31.10.03
Mariage gay
L'ami Padawan a une série de liens fort intéressants, tirés de son récent voyage au Québec (pour ma part, je reste convaincu qu'un statut de partenariat enregistré, civil union en anglais, pour les couples de même sexe peut parfaitement assurer de manière adéquate l'égalité avec le mariage pour les couples hétéros).
C'est bref, mais c'est pour moi le retour au blog après quelques jours chahutés où j'étais à Genève...
C'est bref, mais c'est pour moi le retour au blog après quelques jours chahutés où j'étais à Genève...
26.10.03
(Anti)sionisme, judéophobie et aveuglement laïc
Choc de titans, sans concession mais en toute courtoisie: dans la blogosphère anglophone, Norman Geras a finalement répondu à Oliver Kamm qui le soupçonnait d'angélisme sur sa vision d'un Trotsky favorable à l'établissement d'un foyer national juif. Je n'entre pas dans les détails, reportez vous au premier texte de Norman sur Trotsky, Juif universaliste, puis à la critique d'Oliver, et enfin à la réplique de Norman. Il faut savoir que les deux commentateurs se portent une haute estime et avaient chacun salué en des termes flatteurs le blog de l'autre.
A signaler dans le monde francophone un article inhabituel sur le sujet: Gauche: en finir avec l'antisionisme, par Christophe Rameaux, paru dans Libération (accès libre pour l'instant). Il fait par ailleurs allusion à la polémique du moment: celle qui oppose l'intellectuel islamique Tariq Ramadan, dénonçant une crispation communautaire d'intellectuels juifs français, et un appel de socialistes dans Le Nouvel Observateur, s'indignant de l'antisémitisme qu'une telle analyse sous-tendrait par nature en focalisant sur un cercle d'intellectuels caractérisé par leur appartenance communautaire.
J'avoue ne pas avoir été convaincu par cet appel. Il me paraissait plutôt relever de cet aveuglement qui, au nom de la laïcité, voudrait que différents cercles d'appartenances n'existent tout simplement pas. La France est fameuse, par exemple, pour ignorer dans ses statistiques des notions telles que la religion, l'orientation sexuelle ou la race (l'ethnie), là où la Grande-Bretagne, par exemple, déploie immédiatement une liste à choix déroutante (je sais maintenant que je suis "Caucasien"). Dans le but, certes louable, de vouloir lutter contre des discriminations hypothétiques, on se prive d'instruments utiles pour traquer, par exemple, la violence homophobe, judéophobe ou islamophobe. Une tribune analysant l'attitude de la classe politique française et s'étonnant du consensus anti-américain qui paraît exister de la gauche à la droite serait-elle illégitime parce qu'elle se limiterait à des Français?
Ramadan avait d'ailleurs publié dans Le Monde, en décembre 2001, une tribune intitulée: Existe-t-il un antisémitisme islamique? La réponse était oui, et il le déplorait (le point d'interrogation tenait sans doute au fait que, selon l'interprétation qu'il en donne, cela n'est pas conforme à l'Islam). L'intérêt de cette proclamation était cependant atténué par une de ces fausses équivalences détestables: les intellectuels juifs se voyaient sommés de se désolidariser de Sharon...
C'est plutôt dans son analyse que Ramadan me paraît critiquable. iI oppose des valeurs universelles à la prétendue crispation communautaire d'intellectuels juifs, en écrivant:
"La récente guerre en Irak a agi comme un révélateur. Des intellectuels aussi différents que Bernard Kouchner, André Glucksman ou Bernard-Henri Lévy, qui avaient pris des positions courageuses en Bosnie, au Rwanda ou en Tchétchénie, ont curieusement soutenu l'intervention américano-britannique en Irak."
Il n'y a en réalité rien de curieux à cela! Il y a au contraire une continuité universaliste absolue à défendre le devoir d'ingérence non seulement en Bosnie, au Rwanda, en Tchétchénie, mais aussi en Irak. Et ce qui, en définitive, est bien judéophobe dans la démarche de Ramadan, c'est la volonté de discréditer cette approche en raison de l'appartenance communautaire de leurs auteurs, qui leur conférerait automatiquement la caractéristique d'être des agents au service de l'Etat d'Israël.
A signaler dans le monde francophone un article inhabituel sur le sujet: Gauche: en finir avec l'antisionisme, par Christophe Rameaux, paru dans Libération (accès libre pour l'instant). Il fait par ailleurs allusion à la polémique du moment: celle qui oppose l'intellectuel islamique Tariq Ramadan, dénonçant une crispation communautaire d'intellectuels juifs français, et un appel de socialistes dans Le Nouvel Observateur, s'indignant de l'antisémitisme qu'une telle analyse sous-tendrait par nature en focalisant sur un cercle d'intellectuels caractérisé par leur appartenance communautaire.
J'avoue ne pas avoir été convaincu par cet appel. Il me paraissait plutôt relever de cet aveuglement qui, au nom de la laïcité, voudrait que différents cercles d'appartenances n'existent tout simplement pas. La France est fameuse, par exemple, pour ignorer dans ses statistiques des notions telles que la religion, l'orientation sexuelle ou la race (l'ethnie), là où la Grande-Bretagne, par exemple, déploie immédiatement une liste à choix déroutante (je sais maintenant que je suis "Caucasien"). Dans le but, certes louable, de vouloir lutter contre des discriminations hypothétiques, on se prive d'instruments utiles pour traquer, par exemple, la violence homophobe, judéophobe ou islamophobe. Une tribune analysant l'attitude de la classe politique française et s'étonnant du consensus anti-américain qui paraît exister de la gauche à la droite serait-elle illégitime parce qu'elle se limiterait à des Français?
Ramadan avait d'ailleurs publié dans Le Monde, en décembre 2001, une tribune intitulée: Existe-t-il un antisémitisme islamique? La réponse était oui, et il le déplorait (le point d'interrogation tenait sans doute au fait que, selon l'interprétation qu'il en donne, cela n'est pas conforme à l'Islam). L'intérêt de cette proclamation était cependant atténué par une de ces fausses équivalences détestables: les intellectuels juifs se voyaient sommés de se désolidariser de Sharon...
C'est plutôt dans son analyse que Ramadan me paraît critiquable. iI oppose des valeurs universelles à la prétendue crispation communautaire d'intellectuels juifs, en écrivant:
"La récente guerre en Irak a agi comme un révélateur. Des intellectuels aussi différents que Bernard Kouchner, André Glucksman ou Bernard-Henri Lévy, qui avaient pris des positions courageuses en Bosnie, au Rwanda ou en Tchétchénie, ont curieusement soutenu l'intervention américano-britannique en Irak."
Il n'y a en réalité rien de curieux à cela! Il y a au contraire une continuité universaliste absolue à défendre le devoir d'ingérence non seulement en Bosnie, au Rwanda, en Tchétchénie, mais aussi en Irak. Et ce qui, en définitive, est bien judéophobe dans la démarche de Ramadan, c'est la volonté de discréditer cette approche en raison de l'appartenance communautaire de leurs auteurs, qui leur conférerait automatiquement la caractéristique d'être des agents au service de l'Etat d'Israël.
La France, l'Europe, les Etats-Unis et l'Irak
Tout le monde en France ne s'est pas aligné sur les positions anti-américaines. Quelques intellectuels qui ont su s'exprimer, après le 11 septembre 2001, en faveur de la lutte contre la terreur et du droit voire du devoir d'ingérence en Irak (les Jean-François Revel, André Glucksmann, Pascal Bruckner, ou Bernard-Henri Lévy), de même qu'un politicien de gauche comme Bernard Kouchner, ou de rares politiciens de droite qui ont su faire prévaloir les principes de solidarité avec les Etats-Unis (en particulier l'ancien conseiller diplomatique de Chirac, Pierre Lellouche).
Il est aussi quelques commentateurs qui prennent de la hauteur et cherchent la réconciliation. J'avais signalé dans ce sens un intéressant article du professeur Zaki Laïdi, Tirer les conséquences de la guerre en Irak. Dans Le Monde de vendredi, c'est sous un titre très voisin, Europe: solder les comptes de la crise irakienne, que Laurent Cohen-Tanugi présente une analyse sévère de la position française: elle divise non seulement l'alliance atlantique, en éveillant la méfiance à l'égard de l'Union européenne, mais également cette dernière, où la position franco-allemande est par ailleurs nettement minoritaire.
"La question du rapport aux Etats-Unis fait intervenir au sein de chaque nation des enjeux à fort contenu symbolique et émotionnel (sécurité, souveraineté, loyauté, mémoire, histoire...), tout en donnant lieu dans le discours européiste à un manichéisme inopportun, opposant les 'bons Européens', prêts à tenir tête à Washington, et les 'mauvais Européens', vassaux de l'Amérique.
La crise irakienne s'est en outre superposée à d'autres clivages et conflits anciens ou plus récents : les préventions d'une majorité d'Etats membres, petits et grands, à l'égard du couple franco-allemand ou de toute forme de directoire européen ; l'ambivalence française à l'égard de l'élargissement vers l'Est et le vieux rêve secret d'une 'Europe à deux vitesses'; l'opposition entre une Europe libérale aux bonnes performances économiques et une Europe du statu quo tant intérieur qu'extérieur, arrogante et peu respectueuse des disciplines communautaires.
Tout cela laissera des cicatrices durables, dont le projet de Constitution européenne risque de faire les frais. Une certitude s'impose déjà : le couple franco-allemand, ressoudé sur le tard dans le contexte de la crise irakienne, n'a aujourd'hui plus la capacité et une légitimité politique suffisante pour prétendre incarner et conduire la 'grande Europe'."
Cohen-Tanugi en appelle à une vision stratégique de l'UE comme allié et complément des Etats-Unis, pas comme concurrent:
"(...) la restauration d'un climat de confiance entre les Etats membres de l'aventure européenne semble passer par une clarification de la relation de l'Europe au reste du monde, et singulièrement à l'allié américain. S'il en est bien ainsi, il n'est pas trop tôt pour commencer à solder entre Européens les comptes de l'Irak, par un compromis historique entre l'Angleterre de Tony Blair - qui demeure le leader politique britannique le mieux disposé à l'endroit de l'Europe -, une Allemagne revenue à de meilleurs sentiments vis-à-vis des Etats-Unis, et une France qui aura changé de discours, sinon de politique ; pour réconcilier, en d'autres termes, les deux pôles de la vieille opposition gaullienne, et désormais européiste, entre construction d'une Europe-puissance et solidarité atlantique."
Malheureusement l'attitude de la France et de l'Allemagne, qui, après avoir voté la résolution 1511 du Conseil de sécurité, continuent de dénigrer les efforts en vue du rétablissement de l'Irak, auxquels ils persistent à ne guère contribuer, n'en montre pas le chemin.
