31.1.04
Rapport Hutton: la guerre des médias
On sait au moins depuis l'affaire du Watergate que les médias peuvent être, du moins dans les pays démocratiques, un quatrième pouvoir qui n'hésite pas à l'occasion à se confronter aux trois autres (voire, comme me le suggère un correspondant, revendique désormais le monopole de l'opinion face à la capacité de décision des trois autres pouvoirs). Mais cela se mérite et repose entièrement sur la qualité, la crédibilité du travail des journalistes. A cet égard, Gilligan est plus proche de Nixon (avec ses notes "perdues" et celles figurant sur son Palm Pilot susceptibles d'avoir été manipulées après coup, selon l'expert informatique qui a témoigné devant le juge Hutton, son obsession du "coup" que représentait son "scoop" lâché telle une grenade le jour où Tony Blair rendait visite aux troupes victorieuses en Irak) que de Woodward et Bernstein.
C'est ainsi que d'accusateur à juge, il peut arriver au pouvoir médiatique de se retrouver accusé. Dans leur regard, Lord Hutton, patricien nord-irlandais de 73 ans, a changé de rôle d'un jour à l'autre:
-- Père sévère mais juste, il était loué pour la manière impeccable avec laquelle il a présidé aux audiences publiques de son enquête, le tact qui l'a conduit à rendre une visite privée à la veuve du Dr Kelly lors de sa nomination, le sens aigu de l'aspect médiatique du dossier qu'il a manifesté en refusant que les témoins soient filmés, mais en s'y soumettant lui-même pour trois audiences solennelles, dont la lecture pleine d'autorité pendant 1h15 d'un résumé de son rapport et de ses conclusions qui fut encore saluée comme une performance -- tout en assurant de manière exemplaire la mise à disposition en temps réel sur son site de la totalité des transcriptions et documents.
-- Vieillard dépassé et conformiste, soucieux de plaire aux autorités et ignorant des réalités et contraintes médiatiques depuis que son rapport, publié, accable la BBC et donne simplement raison sur l'essentiel à Tony Blair.
Cela donne lieu à des déclarations grotesques: le directeur général de la BBC, démissionnaire, assurant que le juge Hutton a commis des erreurs de droit, le journaliste Gilligan, démissionnaire, se plaignant que ses "honest mistakes" soient chèrement payées (mais il ne ressort pas des faits qu'elles soient si honorables, et c'est toute la nature de son accusation -- qu'il maintient allègrement -- qu'il déniait au gouvernement toute bonne foi dans son traitement des informations alors fournies par les services de renseignements), et si la BBC a présenté des excuses génériques elle est toujours dans l'incapacité de comprendre quelles fautes elle a commises... La confraternité l'emportant ici sur la concurrence, elle bénéficie à de rares exceptions près du soutien des autres médias: les sondages immédiatement commandités ne portent pas sur le bien-fondé des démissions à la BBC, mais visent à suggérer un "blanchissage" du gouvernement (le correspondant du Temps parle lui carrément d'"étouffement" de l'affaire Kelly).
Comme si de rien n'était, dans Le Temps justement, Eric Hoesli persiste à parler de "mensonge" à propos des raisons de l'intervention en Irak (alors que, s'il y a du souci à se faire pour la qualité des informations fournies par les services secrets, cela ne met pas en cause l'honnêteté des autorités politiques; et cela renforce l'insécurité contre laquelle elles luttent, plutôt que de plaider pour un pseudo-pacifisme défaitiste et dénégateur!). Il est fascinant de voir comment le directeur du "quotidien édité à Genève", ancien militant de gauche, parvient à tenir une ligne réformiste voire carrément néo-libérale en politique intérieure, conforme à ce que l'on peut attendre du journal de l'establishmnent qui conserve des banquiers privés parmi ses actionnaires, et une ligne quasiment chomskyenne en politique internationale qui l'avait déjà conduit à dénoncer l'intervention internationale en Serbie avant celle en Irak. J'ai peine à comprendre cette indulgence généralisée des clercs à l'égard d'une crapule comme Chirac doublée d'une haine si féroce à l'égard d'un homme de principes comme Blair.
Loin d'être une menace pour la liberté de la presse, une attaque contre l'indépendance de la BBC, le rapport Hutton sonne comme un appel aux armes pour que ce que celle-ci se montre à nouveau digne de sa réputation, pour ne pas dire de son mythe: impartiale et crédible (ce qui ne se confond pas avec la volonté d'incarner l'opposition au pouvoir en place quel qu'il soit, ni avec le désir de créer l'événement et de tenir pour un "fait", une information pour elle-même, une "opinion personnelle" sollicitée dans des conditions douteuses, sortie de tout contexte, sur des événements remontant à 8 mois, et que le Dr Kelly n'a probablement en réalité même pas exprimée).
