projet d'assurance-maternité lors des votations du 26 septembre prochain!).

20.8.04

Absence...

Pardon pour le silence de ce blog! Guillaume Barry est en vacances et je suis pour quelques jours à Genève, où il m'est plus difficile de (dé)bloguer...

17.8.04

Tous ménages

Nous venons de recevoir la brochure publiée par le gouvernement britannique Se préparer aux situations d'urgence (compte tenu en particulier de la menace terroriste).

Mais je n'ai pas l'intention d'ironiser sur la comparaison avec la culture suisse de la Protection civile! Plutôt de souligner, car ce n'est pas la première fois que je le remarque sur des documents officiels, l'effort fait pour tenir compte de besoins particuliers: la brochure est également disponible dans une version en gros caractères, en braille et sur cassette audio (une version vidéo en langage des signes sera prête en septembre).

La Suisse a l'habitude des documents dans les trois langues officielles (voire occasionnellement d'une quatrième version en romanche). Mais ici, outre l'anglais (décliné dans des éditions portant le sceau de l'exécutif régional en Ecosse, au Pays de Galles et en Irlande du Nord) et le gaélique (officiel au Pays de Galles), on peut demander à recevoir la brochure en bengali, chinois (mandarin, j'imagine), arabe, somali, français [492 Ko], urdu, punjabi et gujarati. Ne sont pas imprimés mais sont ou seront en outre disponibles sous forme de fichiers PDF à télécharger des versions en grec, kurde, farsi, turc, vietnamien, hindu, ainsi que dans le dialecte irlandais et écossais!

16.8.04

US Go Home (or not?)

On ne sait s'il faut rire ou pleurer: 59 ans après la fin de la deuxième guerre mondiale, 15 ans (ou 13) après la fin de la guerre froide, l'Allemagne s'inquiète car les soldats américains vont quitter son sol...

En revanche la coalition devrait abandonner l'Irak libéré sans attendre que le pays soit stabilisé et que la guerre multiforme contre l'islamofascisme soit gagnée.

Trading Ages (suite): "Dans la peau d'une vieille"

Vu la deuxième partie de Trading Ages (échange de génération), avec une amie qui a trouvé l'émission passablement dérangeante -- mais c'était évidemment le but.

Autant Nick, pourtant glandeur, était sympathique, autant Karolyne, une enseignante de 29 ans, est de prime abord odieuse (toujours l'utilisation des ressorts de la télé réalité). L'expérience d'être transformée en septuagénaire et d'en fréquenter d'autres l'amène pourtant à réaliser qu'en chacun il y a une personne. Encore plus dramatique que la résolution de Nick de cesser de squatter ses parents et de se chercher un vrai boulot: stérile (et c'est l'un des aspect de son ressentiment à l'égard de ceux qui vieillissent entourés, au moins métaphoriquement, d'enfants et de petits enfants), Karolyne tombe enceinte dans le cours du tournage du toy boy (son expression) avec qui elle sort en boîte tous les soirs -- dont elle est choquée qu'il refuse de l'embrasser lorsqu'elle le rencontre en septuagénaire...

En bref, une excellente idée d'émission de BBC2 qui bouscule bien des préjugés. Reste à espérer qu'elle va maintenant être déclinée comme Big Brother sur les différents marchés nationaux!

Bonnes nouvelles d'Irak (8)

A nouveau une copieuse compilation de ces informations qui n'intéressent guère les grands médias et qui mettent pourtant en perspective la situation en Irak, rassemblées par Arthur Chrenkoff.

15.8.04

Europe: quand la France s'isole

Depuis deux jours, Le Monde étale son dépit devant la composition de la nouvelle Commission européenne. "Les libéraux en force à Bruxelles" (page 1), "La Commission Barroso donne la prééminence aux libéraux" (page 4) et un éditorial "Europe libérale" (page 14) pour l'édition datée de samedi, et pour l'édition du week-end "Commission européenne: les choix de José Manuel Barroso suscitent réserves et interrogations à Bruxelles", comprenant un encadré "Un 'adversaire', pour M. Montebourg (PS)".

Les reproches sont de trois ordres: ligne idéologique, place des grands pays (ou tout au moins de la France), sens tactique par rapport aux référendums que de nombreux pays de l'Union vont tenir sur le projet de Constitution adopté par le Conseil européen pour prendre la succession des traités en vigueur.

Sur la ligne, que l'on sache la France fait partie des pays qui sont favorables à ce que le Parlement européen joue un vrai rôle politique et que la Commission soit responsable aussi devant lui. Or les résultats des élections européennes ont été favorables à la droite, ce qui doit donc logiquement se refléter et dans les politiques qui seront poursuivies et dans les personnes qui les incarnent, même avec le bémol qui sied à un ensemble fédéral pluraliste. Au demeurant, ce n'est pas Barroso qui a choisi les individus qui composent son équipe: chaque Etat désigne souverainement un commissaire, la marge de manoeuvre du président ne portant que sur la répartition des portefeuilles. Mais surtout, il est préoccupant de voir Le Monde utiliser le terme "libéral" dans un sens aussi péjoratif: la "stratégie de Lisbonne" qu'il s'agit en particulier de relancer a été adoptée à l'unanimité par le Conseil européen en mars 2000, du temps où le premier ministre français était le socialiste Lionel Jospin! Et son intention n'est pas si diabolique et pourrait même, si cela doit donner du coeur au ventre, être présentée sous un éclairage anti-américain, puisqu'il s'agit de tenter de stopper et d'inverser le décrochage de l'économie et de la prospérité en Europe par rapport aux Etats-Unis (évidemment on peut se contenter de s'en indigner en se posant en victimes!)...

Ce qui est inquiétant, c'est que cela semble à nouveau être la simple acceptation de l'économie de marché qui paraît insupportable au Monde et à certains socialistes français: ce ne sont pas des extravagances idéologiques thatchériennes mais bien des mesures réformistes élémentaires qui sont dénoncées. Et sur ce point, la France et la gauche française devraient se réveiller: ils sont bien seuls. Ni l'Espagne de Zapatero, ni l'Allemagne de Schröder, ni l'opposition de gauche italienne conduite par le Prodi qui, comme président du Conseil, a mené à bien l'adaptation du pays pour son entrée dans l'euro, ni les socialistes néerlandais, ni les Scandinaves, ni bien sûr le parti travailliste britannique se sont sur une ligne conservatrice, rétrograde et anti-économie de marché, en revanche reprise par les populistes de tout poil (et sans nul doute populaire parmi ceux qui subissent des difficultés économiques et sociales).