Il est aussi quelques commentateurs qui prennent de la hauteur et cherchent la réconciliation. J'avais signalé dans ce sens un intéressant article du professeur Zaki Laïdi, Tirer les conséquences de la guerre en Irak. Dans Le Monde de vendredi, c'est sous un titre très voisin, Europe: solder les comptes de la crise irakienne, que Laurent Cohen-Tanugi présente une analyse sévère de la position française: elle divise non seulement l'alliance atlantique, en éveillant la méfiance à l'égard de l'Union européenne, mais également cette dernière, où la position franco-allemande est par ailleurs nettement minoritaire.
"La question du rapport aux Etats-Unis fait intervenir au sein de chaque nation des enjeux à fort contenu symbolique et émotionnel (sécurité, souveraineté, loyauté, mémoire, histoire...), tout en donnant lieu dans le discours européiste à un manichéisme inopportun, opposant les 'bons Européens', prêts à tenir tête à Washington, et les 'mauvais Européens', vassaux de l'Amérique.
La crise irakienne s'est en outre superposée à d'autres clivages et conflits anciens ou plus récents : les préventions d'une majorité d'Etats membres, petits et grands, à l'égard du couple franco-allemand ou de toute forme de directoire européen ; l'ambivalence française à l'égard de l'élargissement vers l'Est et le vieux rêve secret d'une 'Europe à deux vitesses'; l'opposition entre une Europe libérale aux bonnes performances économiques et une Europe du statu quo tant intérieur qu'extérieur, arrogante et peu respectueuse des disciplines communautaires.
Tout cela laissera des cicatrices durables, dont le projet de Constitution européenne risque de faire les frais. Une certitude s'impose déjà : le couple franco-allemand, ressoudé sur le tard dans le contexte de la crise irakienne, n'a aujourd'hui plus la capacité et une légitimité politique suffisante pour prétendre incarner et conduire la 'grande Europe'."
Cohen-Tanugi en appelle à une vision stratégique de l'UE comme allié et complément des Etats-Unis, pas comme concurrent:
"(...) la restauration d'un climat de confiance entre les Etats membres de l'aventure européenne semble passer par une clarification de la relation de l'Europe au reste du monde, et singulièrement à l'allié américain. S'il en est bien ainsi, il n'est pas trop tôt pour commencer à solder entre Européens les comptes de l'Irak, par un compromis historique entre l'Angleterre de Tony Blair - qui demeure le leader politique britannique le mieux disposé à l'endroit de l'Europe -, une Allemagne revenue à de meilleurs sentiments vis-à-vis des Etats-Unis, et une France qui aura changé de discours, sinon de politique ; pour réconcilier, en d'autres termes, les deux pôles de la vieille opposition gaullienne, et désormais européiste, entre construction d'une Europe-puissance et solidarité atlantique."
Malheureusement l'attitude de la France et de l'Allemagne, qui, après avoir voté la résolution 1511 du Conseil de sécurité, continuent de dénigrer les efforts en vue du rétablissement de l'Irak, auxquels ils persistent à ne guère contribuer, n'en montre pas le chemin.
24.10.03
Nouveau blog irakien
Un ajout à notre blogroll: Healing Iraq, le blog d'un dentiste de 24 ans à Bagdad. Intéressant, concret, décapant. En anglais, Zeyad a passé son enfance en Grande-Bretagne.
23.10.03
Europes à géométrie variable?
L'accord sur le nucléaire iranien obtenu par Joschka Fischer, Jack Straw et Dominique de Villepin (j'ai pris l'ordre alphabétique des noms...) est certainement une bonne chose; reste évidemment à espérer que ses promoteurs assureront la garantie et le service après-vente mieux que le Conseil de sécurité après avoir voté la résolution 1441...
Mais voyons plutôt le côté people: en quoi les ministres des affaires étrangères allemand, britannique et français représentaient-ils l'Europe (l'UE)? Car c'est ce qui est dit, et on ne voit pas très bien en quoi ils auraient davantage été délégués par le G8 ou l'AIEA. Pour ne pas dire simplement: les trois principales puissances européennes actives dans l'industrie nucléaire et intéressées à de bonnes relations commerciales avec Téhéran? Mais je m'égare.
Selon les traités en vigueur, c'est le pays qui préside l'Union pour un semestre qui assure sa représentation extérieure: le ministre des affaires étrangères italien, donc, Franco Frattini. Pour faire plus solennel, on l'entoure parfois de son homologue de la présidence précédente (la Grèce) et de la présidence suivante (l'Irlande). S'il s'agissait de trouver une porte de sortie permettant au régime iranien de sauver la face tout en répondant à la légitime inquiétude américaine (qui est aussi celle de l'UE), il faut bien reconnaître que ça aurait manqué de panache.
Pour une telle affaire de politique internationale, on pouvait aussi songer au tandem formé de Chris Patten, membre de la Commission européenne chargé des relations extérieures, et de Javier Solana, haut représentant de l'UE pour la politique étrangère et de sécurité commune. Selon la future Constitution, réjouissons-nous, il y aura un vrai ministre des affaires étrangères de l'UE (puisé dans le même vivier que les Prodi, Patten et Solana: politiciens de haut vol en reconversion ou quête d'un nouveau défi, comme on dit). Est-ce lui qui serait allé négocier à Téhéran? J'en doute.
Tout cela pour dire la force considérable des pesanteurs traditionnelles: l'histoire des nations, la notoriété des personnalités. Même si certainement tous les pays de l'Union pouvaient être d'accord sur la mission, et si tous peuvent être satisfaits du résultat, le fait que certains joueurs sont toujours sur le terrain et les autres le plus souvent sur le banc créé un malaise -- surtout quand on n'est pas au football mais dans une problématique de représentativité politique démocratique.
En matière de haute diplomatie, on peut encore s'en accomoder. Mais quand cela concerne aussi, de manière plus concrète, la défense (groupe formé récemment par l'Allemagne, la Belgique, le Luxembourg et la France) ou les questions de police (sommet de La Baule entre les ministres de l'intérieur d'Allemagne, d'Espagne, de France, de Grande-Bretagne et d'Italie), cela devient plus inquiétant.
Les coopérations renforcées entre un nombre restreint de pays de l'UE me paraissent soulever deux types de problèmes:
-- Quid des procédures démocratiques communautaires: quel rôle pour la Commission? Quel rôle pour le Parlement européen (après tout, il pourrait siéger en composition restreinte)? Quel rôle pour les Parlements nationaux?
-- Au moins les gouvernements des pays qui y participent ont-ils un rôle actif. Mais, si ces coopérations renforcées ont vocation de précurseur (et non de sous-groupe régional), elles sont donc appelées à s'élargir. Et là ce sera comme "l'acquis communautaire" pour un pays qui adhère à l'Union: les retardataires devront rattraper le train là où les initiateurs auront posé les voies.
Mais voyons plutôt le côté people: en quoi les ministres des affaires étrangères allemand, britannique et français représentaient-ils l'Europe (l'UE)? Car c'est ce qui est dit, et on ne voit pas très bien en quoi ils auraient davantage été délégués par le G8 ou l'AIEA. Pour ne pas dire simplement: les trois principales puissances européennes actives dans l'industrie nucléaire et intéressées à de bonnes relations commerciales avec Téhéran? Mais je m'égare.
Selon les traités en vigueur, c'est le pays qui préside l'Union pour un semestre qui assure sa représentation extérieure: le ministre des affaires étrangères italien, donc, Franco Frattini. Pour faire plus solennel, on l'entoure parfois de son homologue de la présidence précédente (la Grèce) et de la présidence suivante (l'Irlande). S'il s'agissait de trouver une porte de sortie permettant au régime iranien de sauver la face tout en répondant à la légitime inquiétude américaine (qui est aussi celle de l'UE), il faut bien reconnaître que ça aurait manqué de panache.
Pour une telle affaire de politique internationale, on pouvait aussi songer au tandem formé de Chris Patten, membre de la Commission européenne chargé des relations extérieures, et de Javier Solana, haut représentant de l'UE pour la politique étrangère et de sécurité commune. Selon la future Constitution, réjouissons-nous, il y aura un vrai ministre des affaires étrangères de l'UE (puisé dans le même vivier que les Prodi, Patten et Solana: politiciens de haut vol en reconversion ou quête d'un nouveau défi, comme on dit). Est-ce lui qui serait allé négocier à Téhéran? J'en doute.
Tout cela pour dire la force considérable des pesanteurs traditionnelles: l'histoire des nations, la notoriété des personnalités. Même si certainement tous les pays de l'Union pouvaient être d'accord sur la mission, et si tous peuvent être satisfaits du résultat, le fait que certains joueurs sont toujours sur le terrain et les autres le plus souvent sur le banc créé un malaise -- surtout quand on n'est pas au football mais dans une problématique de représentativité politique démocratique.
En matière de haute diplomatie, on peut encore s'en accomoder. Mais quand cela concerne aussi, de manière plus concrète, la défense (groupe formé récemment par l'Allemagne, la Belgique, le Luxembourg et la France) ou les questions de police (sommet de La Baule entre les ministres de l'intérieur d'Allemagne, d'Espagne, de France, de Grande-Bretagne et d'Italie), cela devient plus inquiétant.
Les coopérations renforcées entre un nombre restreint de pays de l'UE me paraissent soulever deux types de problèmes:
-- Quid des procédures démocratiques communautaires: quel rôle pour la Commission? Quel rôle pour le Parlement européen (après tout, il pourrait siéger en composition restreinte)? Quel rôle pour les Parlements nationaux?
-- Au moins les gouvernements des pays qui y participent ont-ils un rôle actif. Mais, si ces coopérations renforcées ont vocation de précurseur (et non de sous-groupe régional), elles sont donc appelées à s'élargir. Et là ce sera comme "l'acquis communautaire" pour un pays qui adhère à l'Union: les retardataires devront rattraper le train là où les initiateurs auront posé les voies.
22.10.03
Un islamisme sans judéophobie est-il possible?
Bien sûr il ne fait pas souvent les gros titres, et l'Asie c'est loin de l'Europe. Mais je me souviens parfaitement d'au moins deux épisodes dans lesquels le premier ministre de Malaisie, le Dr Mohamed Mahathir, s'était illustré de manière totalement odieuse: l'élimination d'un héritier politique devenu rival au travers d'une accusation d'homosexualité et une longue polémique envers l'ancienne puissance coloniale, la Grande-Bretagne (sur ces deux thèmes, il a été imité par le tyran du Zimbabwe, Robert Mugabe).
C'est dire que je n'ai pas été surpris de lire qu'il avait inauguré la dernière session au sommet de l'Organisation de la conférence islamique par une tirade antisémite (ou plus précisément judéophobe, puisqu'il a par la suite recouru à la défense éculée qu'il ne saurait être antisémite puisque les Arabes sont aussi sémites...). Les extraits que la presse en a donné étaient clairs, même Le Monde a prononcé une condamnation sans ambiguïté dans un éditorial. Il n'y a avait plus qu'à rigoler sur Chirac qui n'en rate pas une: il est remercié par Mahathir pour avoir obtenu (pas forcément seul) que la condamnation de l'UE ne soit pas dans le relevé des conclusions du Conseil européen (qui en revanche critique le mur érigé par Israël en Cisjordanie occupée), mais seulement au nom de celui-ci par la présidence italienne, cette intervention est furieusement démentie, et Chirac se rattrape avec une lettre personnelle d'admonestation à Mahathir.
Mais le Net en général et la blogosphère en particulier ont cet avantage qu'ils permettent de dépasser l'écume ressassée par toutes les radios et toutes les quotidiens. On y trouve le texte intégral du discours de Mahathir (en anglais, pas en français malheureusement). Et à partir de là, les commentaires divergent:
-- Pour les uns, les médias n'ont une fois de plus pas fait leur boulot, les propos judéophobes de Mahathir ont été atténués, l'original intégral est encore pire que ce qu'on en a dit.
-- Pour d'autres commentateurs (ici Robert Krugman, mis en pièces par Oliver Kamm), il s'agit avant tout d'excuser la judéophobie islamique: elle ne serait due qu'à l'Occident en général et à Bush en particulier (refrain connu: s'il n'y avait pas de Juifs, il n'y aurait pas de judéophobie...).
-- Pour d'autres encore, (Andrew Sullivan, repris et développé en français par Laurent de Polyscopique), il y a quelque chose d'intéressant dans ce discours à côté même de sa judéophobie caractérisée (et qui, chez Mahathir, est attestée de longue date): une tentative d'autocritique sur l'évolution de l'islamisme à travers les siècles (rappel de cet âge d'or du sultanat de Grenade auquel on prête volontiers une cohabitation harmonieuse des Musulmans et des Chrétiens, voire des Juifs), un appel à la modernisation, à l'ouverture et à l'effort sur soi (plutôt qu'à l'auto-apitoiement).
Je ne vois pas tant de la perfidie dans la référence de Mahathir à un traité conclu par Mahomet pour gagner du temps, avant de reprendre la bataille et de la gagner, qu'un salutaire rappel que la paix ne signifie pas qu'il faut désarmer et abandonner toute vigilance... Le pari à faire, c'est qu'une transformation intérieure de l'Islam, le retour à une certaine dignité et à l'ouverture sur le monde aura aussi pour effet de dissiper le démon de la judéophobie qui aujourd'hui sert de dérivatif au tragique échec économique et politique de l'islamisme pour le monde arabe.
C'est l'un des enjeux de la bataille d'Irak et pourquoi il est si important de réussir l'établissement d'une démocratie ouverte dans ce pays.
C'est dire que je n'ai pas été surpris de lire qu'il avait inauguré la dernière session au sommet de l'Organisation de la conférence islamique par une tirade antisémite (ou plus précisément judéophobe, puisqu'il a par la suite recouru à la défense éculée qu'il ne saurait être antisémite puisque les Arabes sont aussi sémites...). Les extraits que la presse en a donné étaient clairs, même Le Monde a prononcé une condamnation sans ambiguïté dans un éditorial. Il n'y a avait plus qu'à rigoler sur Chirac qui n'en rate pas une: il est remercié par Mahathir pour avoir obtenu (pas forcément seul) que la condamnation de l'UE ne soit pas dans le relevé des conclusions du Conseil européen (qui en revanche critique le mur érigé par Israël en Cisjordanie occupée), mais seulement au nom de celui-ci par la présidence italienne, cette intervention est furieusement démentie, et Chirac se rattrape avec une lettre personnelle d'admonestation à Mahathir.
Mais le Net en général et la blogosphère en particulier ont cet avantage qu'ils permettent de dépasser l'écume ressassée par toutes les radios et toutes les quotidiens. On y trouve le texte intégral du discours de Mahathir (en anglais, pas en français malheureusement). Et à partir de là, les commentaires divergent:
-- Pour les uns, les médias n'ont une fois de plus pas fait leur boulot, les propos judéophobes de Mahathir ont été atténués, l'original intégral est encore pire que ce qu'on en a dit.
-- Pour d'autres commentateurs (ici Robert Krugman, mis en pièces par Oliver Kamm), il s'agit avant tout d'excuser la judéophobie islamique: elle ne serait due qu'à l'Occident en général et à Bush en particulier (refrain connu: s'il n'y avait pas de Juifs, il n'y aurait pas de judéophobie...).
-- Pour d'autres encore, (Andrew Sullivan, repris et développé en français par Laurent de Polyscopique), il y a quelque chose d'intéressant dans ce discours à côté même de sa judéophobie caractérisée (et qui, chez Mahathir, est attestée de longue date): une tentative d'autocritique sur l'évolution de l'islamisme à travers les siècles (rappel de cet âge d'or du sultanat de Grenade auquel on prête volontiers une cohabitation harmonieuse des Musulmans et des Chrétiens, voire des Juifs), un appel à la modernisation, à l'ouverture et à l'effort sur soi (plutôt qu'à l'auto-apitoiement).
Je ne vois pas tant de la perfidie dans la référence de Mahathir à un traité conclu par Mahomet pour gagner du temps, avant de reprendre la bataille et de la gagner, qu'un salutaire rappel que la paix ne signifie pas qu'il faut désarmer et abandonner toute vigilance... Le pari à faire, c'est qu'une transformation intérieure de l'Islam, le retour à une certaine dignité et à l'ouverture sur le monde aura aussi pour effet de dissiper le démon de la judéophobie qui aujourd'hui sert de dérivatif au tragique échec économique et politique de l'islamisme pour le monde arabe.
C'est l'un des enjeux de la bataille d'Irak et pourquoi il est si important de réussir l'établissement d'une démocratie ouverte dans ce pays.
20.10.03
Une Eglise anglicane trop catholique pour être honnête
Du point de vue d'un chrétien de confession réformée, il y a une relation directe entre Dieu et les fidèles. L'Eglise ne saurait se substituer à eux, et ils ont une responsabilité individuelle à laquelle ils ne sauraient échapper. (C'est l'athée sociologiquement protestant qui s'exprime, on verra peut-être ce que Guillaume Barry en pense).
Par son comportement dans l'affaire de la consécration d'un évêque gay dans le diocèse du New Hampshire (après l'épisode de l'évêque auxiliaire de Reading dans le diocèse d'Oxford en Angleterre), l'Eglise anglicane confirme qu'elle n'est qu'une Eglise catholique distincte de l'Eglise romaine pour la convenance personnelle d'Henri VIII et non pour des raisons théologiques. La doctrine édictée par centralisme bureaucratique l'emporte sur la foi, l'Eglise sur les fidèles et les individus sont faits pour être broyés: les emprunts du léninisme au catholicisme ont déjà souvent été soulignés.
Il est significatif que, dans un commentaire publié aujourd'hui, le nouveau rédacteur en chef du Daily Telegraph (gratuit mais il faut s'enregistrer) se réfère au schisme intervenu dans l'Eglise catholique romaine sous l'impulsion de Mgr Lefebvre (qui contestait des décisions du concile Vatican II) pour évoquer celui qui menace l'Eglise anglicane. Le titre dit tout: "L'unité de l'Eglise est plus importante que la sexualité". Gene Robinson et le diocèse du New Hampshire sont fermement invités à se le tenir pour dit et à rentrer dans le rang. Et Mgr Williams, primat de l'Eglise anglicane, est contraint par sa fonction d'agir contre sa conviction intime pour la deuxième fois.
Par son comportement dans l'affaire de la consécration d'un évêque gay dans le diocèse du New Hampshire (après l'épisode de l'évêque auxiliaire de Reading dans le diocèse d'Oxford en Angleterre), l'Eglise anglicane confirme qu'elle n'est qu'une Eglise catholique distincte de l'Eglise romaine pour la convenance personnelle d'Henri VIII et non pour des raisons théologiques. La doctrine édictée par centralisme bureaucratique l'emporte sur la foi, l'Eglise sur les fidèles et les individus sont faits pour être broyés: les emprunts du léninisme au catholicisme ont déjà souvent été soulignés.
Il est significatif que, dans un commentaire publié aujourd'hui, le nouveau rédacteur en chef du Daily Telegraph (gratuit mais il faut s'enregistrer) se réfère au schisme intervenu dans l'Eglise catholique romaine sous l'impulsion de Mgr Lefebvre (qui contestait des décisions du concile Vatican II) pour évoquer celui qui menace l'Eglise anglicane. Le titre dit tout: "L'unité de l'Eglise est plus importante que la sexualité". Gene Robinson et le diocèse du New Hampshire sont fermement invités à se le tenir pour dit et à rentrer dans le rang. Et Mgr Williams, primat de l'Eglise anglicane, est contraint par sa fonction d'agir contre sa conviction intime pour la deuxième fois.
19.10.03
Résultat des élections fédérales
Le système politique suisse est tellement stable que le moindre glissement de terrain prend des allures de tremblement de terre. Ainsi en va-t-il de la progression du parti de Christoph Blocher lors des élections de ce week-end: il occupait un peu moins d'un quart des sièges de la Chambre basse avant, il en occupera un peu plus du quart après, désormais premier parti du pays... Mais quand les médias et les commentateurs n'ont rien d'autre à se mettre sous la dent!
La politique suisse ne fait pas un bon spectacle, il y manque ces retournements haletants des pays qui connaissent un régime d'alternance gouvernementale: Schröder réélu de justesse, Jospin battu du premier tour, et même dans d'autres pays où domine la répartition proportionnelle ces contrats de gouvernement suivis d'effet (la loi de compétence universelle prestement liquidée en Belgique). Le régime suisse est l'exemple d'une régulation systémique dans laquelle il n'y a pas de force d'impulsion initiale:
-- Le peuple élit le parlement à la proportionnelle, mais les droits populaires lui permettent de le rappeler à l'ordre ponctuellement (en refusant par référendum une loi adoptée) et de bousculer son ordre du jour (par l'initiative populaire).
-- Il n'y a donc pas de majorité formelle (liée par un contrat de législature, par exemple), mais plutôt la recherche par les parlementaires de jusqu'où l'on peut tirer sur la corde sans qu'elle ne casse, quel compromis conclure qui soit susceptible d'une majorité au parlement sans être porté devant le peuple et éventuellement défait par lui.
-- C'est dire que le gouvernement n'est que l'humble serviteur du système, plus proche de la Commission européenne que du tout-puissant premier ministre britannique.
Après ces élections, il n'est question que de leur impact éventuel sur l'exécutif fédéral, composé depuis 1959 de 2 socialistes, 2 démocrates-chrétiens, 2 radicaux et 1 UDC (le parti de Blocher). Deux scénarios font rêver les politologues: une entente pour chasser l'UDC du gouvernement et une entente pour chasser le PS du gouvernement. Le plus vraisemblable, c'est néanmoins que rien ne change cette année... à moins que les socialistes ne préfèrent agir rapidement et favorisent l'élection de Blocher pour repourvoir le siège radical vacant (quitte à ce que ce parti le récupère au détriment du PDC à la prochaine occasion, la nouvelle "formule magique" devenant 2 socialistes, 3 rad/DC, 2 UDC).