Le reproche sur le manque d'égard pour les grands pays est à l'avenant: outre qu'il est désobligeant par rapport aux autres Etats et commissaires, entre lesquels une égalité formelle est supposée exister, il ne tient guère la route avec des vice-présidences pour les trois grands pays fondateurs, l'Allemagne, la France et l'Italie. La nature paranoïaque de la critique éclate avec ce soupçon que c'est l'attitude par rapport à l'intervention en Irak qui serait l'élément explicatif majeur (pourtant ni le Royaume Uni ni la Pologne n'ont de vice-présidence!).

Reste une question plus sérieuse: cette Commission risque-t-elle de mettre en danger la ratification du nouveau Traité de Rome, instituant cette fois une Constitution de l'Union européenne? Cela revient à soutenir, de manière cynique, qu'il faut simplement anesthésier les opinions publiques pendant les deux ans qui viennent en ne prenant que des mesures rassurantes, protectrices, et que toute action réformiste ne peut que susciter des levées de boucliers qui seront défavorables aux référendums... La Commission fait probablement un pari différent: c'est si l'Europe parvient à sortir de l'immobilisme et de la stagnation qu'il sera possible de retrouver une force d'entraînement positive.

Reconstruire la gauche

Marcus, l'un des contributeurs du blog de gauche Harry's Place, signale un article dans le magazine de gauche britannique The New Statesman de cette semaine. L'auteur, Nick Cohen, se demande ce que sont devenus les enfants d'une gauche révoltée par l'oppression et attachée aux grands principes, quand on les voit aujourd'hui trop consumés par l'antiaméricanisme pour manifester une quelconque solidarité avec les militants socialistes et démocrates en Irak (dont ils préfèrent oublier qu'ils ont été les victimes de Saddam).

Pour Marcus, la reconstruction à entreprendre part vraiment de la base, puisque elle devrait selon lui reposer sur quatre principes: l'internationalisme, le rationalisme, la modestie et l'honnêteté...

14.8.04

My Architect: Louis Kahn

De retour du cinéma où nous avons vu My Architect (voir aussi une série de critiques du film), un documentaire aussi passionnant qu'une fiction dramatique: la recherche de son père, le grand architecte Louis Kahn, par le fils Nathaniel qu'il eut d'une des trois femmes avec lesquelles il partageait la part contingente de son existence, en dehors de son travail. Une oeuvre admirable, émouvante et grandiose -- celle du fils comme celle du père, qui culmine avec le Parlement du Bengladesh musulman construit par cet architecte juif américain (et qui comprend une immense mosquée).

Bataille de Nadjaf (suite)

Non plus "la résistance à l'occupation" mais
L'islam chiite en Irak, enjeu de la bataille de Nadjaf
selon le titre de Une du Monde de ce jour...

Cela reste faire beaucoup d'honneur à Moqtada Al-Sadr, en réalité complètement minoritaire, désavoué, au sein du chiisme irakien lui-même dont il a pris en otage les lieux saints avec son armée privée. Il est généralement tenu pour responsable de l'assassinat, immédiatement après la chute de Saddam, d'un leader chiite qui revenait d'exil, Abdul Majid al-Khoei.

12.8.04

La bataille de Nadjaf

Difficile d'être davantage à côté de la plaque qu'avec ce titre en première page du Monde d'aujourd'hui (sur une seule colonne annonçant un grand article en page 2 -- le titre sur 4 colonnes oscille lui entre Schadenfreude et wishful thinking: L'économie américaine donne des signes d'essoufflement):
La résistance à l'occupation est l'enjeu de la bataille de Nadjaf
Moi qui croyais naïvement que l'enjeu était pour les nouvelles autorités irakiennes, grâce à l'appui de leurs alliés de la coalition internationale, de mettre un terme à la subversion menée contre l'Etat (et qui sabote la reconstruction du pays) par une armée privée théocratique dont les combattants sont souvent étrangers (mais on va bientôt nous expliquer que ce sont les nouvelles Brigades internationales), recrutés aussi dans les populations musulmanes des quartiers défavorisés d'Europe... On lira avec profit les blogs irakiens à ce propos: par exemple Mohammed de Iraq The Model ou Zeyad de Healing Iraq.

Comme le relève Philippe Barraud dans une de ses "griffures" (il n'y a apparemment pas de lien permanent, ni même de date):
Certains journalistes sont devenus fanatiquement anti-américains (...). Ce qui les conduit à manifester non seulement peu d’esprit critique, mais encore une discrète sympathie pour les «rebelles» irakiens du demi-fou Moqtada al-Sadr. Voilà qui n’est pas sans rappeler la formidable fascination des médias pour un autre fasciste vert, l’ayatollah Khomeini, alors qu’il pérorait de son tapis à Neauphle-le-Château. On sait ce qu’il en est advenu, et al-Sadr ne vaut pas mieux.

Les Britanniques plus prospères que les Suisses?

L'une de ces frustrations que l'on ressent, comme Suisse, c'est de ne souvent pas figurer dans des comparaisons statistiques internationales. Parfois, l'Office fédéral de la statistique s'en charge lui-même: il vient de publier une intéressante étude sur le marché du travail en comparaison internationale (rapport de 20 pages, fichier PDF). Destinée principalement à éclairer les différences entre l'UE des 15 et les 10 nouveaux membres, elle tourne évidemment aussi autour de la Suisse.

A côté de ce que l'on pouvait déjà savoir sur le haut niveau du taux d'activité en Suisse (81,2%, au deuxième rang derrière l'Islande -- autre oubliée usuelle des comparaisons internationales!), à comparer à la moyenne de 70% de l'UE à 15 (pour le Royaume Uni c'est 75,3%), ou sur le niveau élevé des salaires (salaire annuel brut moyen dans l'industrie et les services de 50'000 euros, au premier rang des 27 pays considérés), je suis plus frappé d'apprendre que le Royaume Uni est ici quatrième, devant l'Allemagne.