COMPLEMENT du 20.10: Une réponse à une question dans les commentaires: qu'est-ce que l'UDC? Le sigle français signifie Union démocratique du centre, et si je ne l'ai pas mentionné c'est justement pour ne pas induire en erreur: l'UDC n'est pas un parti centriste. Le sigle allemand SVP est déjà plus clair dans ses connotations: Schweizerische Volkspartei, parti populaire suisse. Historiquement, c'était le parti agrarien (il s'appelait un temps parti des paysans, artisans et indépendants). C'est un parti populiste de la droite dure, nationaliste anti-UE, anti-étatiste mais protectionniste et anti-étranger (ni libéral ni libertarien, donc; seulement conservateur). Aux Etats-Unis, Blocher trouverait facilement sa place au sein du parti républicain -- à la droite de Bush.
La politique suisse ne fait pas un bon spectacle, il y manque ces retournements haletants des pays qui connaissent un régime d'alternance gouvernementale: Schröder réélu de justesse, Jospin battu du premier tour, et même dans d'autres pays où domine la répartition proportionnelle ces contrats de gouvernement suivis d'effet (la loi de compétence universelle prestement liquidée en Belgique). Le régime suisse est l'exemple d'une régulation systémique dans laquelle il n'y a pas de force d'impulsion initiale:
-- Le peuple élit le parlement à la proportionnelle, mais les droits populaires lui permettent de le rappeler à l'ordre ponctuellement (en refusant par référendum une loi adoptée) et de bousculer son ordre du jour (par l'initiative populaire).
-- Il n'y a donc pas de majorité formelle (liée par un contrat de législature, par exemple), mais plutôt la recherche par les parlementaires de jusqu'où l'on peut tirer sur la corde sans qu'elle ne casse, quel compromis conclure qui soit susceptible d'une majorité au parlement sans être porté devant le peuple et éventuellement défait par lui.
-- C'est dire que le gouvernement n'est que l'humble serviteur du système, plus proche de la Commission européenne que du tout-puissant premier ministre britannique.
Après ces élections, il n'est question que de leur impact éventuel sur l'exécutif fédéral, composé depuis 1959 de 2 socialistes, 2 démocrates-chrétiens, 2 radicaux et 1 UDC (le parti de Blocher). Deux scénarios font rêver les politologues: une entente pour chasser l'UDC du gouvernement et une entente pour chasser le PS du gouvernement. Le plus vraisemblable, c'est néanmoins que rien ne change cette année... à moins que les socialistes ne préfèrent agir rapidement et favorisent l'élection de Blocher pour repourvoir le siège radical vacant (quitte à ce que ce parti le récupère au détriment du PDC à la prochaine occasion, la nouvelle "formule magique" devenant 2 socialistes, 3 rad/DC, 2 UDC).
COMPLEMENT du 20.10: Une réponse à une question dans les commentaires: qu'est-ce que l'UDC? Le sigle français signifie Union démocratique du centre, et si je ne l'ai pas mentionné c'est justement pour ne pas induire en erreur: l'UDC n'est pas un parti centriste. Le sigle allemand SVP est déjà plus clair dans ses connotations: Schweizerische Volkspartei, parti populaire suisse. Historiquement, c'était le parti agrarien (il s'appelait un temps parti des paysans, artisans et indépendants). C'est un parti populiste de la droite dure, nationaliste anti-UE, anti-étatiste mais protectionniste et anti-étranger (ni libéral ni libertarien, donc; seulement conservateur). Aux Etats-Unis, Blocher trouverait facilement sa place au sein du parti républicain -- à la droite de Bush.
17.10.03
L'Internet, le vélo et le bureaucrate
Polyscopique, un blog québécois qui vient d'apparaître à notre blogroll, rapporte une histoire à la fois merveilleuse et bien triste: celle d'un village laotien qui n'a pas l'électricité mais s'apprête à être équipé pour l'Internet.
Comblant les utopies à la Ivan Illich qui constituent l'arrière-fond de mon blairisme, il y est question d'un ordinateur aux pieds nus, sans pièce mobile et économe en énergie -- fournie, comme de juste, en pédalant sur un vélo. Avant même de surfer, il s'agit simplement d'apporter le téléphone à une communauté isolée de 400 personnes, en sautant allégrement par dessus les étapes technologiques antérieures.
Mais à l'heure H, le ministère laotien concerné s'en est mêlé et pour l'instant tout est suspendu.
Tous les détails de cette extraordinaire aventure humaine, technologique et politique, avec des photos, ici (en anglais).
Comblant les utopies à la Ivan Illich qui constituent l'arrière-fond de mon blairisme, il y est question d'un ordinateur aux pieds nus, sans pièce mobile et économe en énergie -- fournie, comme de juste, en pédalant sur un vélo. Avant même de surfer, il s'agit simplement d'apporter le téléphone à une communauté isolée de 400 personnes, en sautant allégrement par dessus les étapes technologiques antérieures.
Mais à l'heure H, le ministère laotien concerné s'en est mêlé et pour l'instant tout est suspendu.
Tous les détails de cette extraordinaire aventure humaine, technologique et politique, avec des photos, ici (en anglais).
Multilatéralisme et droit international
Après la résolution 1441, c'est la résolution 1511 sur l'Irak (fichier PDF en français) que le Conseil de sécurité a adoptée à l'unanimité (sans abstention, donc avec les voix de l'Allemagne -- qui n'était pas membre du Conseil en 2002 -- de la Russie, de la France, du Pakistan ou de la Syrie).
Gageons que cela n'empêchera pas de ressasser le cliché mensonger de l'unilatéralisme de l'administration Bush par ceux qui n'ont pas vu que le 11 septembre 2001 a changé tout cela.
COMPLEMENT DE 22H40: Norman Geras se demande de son côté si la légitimité désormais conférée par la résolution aux institutions provisoires mises en place en Irak par la coalition fera changer d'attitude tous ces adversaires de l'intervention qui se sont montrés si experts et pointilleux sur le respect du droit international?
Gageons que cela n'empêchera pas de ressasser le cliché mensonger de l'unilatéralisme de l'administration Bush par ceux qui n'ont pas vu que le 11 septembre 2001 a changé tout cela.
COMPLEMENT DE 22H40: Norman Geras se demande de son côté si la légitimité désormais conférée par la résolution aux institutions provisoires mises en place en Irak par la coalition fera changer d'attitude tous ces adversaires de l'intervention qui se sont montrés si experts et pointilleux sur le respect du droit international?
16.10.03
Jubilé d'argent
Le Monde a publié un beau supplément (développé en multimédia sur le site) pour célébrer les 25 ans de pontificat de Jean-Paul II. Sur 404 Brain Not Found, Petit Padawan a l'explication.
En tout cas ça nous vaut un joli coup de gueule de l'ami Philippe Barraud. Mais on ne peut pas à la fois être fier de l'austérité décentralisée et subversive du protestantisme et s'indigner que l'impérialisme catholique romain étale ses pompes.
"L'Eglise", sans adjectif, c'est comme les URL américains, sans code de pays.
En tout cas ça nous vaut un joli coup de gueule de l'ami Philippe Barraud. Mais on ne peut pas à la fois être fier de l'austérité décentralisée et subversive du protestantisme et s'indigner que l'impérialisme catholique romain étale ses pompes.
"L'Eglise", sans adjectif, c'est comme les URL américains, sans code de pays.
Cuisine interne
Rien inscrit à ce blog-notes depuis deux jours, sans excuse particulière... Comme le disait une amie qui doit être quelque chose comme docteur en économie, il y a des week-ends où il est bien plus gratifiant de nettoyer sa salle de bains que d'écrire un article.
Pour moi c'est le bricolage dans les coulisses du blog: ajouté dans la colonne de droite une sélection de sujets abordés et archivés et, surtout, un moteur de recherche. Gratuit et déconcertant de facilité, je m'en veux de ne pas l'avoir utilisé plus tôt et je ne comprends pas pourquoi tous les blogs n'en installent pas un.
Pour moi c'est le bricolage dans les coulisses du blog: ajouté dans la colonne de droite une sélection de sujets abordés et archivés et, surtout, un moteur de recherche. Gratuit et déconcertant de facilité, je m'en veux de ne pas l'avoir utilisé plus tôt et je ne comprends pas pourquoi tous les blogs n'en installent pas un.
13.10.03
Les bonnes nouvelles ne font pas vendre
Je l'avais lu vendredi sur le blog d'Andrew Sullivan: pour marquer les 6 mois du renversement de Saddam Hussein, Paul Bremer avait lancé la veille un site web de l'Autorité provisoire de la coalition, et présenté un bilan impressionnant de son action.
Moitié par paresse, moitié parce que je me disais qu'il était futile d'annoncer instantanément sur ce blog quelque chose qui serait le lendemain dans tous les journaux, j'ai renoncé à relayer cette information. Mais voilà: elle n'a pas trouvé la place qu'elle mérite. Rien dans Le Temps, rien dans Le Monde (sinon un clin d'oeil people: une photo montrant Bremer inaugurant le monument qui remplace la statue de Saddam abattue), quelques lignes au détour d'un éditorial dans le Daily Telegraph aujourd'hui seulement...
Donc il vaut la peine de le souligner: la police est rétablie, la nouvelle armée irakienne se met en place, la justice, pour la première fois indépendante, est rendue dans pratiquement les 400 tribunaux d'Irak, la production d'électricité dépasse désormais le niveau d'avant l'intervention, l'ensemble des universités et établissements d'enseignement supérieur sont ouverts, de même que la presque totalité des écoles primaires et secondaires (plus de 1500 d'entre elles ont été rénovées), 240 hôpitaux et 1200 cliniques dispensent des soins, 22 millions de vaccins ont été administrés, les salaires des enseignants et des professionnels de la santé ont été multipliés, l'amélioration du réseau d'irrigation a créé 100'000 emplois, les banques et les télécommunications fonctionnent, d'innombrables conseils élus par les Irakiens préparent la relève démocratique, pour la première fois la presse est libre et la liberté religieuse existe...
Mais il est bien plus facile de dramatiser la litanie des attentats.
Moitié par paresse, moitié parce que je me disais qu'il était futile d'annoncer instantanément sur ce blog quelque chose qui serait le lendemain dans tous les journaux, j'ai renoncé à relayer cette information. Mais voilà: elle n'a pas trouvé la place qu'elle mérite. Rien dans Le Temps, rien dans Le Monde (sinon un clin d'oeil people: une photo montrant Bremer inaugurant le monument qui remplace la statue de Saddam abattue), quelques lignes au détour d'un éditorial dans le Daily Telegraph aujourd'hui seulement...
Donc il vaut la peine de le souligner: la police est rétablie, la nouvelle armée irakienne se met en place, la justice, pour la première fois indépendante, est rendue dans pratiquement les 400 tribunaux d'Irak, la production d'électricité dépasse désormais le niveau d'avant l'intervention, l'ensemble des universités et établissements d'enseignement supérieur sont ouverts, de même que la presque totalité des écoles primaires et secondaires (plus de 1500 d'entre elles ont été rénovées), 240 hôpitaux et 1200 cliniques dispensent des soins, 22 millions de vaccins ont été administrés, les salaires des enseignants et des professionnels de la santé ont été multipliés, l'amélioration du réseau d'irrigation a créé 100'000 emplois, les banques et les télécommunications fonctionnent, d'innombrables conseils élus par les Irakiens préparent la relève démocratique, pour la première fois la presse est libre et la liberté religieuse existe...
Mais il est bien plus facile de dramatiser la litanie des attentats.
12.10.03
InstaPundit en Suisse
Le blogger le plus rapide de l'ouest est à l'honneur sur le site militaire suisse CheckPoint: plus précisément, une traduction française d'un article que le professeur Glenn Reynolds a publié le 17 octobre 2002 sur Fox News prophétisant que le droit de porter des armes sera le prochain droit de l'homme. Car les génocides ont toujours été précédé d'une confiscation des armes, et aucune population armée ne s'est laissée massacrer sans réagir...
Armes à feu
Je lis dans le Guardian d'hier un article sur la montée de la crainte à l'égard de la violence armée. Mais ce qui a particulièrement retenu mon attention est un graphique qui n'est pas repris sur le site: c'est une comparaison internationale et, pour une fois, la Suisse y figure.
Il y a de quoi corriger une certaine image d'Epinal: au nombre des meurtres par arme à feu pour 100'000 habitants, la Suisse est à 1,01... soit près de 3 fois moins que les Etats-Unis (2,97), mais près de 10 fois plus que l'Angleterre (0,12) ou la Nouvelle-Zélande (0,13), deux fois plus que l'Allemagne (0,50)!
Il y a de quoi corriger une certaine image d'Epinal: au nombre des meurtres par arme à feu pour 100'000 habitants, la Suisse est à 1,01... soit près de 3 fois moins que les Etats-Unis (2,97), mais près de 10 fois plus que l'Angleterre (0,12) ou la Nouvelle-Zélande (0,13), deux fois plus que l'Allemagne (0,50)!
Prix Nobel de la paix
L'annonce du prix Nobel de la paix à l'Iranienne Shirin Ebadit m'avait instinctivement ravi. Mais je découvre chaque jour de nouvelles raisons de l'apprécier:
-- Les Italiens (et les Polonais) s'attendaient apparemment à ce que Jean-Paul II soit le lauréat. Mais il est évident que les médias y auraient vu bien davantage une consécration (!) de son opposition à l'intervention en Irak que, par exemple, son rôle dans la libération des pays de l'est, pour lequel le prix n'aurait pas été injustifié; ce pape est un agaçant mélange de progressisme démocratique et d'obscurantisme socio-culturel;
-- A l'inverse, donner le prix à une femme qui se bat pour les droits humains dans un pays musulman me paraît une excellente chose. Je ne vais quand même pas y voir un soutien à l'intervention! Mais c'est un utile rappel pour tous ceux qui croient que seuls les Occidentaux s'intéressent à la liberté, que la démocratie n'est qu'un fantasme colonial;
-- Et puis Shirin Ebadit est aussi un bon contre-exemple à la juriste terroriste de Haïfa...
-- Les Italiens (et les Polonais) s'attendaient apparemment à ce que Jean-Paul II soit le lauréat. Mais il est évident que les médias y auraient vu bien davantage une consécration (!) de son opposition à l'intervention en Irak que, par exemple, son rôle dans la libération des pays de l'est, pour lequel le prix n'aurait pas été injustifié; ce pape est un agaçant mélange de progressisme démocratique et d'obscurantisme socio-culturel;
-- A l'inverse, donner le prix à une femme qui se bat pour les droits humains dans un pays musulman me paraît une excellente chose. Je ne vais quand même pas y voir un soutien à l'intervention! Mais c'est un utile rappel pour tous ceux qui croient que seuls les Occidentaux s'intéressent à la liberté, que la démocratie n'est qu'un fantasme colonial;
-- Et puis Shirin Ebadit est aussi un bon contre-exemple à la juriste terroriste de Haïfa...
10.10.03
Audio-livres
Au détour d'un article consacré à son mari, qui a redécoré Clarence House, résidence de la reine mère devenue celle du prince Charles, dans le Daily Telegraph d'aujourd'hui (accès gratuit mais il faut s'enregistrer), j'apprends l'existence de Helen Nicoll; elle publie des audio-livres qui ne sont pas seulement des extraits, comme souvent, mais le texte intégral (le dernier Harry Potter, lu en anglais par Stephen Fry, fait 29 heures sur 22 cassettes).
C'est enfin l'occasion de placer sur ce blog une pensée que je n'ai encore pu publier nulle part: l'enregistrement de livres était, dans le temps, une activité volontaire (cela ne s'oppose pas à involontaire... mais c'est pour faire moins mièvre que "bénévole") destinée aux handicapés de la vue, car l'économie marchande ne s'y retrouvait pas; l'essor de l'automobile, du fitness et du walkman ont depuis apporté une solution probablement plus efficace qui répond également aux besoins des aveugles: bravo!
Mais cela ne veut pas dire que le secteur volontaire a perdu toute raison d'être: il lui reste ce que le marché ne proposera pas et qui pourtant serait utile. Je vois deux pistes: des ouvrages techniques, moins grand public; et des romans pornographiques... Ce que c'est que de trop écouter Tachan!
C'est enfin l'occasion de placer sur ce blog une pensée que je n'ai encore pu publier nulle part: l'enregistrement de livres était, dans le temps, une activité volontaire (cela ne s'oppose pas à involontaire... mais c'est pour faire moins mièvre que "bénévole") destinée aux handicapés de la vue, car l'économie marchande ne s'y retrouvait pas; l'essor de l'automobile, du fitness et du walkman ont depuis apporté une solution probablement plus efficace qui répond également aux besoins des aveugles: bravo!
Mais cela ne veut pas dire que le secteur volontaire a perdu toute raison d'être: il lui reste ce que le marché ne proposera pas et qui pourtant serait utile. Je vois deux pistes: des ouvrages techniques, moins grand public; et des romans pornographiques... Ce que c'est que de trop écouter Tachan!
Constitution européenne et CIG
Je reviens sur ce sujet à la suite de l'installation, le week-end dernier, de la Conférence intergouvernementale qui doit adopter le futur traité. Trois sujets de désaccords ont plus particulièrement été évoqués: le nouveau système de calcul de la majorité au sein du Conseil des ministres, la composition de la Commission et le préambule (référence au christianisme ou non?).
Pour des étudiants en droit constitutionnel suisse, tout cela paraîtrait du rabâchage de questions connues:
-- si la Suisse, comme les Etats-Unis, a un système qui requiert à la fois une majorité du peuple (ou de ses représentants) et une majorité des entités qui composent l'Union (ou de leurs représentants), l'Allemagne a un système qui pondère l'expression des entités en fonction de leur taille;
-- mutatis mutandis, la problématique de la Commission est la même que celle de la composition du Conseil fédéral suisse (pouvoir exécutif): comment faire pour que, dans le cas de la Suisse, 23 entités (les cantons), de langues, cultures et religions variées, se trouvent équitablement représentées par 7 personnes -- sans oublier évidemment les critères de l'orientation politique et de la compétence personnelle (mais ce dernier point paraît avoir entièrement échappé à la Convention présidée par Valéry Giscard D'Estaing, j'y reviens dans un instant);
-- quant au préambule, je rigole: cela a fait les beaux jours d'une première commission de révision de la Constitution fédérale dans les années 70, puis de la révision qui a abouti à la nouvelle Constitution fédérale suisse, du 18 avril 1999 (outre l'allemand, l'italien et le romanche, elle est aussi disponible ici en anglais, arabe, espagnol et portuguais). En foi de quoi elle commence par: "Au nom de Dieu tout puissant!", ce qui ravirait sans doute Aznar, Krasniesky et Jean-Paul II.
A propos des deux premiers volets:
Depuis l'origine, la CEE devenue UE a un système de décisions prises à la majorité selon une pondération dont on ne sait s'il faut la qualifier de fruste (car elle est par définition grossière) ou de subtile (puisqu'elle vise à permettre des décisions majoritaires tout en évitant de marginaliser par trop certains partenaires). Le dernier avatar était le fameux traité issu du Conseil européen de Nice, dont il faut souligner que c'est à la diplomatie française et à l'obstination de Chirac et Jospin (qui n'avait alors pas attendu le président pour se montrer méprisant à l'égard des "petits pays") que l'on doit le résultat misérable. Si l'Espagne et la Pologne s'accrochent à leur surreprésentation de 27 voix chacun, le responsable en est Chirac qui a jugé intolérable que l'Allemagne ait un nombre de voix supérieur à la France: les quatre pays les plus peuplés ont donc chacun 29 voix, même si premier a 99 sièges au Parlement européen et les deux suivants 87...
Ce système de "voix", qui évoque la manière dont les gouvernements des Länder expriment leur vote au Bundesrat allemand (chambre haute du parlement), n'est cependant pas des plus transparents. La Convention a eu une bonne idée en proposant de le remplacer par quelque chose de plus clair: une voix par Etat, mais la majorité n'est acquise que si la population de ces Etats représente aussi au moins 60% de la population de l'Union. Manifestement, il s'agit d'un verrou en faveur des grands pays, qui atteindront ainsi plus facilement une minorité de blocage.
Une solution de compromis entre "Nice" et "la Convention" ne consisterait-elle pas simplement à renoncer à ce verrou? On dirait: la majorité des Etats représentant au moins 50% de la population de l'Union.
Sur la composition de la Commission: dans l'UE à 15, on a un système ou les cinq plus grands pays de l'Union désignent deux membres de la Commission et les autres un (même si ceux-ci ne sont en rien leurs représentants... quoique). Après l'élargissement à 23, la Convention propose une commission de 15 membres issus de pays différents (les autres fournissant chacun une sorte de suppléant observateur), avec un système de rotation rigide lors des remplacements. Cela revient à dire que la classe politique luxembourgeoise (non que je ne la tienne en haute estime!) devra produire, quantitativement, autant de membres de la Commission, sur une période statistique donnée, que l'Allemagne ou la Grande-Bretagne; cela veut dire aussi que, pendant des années, des pays comme l'Allemagne, la Grande-Bretagne ou la France pourront n'avoir aucun commissaire européen (et même simultanément si, comme c'est prévisible, ces trois pays se poussent dans la première fournée de la Commission new look et sont donc exclus de la suivante...).
A mon avis, c'est simplement absurde et intenable (ou c'est une manoeuvre des partisans de l'intergouvernemental et de la prééminence du Conseil européen et de son président permanent pour diminuer le statut de la Commission). Mais l'alternative consistant simplement à prévoir un commissaire par pays n'est pas beaucoup mieux.