Et plus encore de lire que le Royaume Uni serait troisième et la Suisse septième dans une statistique corrigée selon le pouvoir d'achat... Ici je ne suis pas sûr que la moyenne ne cache pas des disparités internes moins favorables aux Britanniques, et j'aimerais, plutôt que le salaire moyen brut en termes de pouvoir d'achat standard, savoir ce qu'il en est du salaire médian (celui qui sépare une moitié de la population concernée de l'autre). Je vois cependant deux différences notables entre les deux pays qui expliquent peut-être que le pouvoir d'achat suisse soit plus faible pour un revenu disponible comparable:

COMPLEMENT DE 21H30: Billet revu et augmenté, j'ai développé mes interrogations sur cette différence de pouvoir d'achat entre les Britanniques et les Suisses. Et je découvre sur le site de l'OFS un petit outil aussi fascinant que de s'abîmer dans une carte de géographie: une comparaison statistique bilatérale de la Suisse avec chacun des autres pays d'Europe (+ l'UE dans son ensemble), ainsi que les Etats-Unis, le Canada et le Japon.

Pourquoi il y a peu de blogs en Suisse

Ainsi donc mon sentiment est fondé -- et expliqué dans cet article de la fenêtre anglophone de la NZZ (version française sur Swissinfo) que je découvre grâce au blog australien d'Arthur Chrenkoff: ce serait de la timidité!

Mais ça se soigne. Et je découvre à cette occasion que le rédacteur en chef de TSR multimédia, Bernard Rappaz, a commencé un blog le 28 juillet: bienvenue au club!

Kerry et la guerre

L'actuelle, plutôt que celle du Vietnam sur laquelle préfère curieusement s'étendre le candidat démocrate (qui s'embourbe actuellement dans une mystérieuse excursion cambodgienne que l'on ne rapporte pas beaucoup en Europe, comme on a jeté un voile pudique sur l'embarrassante affaire Sandy Berger, le Condoleeza Rice de Clinton qui a subtilisé et même détruit des documents confidentiels des Archives sur la lutte contre Al Quaida). John Kerry vient de déclarer que oui, comme sénateur, il aurait voté l'autorisation d'intervenir en Irak même s'il avait su alors ce que l'on sait aujourd'hui, en particulier qu'on n'y trouverait finalement pas d'armes de destruction massive (Daily Telegraph, ou en français au dernier paragraphe de cette page du Monde).

C'est un peu cette tactique du catch qui consiste à étreindre l'adversaire pour éviter qu'il ne vous tape. Et ça peut marcher si Kerry rassure suffisamment sur sa capacité à poursuivre, voire comme il le proclame à mettre sur une meilleure voie l'action engagée (et, indépendamment du candidat à la présidence, les Démocrates sont certes dotés de personnalités au moins aussi compétentes et convaincantes que les Cheney, Rumsfeld ou Ashcroft); l'électorat bushophobe, même défaitiste, n'a quant à lui pas d'autre choix pour atteindre son but premier, et il a cette fois probablement compris que voter pour Ralph Nader (voire socialiste, puisqu'un candidat de cette obédience avait à lui seul recueilli en Floride le faible nombre de suffrages qui ont manqué à Al Gore pour emporter cet Etat!) ne ferait que garantir la réélection de Bush.

Mais la vraie question est plutôt: l'aurait-il non seulement soutenue mais proposée, cette intervention qui était une suite indispensable, après la libération de l'Afghanistan, de la riposte face à la menace islamofasciste dont le monde n'a véritablement pris conscience que le 11 septembre 2001? Un président Kerry aurait-il sollicité l'autorisation parlementaire que le sénateur Kerry a votée et voterait encore aujourd'hui (mais il s'est ensuite opposé au crédit y relatif...)?

11.8.04

Le libéralisme infilte les trotskistes

On avait déjà eu Arlette Laguiller confessant dans Gala que, non, elle n'était pas lesbienne et il y a un homme dans sa vie, mais là c'est plus sérieux. Le boy's band de la LCR Olivier Besancenot revendique hautement ce que certains ne manquent pas de dénoncer comme du déviationnisme petit bourgeois dans un entretien accordé à une revue sérieuse, Contretemps: il veut vivre sa vie et la politique n'est pas tout! Que fait Mgr Ratzinger?!

Après "tous marxistes", "tous gaullistes", "tous religieux", voici enfin "tous libéraux!".

"Dans la peau d'un vieux"

Je regarde fort peu la télévision, même si je suis convaincu qu'il y passe toute sorte de choses passionnantes. Et j'en ai eu la confirmation hier soir sur BBC2, mon quotidien ayant signalé la première partie de Trading Ages.

Adolescent, j'avais été très impressionné par la lecture d'un livre déjà ancien à l'époque, il remonte à 1959, Dans la peau d'un Noir (toujours disponible en poche), récit de l'immersion totale du journaliste blanc James Griffin du côté des victimes de la discrimination raciale dans le sud des Etats-Unis. Le propos de Trading Ages (échange de génération) est similaire, avec l'impact de la télévision en plus et, de surcroît, le meilleur de ce que peut donner la télé réalité: ce n'est pas un journaliste en mission que les moyens les plus avancés en matière de maquillage et de prothèses transforment en vieux, mais un jeune homme comme les autres.