Depuis 1848, la Suisse a un collège exécutif de sept personnes élues par le Parlement, dont la désignation est gouvernée par des règles non écrites aussi bien qu'écrites, et qui ont évolué avec le temps. Le souci linguistique, par exemple, n'est écrit nulle part, mais l'Assemblée fédérale a toujours maintenu 2 ou 3 latins pour 5 ou 4 alémaniques. Les "grands cantons" de Zurich et Berne n'ont perdu que tout récemment leur représentation continue au sein du Conseil fédéral. Et, après 150 ans, on vient d'assouplir la règle formelle qui interdisait plus d'un conseiller fédéral par canton pour permettre davantage de choix entre les personnes. Concrètement, lors d'une vacance (et le Conseil fédéral suisse, contrairement à la Commission européenne, n'est pas renouvelé en bloc mais au détail, en continu en quelque sorte), il faut empiler pas mal de critères pour être élu. Mais au moins la compétence peut aussi entrer en considération pour choisir entre plusieurs candidats: le système proposé par le Convention est tellement rigide qu'il n'en est pas question.
Ma proposition pour la Commission (et on a aussi déjà examiné en Suisse l'intérêt d'un système à deux étages, ou le collège pourrait par ailleurs s'appuyer sur un réservoir de ce que l'on appelle en Suisse des secrétaires d'Etat): un vrai collège de 12 personnes, avec comme seule règle qu'il n'y en ait pas deux de la même nationalité, auquel s'ajouteraient entre 15 et 20 commissaires délégués, sans règle particulière; et que l'on fasse confiance à la sagesse (et surtout au surmoi politique) du président désigné, des gouvernements et du Parlement européen pour veiller à une représentation judicieuse et équitable...
Pour des étudiants en droit constitutionnel suisse, tout cela paraîtrait du rabâchage de questions connues:
-- si la Suisse, comme les Etats-Unis, a un système qui requiert à la fois une majorité du peuple (ou de ses représentants) et une majorité des entités qui composent l'Union (ou de leurs représentants), l'Allemagne a un système qui pondère l'expression des entités en fonction de leur taille;
-- mutatis mutandis, la problématique de la Commission est la même que celle de la composition du Conseil fédéral suisse (pouvoir exécutif): comment faire pour que, dans le cas de la Suisse, 23 entités (les cantons), de langues, cultures et religions variées, se trouvent équitablement représentées par 7 personnes -- sans oublier évidemment les critères de l'orientation politique et de la compétence personnelle (mais ce dernier point paraît avoir entièrement échappé à la Convention présidée par Valéry Giscard D'Estaing, j'y reviens dans un instant);
-- quant au préambule, je rigole: cela a fait les beaux jours d'une première commission de révision de la Constitution fédérale dans les années 70, puis de la révision qui a abouti à la nouvelle Constitution fédérale suisse, du 18 avril 1999 (outre l'allemand, l'italien et le romanche, elle est aussi disponible ici en anglais, arabe, espagnol et portuguais). En foi de quoi elle commence par: "Au nom de Dieu tout puissant!", ce qui ravirait sans doute Aznar, Krasniesky et Jean-Paul II.
A propos des deux premiers volets:
Depuis l'origine, la CEE devenue UE a un système de décisions prises à la majorité selon une pondération dont on ne sait s'il faut la qualifier de fruste (car elle est par définition grossière) ou de subtile (puisqu'elle vise à permettre des décisions majoritaires tout en évitant de marginaliser par trop certains partenaires). Le dernier avatar était le fameux traité issu du Conseil européen de Nice, dont il faut souligner que c'est à la diplomatie française et à l'obstination de Chirac et Jospin (qui n'avait alors pas attendu le président pour se montrer méprisant à l'égard des "petits pays") que l'on doit le résultat misérable. Si l'Espagne et la Pologne s'accrochent à leur surreprésentation de 27 voix chacun, le responsable en est Chirac qui a jugé intolérable que l'Allemagne ait un nombre de voix supérieur à la France: les quatre pays les plus peuplés ont donc chacun 29 voix, même si premier a 99 sièges au Parlement européen et les deux suivants 87...
Ce système de "voix", qui évoque la manière dont les gouvernements des Länder expriment leur vote au Bundesrat allemand (chambre haute du parlement), n'est cependant pas des plus transparents. La Convention a eu une bonne idée en proposant de le remplacer par quelque chose de plus clair: une voix par Etat, mais la majorité n'est acquise que si la population de ces Etats représente aussi au moins 60% de la population de l'Union. Manifestement, il s'agit d'un verrou en faveur des grands pays, qui atteindront ainsi plus facilement une minorité de blocage.
Une solution de compromis entre "Nice" et "la Convention" ne consisterait-elle pas simplement à renoncer à ce verrou? On dirait: la majorité des Etats représentant au moins 50% de la population de l'Union.
Sur la composition de la Commission: dans l'UE à 15, on a un système ou les cinq plus grands pays de l'Union désignent deux membres de la Commission et les autres un (même si ceux-ci ne sont en rien leurs représentants... quoique). Après l'élargissement à 23, la Convention propose une commission de 15 membres issus de pays différents (les autres fournissant chacun une sorte de suppléant observateur), avec un système de rotation rigide lors des remplacements. Cela revient à dire que la classe politique luxembourgeoise (non que je ne la tienne en haute estime!) devra produire, quantitativement, autant de membres de la Commission, sur une période statistique donnée, que l'Allemagne ou la Grande-Bretagne; cela veut dire aussi que, pendant des années, des pays comme l'Allemagne, la Grande-Bretagne ou la France pourront n'avoir aucun commissaire européen (et même simultanément si, comme c'est prévisible, ces trois pays se poussent dans la première fournée de la Commission new look et sont donc exclus de la suivante...).
A mon avis, c'est simplement absurde et intenable (ou c'est une manoeuvre des partisans de l'intergouvernemental et de la prééminence du Conseil européen et de son président permanent pour diminuer le statut de la Commission). Mais l'alternative consistant simplement à prévoir un commissaire par pays n'est pas beaucoup mieux.
Depuis 1848, la Suisse a un collège exécutif de sept personnes élues par le Parlement, dont la désignation est gouvernée par des règles non écrites aussi bien qu'écrites, et qui ont évolué avec le temps. Le souci linguistique, par exemple, n'est écrit nulle part, mais l'Assemblée fédérale a toujours maintenu 2 ou 3 latins pour 5 ou 4 alémaniques. Les "grands cantons" de Zurich et Berne n'ont perdu que tout récemment leur représentation continue au sein du Conseil fédéral. Et, après 150 ans, on vient d'assouplir la règle formelle qui interdisait plus d'un conseiller fédéral par canton pour permettre davantage de choix entre les personnes. Concrètement, lors d'une vacance (et le Conseil fédéral suisse, contrairement à la Commission européenne, n'est pas renouvelé en bloc mais au détail, en continu en quelque sorte), il faut empiler pas mal de critères pour être élu. Mais au moins la compétence peut aussi entrer en considération pour choisir entre plusieurs candidats: le système proposé par le Convention est tellement rigide qu'il n'en est pas question.
Ma proposition pour la Commission (et on a aussi déjà examiné en Suisse l'intérêt d'un système à deux étages, ou le collège pourrait par ailleurs s'appuyer sur un réservoir de ce que l'on appelle en Suisse des secrétaires d'Etat): un vrai collège de 12 personnes, avec comme seule règle qu'il n'y en ait pas deux de la même nationalité, auquel s'ajouteraient entre 15 et 20 commissaires délégués, sans règle particulière; et que l'on fasse confiance à la sagesse (et surtout au surmoi politique) du président désigné, des gouvernements et du Parlement européen pour veiller à une représentation judicieuse et équitable...
8.10.03
De l'intervention extérieure à la transition vers la démocratie
Ce texte fait notamment suite au dialogue esquissé avec Eric Hoesli, directeur du Temps, dans les commentaires qui suivent une précédente entrée:
Comment passe-t-on de la dictature à la démocratie? L'Irak n'est que le dernier cas de cette question d'école.
Un premier élément à considérer est que les adversaires de l'intervention qui a renversé le régime de Saddam Hussein ne posent pas le problème dans ces termes: pour eux il s'agit d'une opération de type colonial ("le pétrole"), dans laquelle des troupes étrangères ont attaqué un pays souverain et l'occupent. La question est donc celle du rétablissement de la souveraineté irakienne et du départ de l'occupant. Ce faisant, ils refusent toute référence au droit ou au devoir d'ingérence de la communauté internationale dans les affaires intérieures d'un Etat. Ils en restent aussi à la notion médiévale identifiant un pays à son régime: "un peuple, une religion, un roi". Un point de vue "souverainiste" qui suinte tellement sa référence d'une droite particulièrement bornée que je ne comprends toujours pas qu'il se trouve tant de braves gens, d'intellectuels et de politiciens de gauche pour le suivre aveuglément.
(A droite comme à gauche, les adversaires de l'intervention sont aussi ceux pour qui le 11 septembre 2001 est un attentat terroriste comme un autre, et non le symbole d'un changement d'époque: celui d'une guerre non plus entre des Etats et des intérêts, mais entre des valeurs, et impliquant des acteurs non étatiques autant que des gouvernements. C'est pourquoi -- du moins pour ceux qui sont de bonne foi -- ils restent fixés sur une approche traditionnelle de la réalité de la menace posée ou de l'existence d'armes de destruction massive, sans reconnaître ni le danger de la conjonction entre terrorisme international et régimes s'étant coupés de la communauté internationale, ni l'importance d'une contre-offensive démocratique au Proche-Orient: or ce sont ces deux éléments, joints à la nécessité de ne pas laisser les résolutions du Conseil de sécurité, depuis 1991 jusqu'à la résolution 1441 comprise, être bafouées, qui sont à la base de l'intervention.)
Avec l'Irak, on ne se trouve donc pas dans le cas de l'Espagne, de la Grèce ou du Portugal des années 70: transition en bon ordre (après le décès dans son lit du dictateur), effondrement du régime militaire (parenthèse de sept ans seulement), coup d'état militaire (anti-colonialiste et démocratique). Pas davantage de l'ex-Union soviétique (où la transition démocratique n'est pour le moins pas réalisée partout ni au même stade) et des autres pays du Pacte de Varsovie dans les années 90, où l'évolution a également été endogène.
Les Balkans des années 90, alors? Pas tant la Serbie, dont la transition démocratique après Milosevic est venue de l'intérieur, même si l'environnement international a joué un rôle important; plutôt la Slovénie, la Croatie et la Bosnie, ou le Kosovo (région formellement sous souveraineté serbe mais en l'état sous la responsabilité de l'ONU). La situation est néanmoins profondément différente dans ces pays du fait de la simultanéité de la question nationale et de la question démocratique, comme aussi de leur taille: l'Irak est un grand pays, au potentiel certain et à l'identité nationale qui paraît affirmée, même s'il existe des composantes centrifuges. Il aurait vocation à rejoindre le Brésil, l'Inde et l'Afrique du Sud dans cette intéressante coalition des démocraties à économie de marché du Sud qui s'esquisse autour de la réforme de l'ONU et de l'OMC. La situation régionale joue aussi son rôle: l'Union européenne agit comme un puissant aimant démocratique, alors que la difficulté de l'Irak est d'initier un pôle démocratique au sein de la Ligue arabe.
L'exemple auquel on revient toujours, c'est celui des lendemains de la Seconde guerre mondiale: l'occupation de l'Allemagne par les Alliés et du Japon par les Etats-Unis et le processus remarquable qui a conduit en peu d'années au retour dans la communauté internationale de ces deux pays. Pour le Japon, la démocratie représentait par ailleurs une nouveauté plus grande que pour l'Allemagne. Il faut souligner que, dans les deux cas, on se trouve néanmoins dans la situation classique du pays vaincu dont le régime est changé, pas dans celle du pays libéré d'une dictature par l'intervention étrangère (dont le premier cas me paraît avoir été l'intervention vietnamienne au Cambodge contre les Khmers rouges -- même s'il ne s'agissait alors pas tant d'établir un régime démocratique, évidemment, que simplement de bon voisinage et moins pathologique -- faute que la communauté internationale s'en soit chargée comme l'y appelait, à l'époque, le sénateur George McGovern, icône de la gauche démocrate américaine et candidat malheureux contre Nixon en 1972).
Finalement l'Irak me paraît plus proche de la situation de la France ou de l'Italie à la Libération -- sans toutefois pouvoir jouer de la mystique du 18 juin et de la résistance intérieure (mais on peut y voir aussi l'avantage d'éviter une guerre civile sanglante): nul n'était vraiment prêt à reprendre les leviers du pouvoir en avril dernier. A relever qu'il ne vient à l'idée de personne de parler d'"occupation" par les Alliés de la France ou de l'Italie. Et les troupes américaines, dorénavant amies, y sont encore aujourd'hui accueillies (il y a eu des bases militaires américaines en France même jusqu'à la décision de de Gaulle, en 1967, de prendre ses distances au sein de l'OTAN), comme aussi en Allemagne ou en Japon: pourquoi devrait-il en aller autrement dans l'Irak de demain?
Alors même qu'il existait en France (contrairement à l'Irak) une tradition démocratique qui n'avait été interrompue que pendant peu d'années par le régime de Vichy et l'occupation nazie, il a néanmoins fallu jusqu'en octobre 1946 pour adopter la Constitution de la IVe République (après l'échec d'un premier projet en mai); l'Italie a tourné la page de Mussolini et de la guerre avec une nouvelle Constitution en 1947 seulement. Au Japon la Constitution est de novembre 1946. En Allemagne, le processus, piloté par les Alliés, a vu d'abord l'établissement d'une structure fédérale et des élections dans les Länder avant le niveau national; la Constitution (Loi fondamentale) ne date que de 1949.
Mais les adversaires de l'intervention en Irak voudraient un transfert immédiat du pouvoir à des Irakiens, une Constitution sans délai et s'étonnent que des élections n'aient pas encore eu lieu...
Comment passe-t-on de la dictature à la démocratie? L'Irak n'est que le dernier cas de cette question d'école.
Un premier élément à considérer est que les adversaires de l'intervention qui a renversé le régime de Saddam Hussein ne posent pas le problème dans ces termes: pour eux il s'agit d'une opération de type colonial ("le pétrole"), dans laquelle des troupes étrangères ont attaqué un pays souverain et l'occupent. La question est donc celle du rétablissement de la souveraineté irakienne et du départ de l'occupant. Ce faisant, ils refusent toute référence au droit ou au devoir d'ingérence de la communauté internationale dans les affaires intérieures d'un Etat. Ils en restent aussi à la notion médiévale identifiant un pays à son régime: "un peuple, une religion, un roi". Un point de vue "souverainiste" qui suinte tellement sa référence d'une droite particulièrement bornée que je ne comprends toujours pas qu'il se trouve tant de braves gens, d'intellectuels et de politiciens de gauche pour le suivre aveuglément.
(A droite comme à gauche, les adversaires de l'intervention sont aussi ceux pour qui le 11 septembre 2001 est un attentat terroriste comme un autre, et non le symbole d'un changement d'époque: celui d'une guerre non plus entre des Etats et des intérêts, mais entre des valeurs, et impliquant des acteurs non étatiques autant que des gouvernements. C'est pourquoi -- du moins pour ceux qui sont de bonne foi -- ils restent fixés sur une approche traditionnelle de la réalité de la menace posée ou de l'existence d'armes de destruction massive, sans reconnaître ni le danger de la conjonction entre terrorisme international et régimes s'étant coupés de la communauté internationale, ni l'importance d'une contre-offensive démocratique au Proche-Orient: or ce sont ces deux éléments, joints à la nécessité de ne pas laisser les résolutions du Conseil de sécurité, depuis 1991 jusqu'à la résolution 1441 comprise, être bafouées, qui sont à la base de l'intervention.)
Avec l'Irak, on ne se trouve donc pas dans le cas de l'Espagne, de la Grèce ou du Portugal des années 70: transition en bon ordre (après le décès dans son lit du dictateur), effondrement du régime militaire (parenthèse de sept ans seulement), coup d'état militaire (anti-colonialiste et démocratique). Pas davantage de l'ex-Union soviétique (où la transition démocratique n'est pour le moins pas réalisée partout ni au même stade) et des autres pays du Pacte de Varsovie dans les années 90, où l'évolution a également été endogène.
Les Balkans des années 90, alors? Pas tant la Serbie, dont la transition démocratique après Milosevic est venue de l'intérieur, même si l'environnement international a joué un rôle important; plutôt la Slovénie, la Croatie et la Bosnie, ou le Kosovo (région formellement sous souveraineté serbe mais en l'état sous la responsabilité de l'ONU). La situation est néanmoins profondément différente dans ces pays du fait de la simultanéité de la question nationale et de la question démocratique, comme aussi de leur taille: l'Irak est un grand pays, au potentiel certain et à l'identité nationale qui paraît affirmée, même s'il existe des composantes centrifuges. Il aurait vocation à rejoindre le Brésil, l'Inde et l'Afrique du Sud dans cette intéressante coalition des démocraties à économie de marché du Sud qui s'esquisse autour de la réforme de l'ONU et de l'OMC. La situation régionale joue aussi son rôle: l'Union européenne agit comme un puissant aimant démocratique, alors que la difficulté de l'Irak est d'initier un pôle démocratique au sein de la Ligue arabe.
L'exemple auquel on revient toujours, c'est celui des lendemains de la Seconde guerre mondiale: l'occupation de l'Allemagne par les Alliés et du Japon par les Etats-Unis et le processus remarquable qui a conduit en peu d'années au retour dans la communauté internationale de ces deux pays. Pour le Japon, la démocratie représentait par ailleurs une nouveauté plus grande que pour l'Allemagne. Il faut souligner que, dans les deux cas, on se trouve néanmoins dans la situation classique du pays vaincu dont le régime est changé, pas dans celle du pays libéré d'une dictature par l'intervention étrangère (dont le premier cas me paraît avoir été l'intervention vietnamienne au Cambodge contre les Khmers rouges -- même s'il ne s'agissait alors pas tant d'établir un régime démocratique, évidemment, que simplement de bon voisinage et moins pathologique -- faute que la communauté internationale s'en soit chargée comme l'y appelait, à l'époque, le sénateur George McGovern, icône de la gauche démocrate américaine et candidat malheureux contre Nixon en 1972).
Finalement l'Irak me paraît plus proche de la situation de la France ou de l'Italie à la Libération -- sans toutefois pouvoir jouer de la mystique du 18 juin et de la résistance intérieure (mais on peut y voir aussi l'avantage d'éviter une guerre civile sanglante): nul n'était vraiment prêt à reprendre les leviers du pouvoir en avril dernier. A relever qu'il ne vient à l'idée de personne de parler d'"occupation" par les Alliés de la France ou de l'Italie. Et les troupes américaines, dorénavant amies, y sont encore aujourd'hui accueillies (il y a eu des bases militaires américaines en France même jusqu'à la décision de de Gaulle, en 1967, de prendre ses distances au sein de l'OTAN), comme aussi en Allemagne ou en Japon: pourquoi devrait-il en aller autrement dans l'Irak de demain?
Alors même qu'il existait en France (contrairement à l'Irak) une tradition démocratique qui n'avait été interrompue que pendant peu d'années par le régime de Vichy et l'occupation nazie, il a néanmoins fallu jusqu'en octobre 1946 pour adopter la Constitution de la IVe République (après l'échec d'un premier projet en mai); l'Italie a tourné la page de Mussolini et de la guerre avec une nouvelle Constitution en 1947 seulement. Au Japon la Constitution est de novembre 1946. En Allemagne, le processus, piloté par les Alliés, a vu d'abord l'établissement d'une structure fédérale et des élections dans les Länder avant le niveau national; la Constitution (Loi fondamentale) ne date que de 1949.
Mais les adversaires de l'intervention en Irak voudraient un transfert immédiat du pouvoir à des Irakiens, une Constitution sans délai et s'étonnent que des élections n'aient pas encore eu lieu...
Naturalisations: politisation des juges et juridification de la politique
Dans Le Temps (mais l'accès n'est gratuit qu'aujourd'hui), le professeur Andreas Auer répond au professeur Etienne Grisel qui avait vertement critiqué les arrêts du Tribunal fédéral dont j'ai parlé ici.
C'était bien le moins: comme il a la modestie de ne pas le souligner, Auer est pratiquement l'initiateur du recours qui a donné lieu à l'arrêt sur Emmen (décidé à l'unanimité des cinq juges), au travers d'un article publié alors dans la Neue Zürcher Zeitung et disponible en français sur le site de Domaine Public. On y trouve l'essentiel de son argumentation, résumée dans Le Temps par cette formule: "Il en va de la démocratie comme de la liberté: pour lui donner consistance et la protéger, il faut parfois en limiter l'exercice".
Les deux chers collègues se retrouveront par ailleurs le 7 novembre, avec d'autres, à un colloque organisé par le Centre d'étude et de documentation sur la démocratie directe de l'Université de Genève.
C'était bien le moins: comme il a la modestie de ne pas le souligner, Auer est pratiquement l'initiateur du recours qui a donné lieu à l'arrêt sur Emmen (décidé à l'unanimité des cinq juges), au travers d'un article publié alors dans la Neue Zürcher Zeitung et disponible en français sur le site de Domaine Public. On y trouve l'essentiel de son argumentation, résumée dans Le Temps par cette formule: "Il en va de la démocratie comme de la liberté: pour lui donner consistance et la protéger, il faut parfois en limiter l'exercice".
Les deux chers collègues se retrouveront par ailleurs le 7 novembre, avec d'autres, à un colloque organisé par le Centre d'étude et de documentation sur la démocratie directe de l'Université de Genève.
La Californie est de retour
Impressionnant résultat de Schwarzenegger: en rassemblant sur son nom plus de suffrages que les adversaires de la révocation du gouverneur sortant, il fait mentir mon pessimisme sur cette procédure et est élu avec une légitimité d'autant plus incontestable que les "casseroles" ont résonné avant, malgré la brièveté de la campagne.