Et à vrai dire Nick, le fil conducteur de la première partie, est une cas sociologique à lui tout seul: c'est un glandeur épanoui de 33 ans dont le beau sourire témoigne des bienfaits de la prospérité et de l'Etat providence. Vivant chez ses deux parents toujours mariés, il travaille à temps partiel dans un pub, ayant simplement décidé de prendre la vie du bon côté plutôt que d'aller à l'Uni etc. Avec la complicité de la grand-mère dont il est le petit-fils préféré, il découvre pendant un mois ce qu'est la vie des vieux entre eux (et c'est un peu là le problème), de centre de jour en virée dans une station balnéaire, de tombola en soirée récréative -- ou en vacances actives à apprendre le flamenco à Grenade. Avec lui, on se demande quelle est la part de la résignation morose, ou au contraire de la sagesse bienveillante, dans l'apparente joie de vivre des intéressés; on expérimente les pièges et tracas de la vie quotidienne, la cruauté des regards transparents lorsque le Nick septuagénaire fréquente les lieux dans lesquels le trentenaire est chez lui; et on partage son sentiment que la génération aujourd'hui aux commandes, habituée au "tout, tout de suite", sera certainement moins commode (comme je l'ai lu ailleurs, il faudra que les EMS changent leur programme musical et intègrent du fast food à leurs menus). Aux dernières nouvelles, Nick a décidé de mener une vie plus active, il a emménagé chez des copains en attendant de se trouver un logement propre et un "vrai" travail!

Ce soir, c'est le tour de Karolyne, une femme de 29 ans qui déteste et craint la vieillesse, de la découvrir de l'intérieur. Nous serons à un concert, mais je demande à des amis de la regarder pour moi et de l'enregistrer...

10.8.04

Un dispositif anti-trust pour les partis?

Depuis hier j'ai cette info sur la dissolution de l'ex-parti hégémonique d'Afrique du Sud, le National Party de l'apartheid, au sein du nouveau, l'ANC (African National Congress) de Nelson Mandela et Thabo Mbeki, qui me trotte dans la tête.

Un premier ordre de réflexion, c'est le difficile passage à la vie normale après la période épique de la lutte nationaliste qui le plus souvent implique une organisation unitaire se substituant aux clivages politiques traditionnels: Parti du Congrès en Inde, FLN en Algérie, ANC en Afrique du Sud, voire aujourd'hui encore Parti québecois... Même la Suisse a connu un écho des passions nationalistes avec la lutte des Jurassiens pour se séparer de Berne et former un 23e canton; mais là l'instrument a été un Rassemblement Jurassien qui n'a pas tenté de se substituer aux partis -- et à vrai dire les esprits romantiques ont été déçus de la rapidité avec laquelle le parlement, le gouvernement et l'administration du nouvel Etat se sont fondus dans la saine et démocratique grisaille de la vie politique suisse!

Dans la politique française il y avait quelque relent de ce statut spécial avec la prétention de de Gaulle, au nom de son rôle durant la Deuxième Guerre Mondiale, à disposer d'un parti dépassant le clivage gauche / droite; du moins n'avait-il pas la majorité au Sénat, et en tout cas depuis l'élection de Giscard d'Estaing (centre droit non gaulliste) les choses sont rentrées dans l'ordre démocratique, malgré la séquelle d'une terminologie a-idéologique et pseudo-totalisante: l'Union pour un Mouvement Populaire (UMP) [union pour la majorité perpétuelle?] se reconnaît de droite, davantage que ses ancêtres le Rassemblement Pour la République (RPR), l'Union des Démocrates pour la République (UDR), l'Union des Démocrates pour la Ve République (UD Ve), l'Union Nationale pour la République (UNR)...

Si le Parti National était majoritaire dans une démocratie limitée à l'apartheid qui maintenait l'ANC hors-la-loi, il avait bien pour adversaire un parti libéral (au sens anglo-saxon, de gauche) opposé à l'apartheid. Avec la fin de l'apartheid et la transition exemplaire conduite par De Klerk et Mandela dans un partage du pouvoir, l'ANC qui était pourtant une coalition allant de communistes grand teint à des démocrates de droite s'est maintenue comme parti unitaire, et elle a recueilli près de deux-tiers des voix (le "New" National Party en ayant quelque 20%). Aujourd'hui l'ANC est à près de 70%, il va passer ce cap en absorbant les moins de 2% qui restent de l'ancien parti de l'apartheid: et c'est comme auparavant le parti libéral Democratic Alliance (12%) qui constitue l'opposition officielle au parti hégémonique.

Je n'ai pas de peine à comprendre le calcul de ceux que seuls les attributs du pouvoir motivent. Depuis le début de la nouvelle Afrique du Sud il y a 10 ans, j'espère de tout coeur qu'elle parviendra à échapper au sort du Zimbabwe: démocratie au moment de l'accession de l'ex-Rhodésie à une indépendance internationalement reconnue, elle présente aujourd'hui encore des caractéristiques impressionnantes de la solidité de la culture politique laissée par les Britanniques (comme en Inde où elle a traversé avec succès bien des vicissitudes) à travers l'indépendance d'esprit et le courage de certains juges, et le respect de certaines formes parlementaires. Mais Robert Mugabe a absorbé et détruit le mouvement rival de Josuah Nkomo (il a même rallié Ian Smith!) et étendu son emprise de telle manière que, Saddam étant tombé, il ne rivalise plus qu'avec Fidel Castro et Kim Jong Il pour le titre du dictateur flamboyant qui détruit le plus complètement son pays (il y en a encore quelques autres, en particulier en Asie centrale, mais ils sont plus discrets); et je confesse une admiration sans borne pour le courage du Movement for Democratic Change de Morgan Tsvangirai (un syndicaliste, et j'aimerais bien voir la gauche européenne manifester davantage de solidarité avec le combat démocratique au Zimbabwe, au lieu qu'elle reste passive quand Jean Ziegler nous la rejoue anti-colonialiste).

Ce qui m'amène à mon deuxième ordre de réflexion, celui qu'évoque le titre de ce billet: il est fondamentalement malsain pour la démocratie qu'un parti soit trop puissant. De même que l'économie de marché requiert une régulation qui empêche d'asphyxier la concurrence, il serait souhaitable d'assurer, au besoin par des mesures positives, l'existence d'une saine concurrence entre partis politiques. Que les rares élus restant du New National Party veuillent aller à la soupe, soit! Mais je rêve d'une autorité indépendante qui serait à même (comme aux Etats-Unis on a brisé l'hégémonie de la compagnie de téléphone Bell, ou comme régulièrement les acquisitions d'entreprises sont accompagnées par décision de l'Union européenne d'une obligation de se séparer de tel autre secteur), de "casser" l'ANC, en décrétant par exemple l'interdiction de présenter sur une même liste plus d'un tiers des élus sortants...