6.10.03
Nouvelles d'Irak (suite)
L'auto-critique à l'égard de la couverture systématiquement négative de la situation en Irak qui commence de se manifester dans les grands médias américains (car, oui, ils ont eu le même travers) n'a pas encore traversé l'Atlantique; souvenons-nous pourtant de Timisoara! Mais je n'ai pas envie de m'improviser ici (simplement) traducteur de ce que je peux lire en anglais, sur le web ou dans les blogs anglo-saxons (Andrew Sullivan, en particulier), même si nous avons déjà sur ce blog renvoyé à une vision moins tronquée des choses ici ou ici.
Tout cela pour signaler, malgré les réserves que je peux avoir à l'égard du ton du document, une synthèse réalisée en français pour l'Institut Hayek Institute (sic), à Bruxelles, par Vincent Bénard, du blog Liberté.
Dans le même ordre d'idée, j'aurais dû signaler plus tôt, sur l'excellent site suisse CheckPoint, un article sur le cauchemar d'Al-Quaida: une démocratie laïque en Irak. Mais n'est pas ce que Chirac et tous ceux qui se sont opposés à l'intervention cherchent aussi à prévenir en sabotant la transition?
Tout cela pour signaler, malgré les réserves que je peux avoir à l'égard du ton du document, une synthèse réalisée en français pour l'Institut Hayek Institute (sic), à Bruxelles, par Vincent Bénard, du blog Liberté.
Dans le même ordre d'idée, j'aurais dû signaler plus tôt, sur l'excellent site suisse CheckPoint, un article sur le cauchemar d'Al-Quaida: une démocratie laïque en Irak. Mais n'est pas ce que Chirac et tous ceux qui se sont opposés à l'intervention cherchent aussi à prévenir en sabotant la transition?
5.10.03
Bombardement israélien en Syrie
Comme d'habitude, le projecteur sur les représailles israéliennes est bien plus fort que sur l'attentat terroriste à Haïfa qui les a provoquées. Un attentat dont on ne souligne pas qu'il s'agit d'un crime contre l'humanité (et non d'un acte de guerre admissible), et qui vise aussi la coexistence entre Israéliens juifs et arabes.
France, Russie et Allemagne ont rapidement condamné l'atteinte à la souveraineté de la Syrie, et le Conseil de sécurité de l'ONU va se réunir. Or de deux choses l'une: soit il n'y avait pas de camp d'entraînement terroriste à bombarder (mais il est bien trop tôt pour l'affirmer), soit il y en a un et cela représente un acte de guerre qui entraîne la responsabilité de la Syrie. L'affirmation d'une organisation terroriste palestinienne selon laquelle il s'agit d'"un de nos anciens camps d'entraînement, qui a été évacué il y a plus d'un an" sonne comme un aveu.
France, Russie et Allemagne ont rapidement condamné l'atteinte à la souveraineté de la Syrie, et le Conseil de sécurité de l'ONU va se réunir. Or de deux choses l'une: soit il n'y avait pas de camp d'entraînement terroriste à bombarder (mais il est bien trop tôt pour l'affirmer), soit il y en a un et cela représente un acte de guerre qui entraîne la responsabilité de la Syrie. L'affirmation d'une organisation terroriste palestinienne selon laquelle il s'agit d'"un de nos anciens camps d'entraînement, qui a été évacué il y a plus d'un an" sonne comme un aveu.
3.10.03
Le Monde est la BBC française
L'un des charmes de la vie qui est la mienne, à cheval sur deux cultures, la francophone et l'anglophone, c'est l'observation des parallélismes, correspondances et simultanéités, autant sinon plus significatifs que les différences, contrastes et antagonismes.
C'est le cas aujourd'hui avec la crise que traverse, en Grande-Bretagne comme en France, l'institution phare de l'information: la BBC, opérateur audio-visuel (dont ce n'est, à vrai dire, qu'un volet), et le quotidien Le Monde. Si ce dernier est purement privé, alors que la BBC (comme France Télévisions ou la SSR en Suisse) a un statut de droit public financé principalement par une redevance, il se veut comme la BBC différent des autres, pur, "au-dessus des partis". La BBC a longtemps été reconnue comme une référence impartiale: en aucun cas la voix du gouvernement (comme l'était l'ORTF, de sorte que l'audiovisuel public français n'a jamais eu une réputation considérable), mais pas non plus, comme c'est le cas aujourd'hui sur l'Irak et l'affaire Gilligan-Kelly, son opposition officielle; la radio suisse-romande a naguère joui d'un statut comparable, par exemple au cours de la Seconde guerre mondiale.
Mais la BBC comme Le Monde ne se satisfont pas d'un tel statut: ils ne veulent pas seulement informer et analyser, ils veulent créer l'actualité par la chasse au scoop (le plus souvent une annonce anticipée) et le "journalisme d'intervention" dont le prophète est, en Suisse, un Jacques Pilet passé de la télévision à la presse écrite (L'Hebdo, Le Nouveau Quotidien qui est l'un des ascendants du Temps). Ce faisant, ils deviennent des médias comme les autres, quand ils ne se substituent pas aux partis: car le rôle de la presse doit être de tenir à l'oeil le pouvoir, pas de chercher à l'exercer.
ADJONCTION DU 4.10: Cette analogie ne veut pas dire que j'ai le même point de vue sur les deux situations. Il est absolument légitime d'exiger que l'information de la BBC se recentre sur sa mission de service public pour prix de son statut et de son mode de financement. Pour Le Monde, je ne crois pas que la crise soit si grave: le journal s'est en réalité nettement amélioré sous Colombani dans son pluralisme et sa réponse à une diversité d'attentes (et non seulement celles des étudiants et des politiciens); à l'exception des "coups" de première page, la ligne politique actuelle vaut mieux que le neutralisme du Monde de Beuve-Méry et le tiers-mondisme culpabilisé du Monde de Fauvet qui allait jusqu'aux Khmers rouges... Tant que le médiateur, Robert Solé, ne démissionne pas, il y a de l'espoir; sa dernière chronique a vigoureusement épinglé le comportement du journal dans l'affaire Allègre / Baudis.
C'est le cas aujourd'hui avec la crise que traverse, en Grande-Bretagne comme en France, l'institution phare de l'information: la BBC, opérateur audio-visuel (dont ce n'est, à vrai dire, qu'un volet), et le quotidien Le Monde. Si ce dernier est purement privé, alors que la BBC (comme France Télévisions ou la SSR en Suisse) a un statut de droit public financé principalement par une redevance, il se veut comme la BBC différent des autres, pur, "au-dessus des partis". La BBC a longtemps été reconnue comme une référence impartiale: en aucun cas la voix du gouvernement (comme l'était l'ORTF, de sorte que l'audiovisuel public français n'a jamais eu une réputation considérable), mais pas non plus, comme c'est le cas aujourd'hui sur l'Irak et l'affaire Gilligan-Kelly, son opposition officielle; la radio suisse-romande a naguère joui d'un statut comparable, par exemple au cours de la Seconde guerre mondiale.
Mais la BBC comme Le Monde ne se satisfont pas d'un tel statut: ils ne veulent pas seulement informer et analyser, ils veulent créer l'actualité par la chasse au scoop (le plus souvent une annonce anticipée) et le "journalisme d'intervention" dont le prophète est, en Suisse, un Jacques Pilet passé de la télévision à la presse écrite (L'Hebdo, Le Nouveau Quotidien qui est l'un des ascendants du Temps). Ce faisant, ils deviennent des médias comme les autres, quand ils ne se substituent pas aux partis: car le rôle de la presse doit être de tenir à l'oeil le pouvoir, pas de chercher à l'exercer.
ADJONCTION DU 4.10: Cette analogie ne veut pas dire que j'ai le même point de vue sur les deux situations. Il est absolument légitime d'exiger que l'information de la BBC se recentre sur sa mission de service public pour prix de son statut et de son mode de financement. Pour Le Monde, je ne crois pas que la crise soit si grave: le journal s'est en réalité nettement amélioré sous Colombani dans son pluralisme et sa réponse à une diversité d'attentes (et non seulement celles des étudiants et des politiciens); à l'exception des "coups" de première page, la ligne politique actuelle vaut mieux que le neutralisme du Monde de Beuve-Méry et le tiers-mondisme culpabilisé du Monde de Fauvet qui allait jusqu'aux Khmers rouges... Tant que le médiateur, Robert Solé, ne démissionne pas, il y a de l'espoir; sa dernière chronique a vigoureusement épinglé le comportement du journal dans l'affaire Allègre / Baudis.
ADM: l'intox et les faits
On nous le laissait entendre depuis quelques jours, et ce serait maintenant officiel de la bouche même de l'expert américain:
"Toujours pas d'armes de destruction massive en Irak", titre Le Temps qui affirme: "une chose est sûre, les 1200 enquêteurs demeurent bredouilles".
Le Monde est plus prudent: "Toujours pas d'ADM en Irak, mais Washington ne désespère pas":
"L'Américain David Kay, chef du groupe d'inspection en Irak (ISG) enquêtant sur les armes de destruction massive (ADM) dans ce pays, a affirmé, jeudi 2 octobre, à l'issue d'une présentation au Congrès de son premier rapport : 'Nous n'avons pas encore trouvé à ce jour d'armes de destruction massive', mais, a-t-il ajouté, 'nous avons découvert des preuves importantes de la volonté des principaux responsables irakiens de continuer à produire dans l'avenir des ADM'."
Si vous lisez l'anglais, le mieux est de se reporter au texte: le contraste est saisissant. Loin d'être un constat d'échec, il apporte des faits qui confirment la duplicité du régime de Saddam Hussein: efforts tous azimuts dans le domaine des armes de destruction massive et violation patente de la résolution 1441 du Conseil de sécurité. Plus rapide: lisez les passages significatifs du rapport sélectionnés par Andrew Sullivan.
"Toujours pas d'armes de destruction massive en Irak", titre Le Temps qui affirme: "une chose est sûre, les 1200 enquêteurs demeurent bredouilles".
Le Monde est plus prudent: "Toujours pas d'ADM en Irak, mais Washington ne désespère pas":
"L'Américain David Kay, chef du groupe d'inspection en Irak (ISG) enquêtant sur les armes de destruction massive (ADM) dans ce pays, a affirmé, jeudi 2 octobre, à l'issue d'une présentation au Congrès de son premier rapport : 'Nous n'avons pas encore trouvé à ce jour d'armes de destruction massive', mais, a-t-il ajouté, 'nous avons découvert des preuves importantes de la volonté des principaux responsables irakiens de continuer à produire dans l'avenir des ADM'."
Si vous lisez l'anglais, le mieux est de se reporter au texte: le contraste est saisissant. Loin d'être un constat d'échec, il apporte des faits qui confirment la duplicité du régime de Saddam Hussein: efforts tous azimuts dans le domaine des armes de destruction massive et violation patente de la résolution 1441 du Conseil de sécurité. Plus rapide: lisez les passages significatifs du rapport sélectionnés par Andrew Sullivan.