CORRECTION DU 20.8: Oups, pardon! J'ai rectifié dans le texte ci-dessus le développement du sigle UMP: Union pour un Mouvement Populaire, et non Union du Mouvement pour le Progrès comme je le croyais, mais c'est à peine plus clair...

8.8.04

A lire sur CheckPoint

Le site d'information militaire suisse CheckPoint présente en particulier deux nouveaux documents intéressants:


4.8.04

Darfour

Je n'ai pas encore blogué sur le Darfour, tant la répétition de l'impuissance de l'ONU me déprime (comme le voyage Micheline Calmy-Rey en juin, n'ayant que que l'expression "situation humanitaire" à la bouche alors que le problème est d'abord politique).

Mais je découvre chez Frederick un site / blog dédié que je m'empresse de signaler: Passion of the Present.

3.8.04

Un an!

Eh oui, ce blog fête aujourd'hui son premier anniversaire! Lancé de manière à vrai dire passablement improvisée par Guillaume Barry et moi le 3 août 2003, il a largement dépassé les 6 mois au bout desquels, paraît-il, plus de la moitié des auteurs se découragent... Ce billet est le 383e de la série.

Un voeu à cette occasion: que nos lectrices et lecteurs (car vous existez même si vous vous manifestez trop peu: je vous vois dans les statistiques!) veuillent bien nous laisser un mot dans les commentaires... Pour les timides, la mention de votre page web et de votre adresse de courriel est optionnelle et vous pouvez signer d'un pseudonyme. Et merci à celles et ceux qui nous ont écrit où ont déjà utilisé les commentaires durant cette année: un blog n'est pas un journal intime au sens d'Amiel, c'est une conversation à la fois entre blogs, par le jeu des liens et renvois, et avec les lecteurs.

Et un deuxième voeu, tant qu'à faire: que d'autres blogs se lancent en Suisse!

2.8.04

Socialiste et internationaliste

Je ne crois pas avoir encore présenté Thought at the Meridian, nouveau blog en anglais tenu par Frederick, un socialiste suédois (encarté ou non) internationaliste, donc favorable à la libération de l'Irak et indigné comme moi du fourvoiement d'une grande partie de la gauche. Libertaire, égalitaire, antitotalitaire: sa trinité me plaît.

Sa dernière trouvaille (même si c'est un peu exotique): une prise de position impeccable du parti frère américain (celui qui est membre de l'Internationale socialiste), Social Democrats USA. Un extrait:
American social democrats believe unabashedly that the United States is a force for good in the world. (A view most persuasively argued in recent times by the social democratic Prime Minister of Britain, Tony Blair.) But our citizens and our government alike need continuous encouragement if our moral influence and our diplomatic and military power are to be used effectively to assist those in other countries who share our commitments to democracy and human rights. Some conservatives consider such commitments sentimental, or a drain on our national ccapabilities. Certain liberals and leftists scorn American efforts in behalf of democracy abroad as a spurious disguise for economic and military domination – an anti-Americanism that overrides consideration of the good that so often comes from such engagement, even under Republican Administrations.

The strident anti-Americanism and magnanimity toward third world dictatorships of some who claim loudly to speak for the left are once again feeding the perception that the left cares little about freedom. As in the conflicts with communism waged by past generations of the democratic left, social democrats not only must distinguish ourselves from the false left — we must take the lead in exposing and combating it. We know this enemy better than the conservatives, we know the territory better, and we understand the damage that can be done to good people and good causes when the battles that must be waged are conducted in reckless ways.
Et Social Democrats USA de mettre en garde contre l'alliance funeste de la gauche et des syndicalistes avec des milieux altermondialistes et fondamentalistes dont la démocratie et les droits de l'homme sont le cadet de leurs soucis.

Bonnes nouvelles d'Irak (7)

Les médias ne sont toujours pleins que d'attentats tuant des Irakiens, dévastant des quartiers ou des églises -- mais l'on nous explique qu'il s'agit d'une résistance à l'occupant et non d'une tentative d'empêcher la consolidation d'un nouvel Irak prospère et démocratique, qui échouera si les peuples libres n'abandonnent pas les Irakiens face à la menace islamofasciste... Heureusement il n'y a pas que cela, comme le montre la septième compilation de ces informations et récits que vous pouvez aller lire en détail sur le blog d'Arthur Chrenkoff.

Les mille délégués à la Convention nationale qui prépare l'avenir institutionnel du pays sont en cours de sélection, la liberté de voyager et de s'informer sont effectives, le patrimoine culturel est mis en valeur, l'équipe nationale de foot ne vit plus dans la terreur d'Uday Hussein (neuf lions qu'il conservait dans un palais sont maintenant au zoo de Bagdad), les sportives ne craignent plus les viols et tous préparent les JO d'Athènes, l'émission des premières obligations d'Etat a été un succès et la Bourse fonctionne, les échanges avec la Jordanie voisine se développent avec notamment le projet d'un nouveau pipeline, la production de pétrole bénéficie d'un effort considérable pour sa sécurité et sa modernisation et atteint un niveau record, des puits à l'Intranet gouvernemental la reconstruction se poursuit (avec en particulier une co-entreprise égypto-irakienne), la formation professionnelle des femmes est encouragée et les fonctionnaires à la retraite ont vu leur pension augmentée, l'ONU contribue pour 11 millions à la restauration du "Jardin d'Eden" qui avait pratiquement été détruit par Saddam, d'émouvants projets individuels d'aide humanitaire se poursuivent avec efficacité, à côté d'autres projets importants bien nécessaires, les troupes tchèques et japonaises font elles aussi oeuvre utile, même si la sécurité laisse encore à désirer les forces irakiennes sont de plus en plus présentes et à même de se substituer à la coalition; et le ministre des affaires étrangères irakien vient d'inviter officiellement les inspecteurs de l'ONU à venir terminer leur travail...

1.8.04

L'envol des Saoudiens: un ramonage du Temps

Un grand article par Sylvain Besson, le "journaliste d'investigation" maison, annoncé en Une: Le Temps (le quotidien de référence en Suisse de langue française) ne ménage pas sa peine pour entonner une ritournelle pourtant bien connue puisque, comme il le rappelle, elle est à la base du Fahrenheit 9/11 de Michael Moore.

Si je prends la peine de disséquer ici cette affaire, après avoir écrit au journal une lettre concise et contenue qu'il a publiée, c'est parce qu'elle est exemplaire des déformations, pour ne pas dire des pures manipulations, courantes dans les médias et les milieux bien pensants de la Vieille-Europe dont la Suisse est l'extrême-centre par son unanimisme défaitiste et anti-américain. Sur l'Irak, il y a eu bien d'autres "contes et légendes", sans parler de toutes ces omissions significatives, et ce blog n'en a qu'occasionnellement relevé quelques uns (en particulier ici, suivi dans les commentaires d'un dialogue avec Eric Hoesli, directeur du Temps). Le sujet de ce jour se prête particulièrement à cet exercice littéraire, en vogue aux XVIIIe et XIXe siècle, tombé depuis en désuétude, que le blog renouvelle de manière particulièrement adaptée par sa rapidité et sa légèreté: dans le monde anglophone cela s'appelle du "fisking", d'après Robert Fisk, journaliste caricatural au quotidien britannique The Independant (son dernier haut fait: publier le nom du juge irakien qui a inculpé Saddam Hussein, considérant que l'interdiction prononcée pour raison de sécurité ne valait pas hors d'Irak...), et en français le terme "ramonage" (d'après Ignacio Ramonet, directeur du Monde diplomatique) a été proposé avec un certain bonheur.

Mais plantons le décor! En fait tout est dit par ce grand titre sur 4 colonnes en tête de Une de l'édition du week-end, sans doute la plus lue (samedi 24-dimanche 25 juillet 2004):

TERRORISME - Commencé alors que le ciel américain était encore fermé aux avions, le périple a permis de rapatrier 25 proches du chef d'Al-Quaida
Au lendemain du 11 septembre, la fuite de la famille Ben Laden a passé par Genève
Le développement signé Sylvain Besson est en page 14, sous le titre:

GENEVE - L'évacuation précipitée de la famille du responsable des attentats du 11 septembre 2001 est l'un des passages les plus troublants du film de Michael Moore, "Fahrenheit 9/11". Mais comment s'est déroulé ce vol mystérieux? Pourquoi a-t-il fait escale en Suisse? Enquête
Quand la fuite de la famille Ben Laden passait par Genève: le récit du vol qui embarrasse Bush
Ce qui est fascinant, c'est l'impudence avec laquelle Le Temps persiste et signe dans la propagation d'une rumeur conspirationniste, amplifiée par le film de Michael Moore, au mépris des conclusions de la commission d'enquête, dite "commission 9/11", instituée par le Congrès américain (contre la volonté du président Bush, d'ailleurs) et composée de 5 Républicains et 5 Démocrates, dont le rapport unanime, qui s'appuie sur le travail de quelque 80 collaborateurs pendant des mois, fournit néanmoins l'occasion de l'article. Mais il n'est mentionné qu'en passant, pour suggérer qu'il n'a pas approfondi le sujet: "La commission d'enquête du Congrès qui a livré son rapport jeudi n'a rien trouvé à redire à cette expédition", est-il écrit en première page.

En réalité, la commission (dont le rapport intégral de 585 pages peut être consulté ou téléchargé librement) a procédé à un examen approfondi, reflété à l'intérieur du chapitre 10 Wartime [PDF - 396Ko] par un encadré aux pages 329 et 330 du rapport:

Flights of Saudi Nationals Leaving the United States

Three questions have arisen with respect to the departure of Saudi nationals from the United States in the immediate aftermath of 9/11: (1) Did any flights of Saudi nationals take place before national airspace reopened on September 13,2001? (2) Was there any political intervention to facilitate the departure of Saudi nationals? (3) Did the FBI screen Saudi nationals thoroughly before their departure?

On y trouve une réfutation catégorique et argumentée de chacune des élucubrations du Temps, qui n'hésite pas à affirmer des contre-vérités là où Michael Moore lui-même se contente de suggérer, de mentir par omission: l'exemple le plus typique est le fait que le 13 septembre (au matin) est la date effective de réouverture du ciel américain au trafic aérien civil, alors que Moore fait comme si ce n'était pas encore le cas et que Le Temps écrit le contraire!

Le Temps:

Page 1 (mais ce n'est seulement l'oeuvre d'un secrétaire de rédaction trop enthousiaste): Le 13 septembre 2001, alors le ciel des Etats-Unis était interdit aux avions civils par crainte d'une nouvelle attaque terroriste, un avion a tout de même volé. Il rassemblait des Saoudiens de haut rang...

Sylvain Besson, page 14: L'évacuation commence le 13 septembre, alors que l'interdiction des vols civils est encore en vigueur aux Etats-Unis. Dans les jours suivants, une fois l'interdiction de vol levée, 6 avions transportant 142 personnes quittent le pays...

Commission 9/11:

First, we found no evidence that any flights of Saudi nationals, domestic or international, took place before the reopening of national airspace on the morning of September 13, 2001 (24). To the contrary, every flight we have identified occurred after national airspace reopened (25).

Les notes [PDF - 1,1Mo], qui occupent aux pages 556 à 558 un espace plus important que le texte lui-même, documentent les faits en détails. La note 25 est particulièrement intéressante parce qu'elle montre le professionnalisme avec lequel les collaborateurs de la commission sont remontés à la source de la rumeur infondée d'un vol interne ayant eu lieu avant la réouverture de l'espace aérien (il a en réalité eu lieu l'après-midi du 13 et transportait 3 jeunes Saoudiens), pour comprendre par quelle suite de quiproquos elle s'explique:

25. After the airspace reopened, nine chartered flights with 160 people, mostly Saudi nationals, departed from the United States between September 14 and 24. In addition, one Saudi government flight, containing the Saudi deputy defense minister and other members of an official Saudi delegation, departed Newark Airport on September 14. Every airport involved in these Saudi flights was open when the flight departed,and no inappropriate actions were taken to allow those flights to depart. See City of St. Louis Airport Authority, Lambert. St. Louis International Airport response to Commission questions for the record, May 27, 2004;Los Angeles International Airport response to Commission questions for the record, June 2, 2004; Greater Orlando Aviation Authority, Orlando International Airport response to Commission questions for the record,June 8, 2004;MetropolitanWashington Airports Authority,Washington Dulles International Airport response to Commission questions for the record,June 8, 2004; Port Authority of New York and New Jersey, JFK Airport response to Commission questions for the record, June 4, 2004; Massachusetts Port Authority, Logan International Airport, and Hanscom Airfield response to Commission questions for the record,June 17, 2004; Las Vegas. McCarran International Airport response to Commission questions for the record,June 22, 2004; PortAuthority of NewYork and New Jersey, Newark Airport response to supplemental question for the record, July 9, 2004.

Another particular allegation is that a flight carrying Saudi nationals from Tampa, Florida, to Lexington, Kentucky, was allowed to fly while airspace was closed, with special approval by senior U.S. government officials. On September 13,Tampa police brought three young Saudis they were protecting on an off-duty security detail to the airport so they could get on a plane to Lexington. Tampa police arranged for two private investigators to provide security on the flight.They boarded a chartered Learjet. Dan Grossi interview (May 24, 2004); Manuel Perez interview (May 27, 2004); John Solomon interview (June 4, 2004); Michael Fendle interview (June 4, 2004). The plane took off at 4:37 P.M., after national airspace was open, more than five hours after the Tampa airport had reopened, and after other flights had arrived at and departed from that airport. Hillsborough County Aviation Authority,Tampa International Airport response to Commission questions for the record, June 7, 2004. The plane’s pilot told us there was “nothing unusual whatsoever” about the flight other than there were few airplanes in the sky.The company’s owner and director of operations agreed, saying that “it was just a routine little trip for us” and that he would have heard if there had been anything unusual about it.The pilot said he followed standard procedures and filed his flight plan with the FAA prior to the flight, adding, “I was never questioned about it.” Christopher Steele interview (June 14, 2004); Barry Ellis interview (June 14, 2004). FAA records confirm this account. FAA supplemental response to Commission questions for the record, June 8, 2004.When the plane arrived at Lexington Blue Grass Airport, that airport had also been open for more than five hours. Lexington-Fayette Urban County Airport Board, Blue Grass Airport response to Commission questions for the record, June 8, 2004. The three Saudi nationals debarked from the plane and were met by local police.Their private security guards were paid, and the police then escorted the three Saudi passengers to a hotel where they joined relatives already in Lexington. Mark Barnard interview (June 7, 2004).The FBI is alleged to have had no record of the flight and denied that it occurred, hence contributing to the story of a “phantom flight.”This is another misunderstanding.The FBI was initially misinformed about how the Saudis got to Lexington by a local police officer in Lexington who did not have firsthand knowledge of the matter.The Bureau subsequently learned about the flight. James M. interview (June 18, 2004).

Le Temps consacre beaucoup d'efforts à lier le plus étroitement possible ces vols au président Bush lui-même: le titre, "le récit du vol qui embarrasse Bush", mais aussi ces coïncidences troublantes et significatives dont se nourrissent les esprits superstitieux ou conspirationnistes:

Le Temps:

Page 1: Et surtout, comme le résume l'ancien agent de la CIA Robert Baer, l'épisode est exemplaire des liaisons dangereuses qui se sont nouées entre l'administration Bush et la dynastie qui a nourri Oussama ben Laden...

Sylvain Besson, page 14: [L'un des avions concernés], un Boeing 727 de la compagnie Ryan International, a souvent transporté des journalistes suivant les déplacements du président Bush (...) Il quitte Los Angeles le 19 septembre avec à son bord une demi-soeur d'Oussama Ben Laden, Najia.

[Shafiq, un demi-frère d'Oussama] avait assisté le 11 septembre à Washington à un conseil d'administration du groupe Carlyle, où George Bush père a occupé un poste dirigeant.

A ces sous-entendus, la commission 9/11 oppose un traitement administratif qui, ironiquement, n'est pas remonté plus haut que le responsable de la lutte anti-terroriste Richard Clarke (devenu par la suite un héros, en particulier dans Le Temps, lorsqu'il a démissionné de son poste et dénoncé la présidence Bush dans un livre à succès).

Commission 9/11:

Second, we found no evidence of political intervention.We found no evidence that anyone at theWhite House above the level of Richard Clarke participated in a decision on the departure of Saudi nationals. The issue came up in one of the many video teleconferences of the interagency group Clarke chaired, and Clarke said he approved of how the FBI was dealing with the matter when it came up for interagency discussion at his level. Clarke told us, “I asked the FBI, Dale Watson ... to handle that, to check to see if that was all right with them, to see if they wanted access to any of these people, and to get back to me. And if they had no objections, it would be fine with me.” Clarke added, “I have no recollection of clearing it with anybody at the White House” (26).

Although White House Chief of Staff Andrew Card remembered someone telling him about the Saudi request shortly after 9/11, he said he had not talked to the Saudis and did not ask anyone to do anything about it. The President and Vice President told us they were not aware of the issue at all until it surfaced much later in the media. None of the officials we interviewed recalled any intervention or direction on this matter from any political appointee (27).

Troisième volet de "l'enquête" du Temps: le laxisme supposé des autorités policières à l'égard des dignitaires saoudiens.

Le Temps:

Page 1: Le FBI avait donné son accord à ce départ et même organisé la protection des voyageurs.

Sylvain Besson page 14: Un ou deux jours après le 11 septembre, à Washington, le groupe de crise réunissant les agences de sécurité américaine reçoit une demande singulière de l'ambassade d'Arabie Saoudite. Elle veut faire évacuer certains Saoudiens résidant aux Etats-Unis, dont de nombreux membres de la famille Ben Laden. (...) Peu après le FBI déclare qu'il ne souhaite interroger aucun des candidats au départ.

(A propos du vol comprenant "25 membres ou proches de la famille Ben Laden") La commission d'enquête du Congrès sur le 11 septembre a conclu que le FBI avait agi correctement en autorisant ce vol. L'avion a été fouillé et les noms des passagers comparés aux bases de données anti-terroristes, sans résultat. Pourtant, comme le montrent des documents transmis au Temps par Jean-Charles Brisard, un enquêteur privé travaillant pour les familles des victimes du 11 septembre, l'un des passagers, Omar Awad bin Laden, a fait l'objet d'une enquête du FBI en 1996: il vivait avec un neveu d'Oussama qui dirigeait "l'Assemblée mondiale de la jeunesse musulmane", soupçonnée de soutien au terrorisme par les autorités américaines.

(...)

Robert Baer, ancien agent de la CIA devenu écrivain, estime que l'épisode est révélateur des "liens incestueux" entre les Etats-Unis et l'Arabie Saoudite, pilier de l'extrémisme islamiste. "Avant le 11 septembre, le FBI ne pouvait pas vraiment enquêter sur les Saoudiens. En cela le vol est significatif. C'est une métaphore de nos relations avec les Saoudiens. On ne pouvait pas toucher à la famille Ben Laden, parce qu'ils sont trop importants pour la stabilité de l'Arabie saoudite (...)".

Le rapport de la commission 9/11, lui, établit que le FBI a fait son travail: sur le fameux vol des membres ou proches de la famille Ben Laden, 22 sur 26 passagers ont été personnellement interrogés. Non pas une mais deux personnes avaient auparavant fait l'objet d'enquêtes du FBI; elles avaient été closes en 1999 et 2001, et rien n'a depuis justifié de les rouvrir. Plus généralement, aujourd'hui encore ni le FBI ni la commission n'est en mesure d'impliquer en quoi que ce soit les passagers des vols en question:

Commission 9/11:

Third,we believe that the FBI conducted a satisfactory screening of Saudi nationals who left the United States on charter flights (28). The Saudi government was advised of and agreed to the FBI’s requirements that passengers be identified and checked against various databases before the flights departed (29). The Federal Aviation Administration representative working in the FBI operations center made sure that the FBI was aware of the flights of Saudi nationals and was able to screen the passengers before they were allowed to depart (30).

The FBI interviewed all persons of interest on these flights prior to their departures. They concluded that none of the passengers was connected to the 9/11 attacks and have since found no evidence to change that conclusion. Our own independent review of the Saudi nationals involved confirms that no one with known links to terrorism departed on these flights (31).

La note 28 est particulièrement dévastatrice pour les allégations du Temps:

28.These flights were screened by law enforcement officials, primarily the FBI. For example, one flight, the so-called Bin Ladin flight, departed the United States on September 20 with 26 passengers, most of them relatives of Usama Bin Ladin. Screening of this flight was directed by an FBI agent in the Baltimore Field Office who was also a pilot. This agent, coordinating with FBI headquarters, sent an electronic communication to each of the field offices through which the Bin Ladin flight was scheduled to pass, including the proposed flight manifest and directing what screening should occur. He also monitored the flight as it moved around the country.from St. Louis to Los Angeles to Orlando to Washington Dulles, and to Boston Logan.correcting for any changes in itinerary to make sure there was no lapse in FBI screening at these locations.Again, each of the airports through which the Bin Ladin flight passed was open, and no special restrictions were lifted to accommodate its passage. James C. interview (June 3, 2004).

The Bin Ladin flight and other flights we examined were screened in accordance with policies set by FBI head-quarters and coordinated through working-level interagency processes. Michael Rolince interview (June 9, 2004). Although most of the passengers were not interviewed, 22 of the 26 people on the Bin Ladin flight were inter-viewed by the FBI. Many were asked detailed questions. None of the passengers stated that they had any recent contact with Usama Bin Ladin or knew anything about terrorist activity. See, e.g., FBI report of investigation, inter-view of Mohammed Saleh Bin Laden, Sept.21,2001. As Richard Clarke noted, long before 9/11 the FBI was following members of the Bin Ladin family in the United States closely. Richard Clarke testimony, Mar. 24, 2004. Two of the passengers on this flight had been the subjects of preliminary investigations by the FBI, but both their cases had been closed, in 1999 and March 2001, respectively, because the FBI had uncovered no derogatory information on either person linking them to terrorist activity. Their cases remained closed as of 9/11, were not reopened before they departed the country on this flight, and have not been reopened since. FBI electronic communication, Summary of Information Regarding Flights taken by Saudi Citizens Out of the U.S. Shortly After September 11, 2001, Oct.29, 2003, pp.9.10.

En définitive, ne demeure que le reproche que les riches s'en sortent mieux que les pauvres:
Le Temps:

Sylvain Besson, page 14: [Robert Baer, ancien agent de la CIA devenu écrivain:] "Dans les faits, les Etats-Unis ont institué la loi martiale dans l'après-midi du 11 septembre. Beaucoup de gens ont été arrêtés, parfois sur la base de soupçons très ténus. Mais pas eux."
C'est bien triste (encore qu'il est de coutume de se plaindre des emprisonnements abusifs plutôt que de réclamer leur extension au nom de l'égalité de traitement!), mais ce n'est pas vraiment une nouveauté ni un monopole américain. Et cela ne met en cause ni la sécurité intérieure ni l'honorabilité du président Bush.

C'est aussi dans la veine populiste qu'il faut ranger le "Si ce n'est toi, c'est donc ton frère" consistant, en particulier dans l'expression "proches du chef d'Al-Quaida" dans le surtitre de Une, à jeter le soupçon sur l'ensemble de la "famille" d'Oussama Ben Laden (qui n'a pas grand chose à voir avec une famille nucléaire à l'occidentale), argument que Le Temps lui-même anéantit au détour d'une phrase: "la dynastie qui a nourri Oussama Ben Laden avant de devenir une de ses cibles privilégiées". Alors, complices ou victimes potentielles?

Il en va enfin de même du traitement de l'escale genevoise (après Paris), qui donne à "l'enquête" sa couleur locale. Sylvain Besson rapporte que deux demi-frères d'Oussama étaient à l'arrivée, dont Yeslam "qui réside à Genève": et pour cause, il est citoyen suisse et genevois (mais cela paraîtrait évidemment beaucoup moins mystérieux en le disant).

PS: Mon travail a été grandement facilité par Jeff Jarvis, qui avait juxtaposé le script du film de Michael Moore sur ce point avec le rapport de la commission 9/11.

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