J'avais loué la manière dont le juge Hutton ne s'était pas senti obligé d'équilibrer artificiellement le blâme entre la BBC et le gouvernement, mais c'est au fond précisément ce qu'on lui reproche aujourd'hui... C'est comme autrefois pour les procès en matière de viol, il faudrait que la victime y soit aussi pour quelque chose, sinon c'est trop injuste d'être condamné pour un moment d'égarement. Je ne doute pas que c'est la conclusion "politiquement correcte" à laquelle serait arrivé un rapport émanant par exemple d'une commission de trois personnes, et non d'un juge unique prenant ses responsabilités face à sa conscience.
COMPLEMENT DU 01.02 A 11H30: Si vous lisez l'anglais, allez voir Norman Geras, Oliver Kamm, Black Triangle et Johann Hari, notamment.
COMPLEMENT DU 01.02 A 15H55: Et pour une perspective américaine d'un pro des médias, Jeff Jarvis, dont la lecture me remémore deux points que j'avais voulu mentionner dans le billet ci-dessus:
-- Contrairement au New York Times qui a démasqué Jayson Blair, ce journaliste qui confectionnait ses reportages sans quitter sa chambre en "pompant" l'Internet, et exposé l'ampleur de ses méfaits, la BBC souffre de la difficulté supplémentaire que ses turpitudes ont été dénoncées de l'extérieur (c'est sans doute ce qu'elle appelle d'"inadmissibles pressions"!), ce qui facilite le raidissement sur l'esprit de corps voire le pur et simple déni; mais c'est probablement que le mal est aussi plus profond et touche toute une culture journalistique: pas seulement Gilligan mais aussi John Humphrys, par exemple, le partenaire complaisant qui soi-disant interviewait Gilligan sur BBC Radio 4.
-- Je ne sais pas si un des éléments de l'affaire est, comme Jarvis l'écrit, que la BBC se reconnaît comme une partie du gouvernement et ne pouvait donc que s'y opposer (comme le NHS, la BBC est probablement une de ces vaches sacrées auxquelles il est actuellement impensable pour les Britanniques d'envisager un autre régime que l'actuel, me semble-t-il); mais je suis convaincu que le fait que le président et le directeur général (aujourd'hui démissionnaires) aient été eux-mêmes très New Labour, n'a pas seulement influencé leur subconscient, mais les a poussé très consciemment à ne pas vouloir paraître concéder un pouce à Blair et Campbell. Je crois assez aux rôles à contre-emploi: pourquoi ne pas nommer systématiquement, à la tête de la BBC, une personnalité ayant les qualités nécessaires mais issue de l'opposition? Ce serait une approche consensuelle certes plus proche de la vie politique suisse que de cette fatigante culture politique de l'antagonisme exacerbé considé comme un sport.
COMPLEMENT DU 01.02 A 21H55: Suivant l'exemple d'Oliver Kamm, je ne résiste pas au narcissime de montrer, par une récapitulation des billets des deux auteurs de ce blog sur le sujet, que pour certains le contenu du rapport Hutton n'est pas une surprise (ou s'il en est une, c'est par l'absence de calcul que dénote le fait de dire les choses telles qu'elles ont été):
06.08.03 Off the record: Kelly II
07.08.03 Disons-le crûment, comme au café du commerce
14.08.03 DéDéDé : Défense du Défonceur de Déontologie
28.08.03 Aura-t-il raison trop tard?
29.08.03 Qu'est-ce que je disais hier?
04.09.03 Affaire Gilligan - Kelly
06.09.03 David Kelly n'est pas Daniel Ellsberg
21.09.03 Les torts clairement montrés de la BBC
25.09.03 Affaire Gilligan - Kelly
25.09.03 Dans révision, il y a rêve et vision
28.09.03 Qui a gonflé le dossier: démonstration logique du Sunday Telegraph
03.10.03 Le Monde est la BBC française
25.01.04 Armes de destructions massives en Irak (et Hutton J - 3)
28.01.04 Le juge Hutton met les pendules à l'heure
30.01.04 Solitude idéologique
C'est ainsi que d'accusateur à juge, il peut arriver au pouvoir médiatique de se retrouver accusé. Dans leur regard, Lord Hutton, patricien nord-irlandais de 73 ans, a changé de rôle d'un jour à l'autre:
-- Père sévère mais juste, il était loué pour la manière impeccable avec laquelle il a présidé aux audiences publiques de son enquête, le tact qui l'a conduit à rendre une visite privée à la veuve du Dr Kelly lors de sa nomination, le sens aigu de l'aspect médiatique du dossier qu'il a manifesté en refusant que les témoins soient filmés, mais en s'y soumettant lui-même pour trois audiences solennelles, dont la lecture pleine d'autorité pendant 1h15 d'un résumé de son rapport et de ses conclusions qui fut encore saluée comme une performance -- tout en assurant de manière exemplaire la mise à disposition en temps réel sur son site de la totalité des transcriptions et documents.
-- Vieillard dépassé et conformiste, soucieux de plaire aux autorités et ignorant des réalités et contraintes médiatiques depuis que son rapport, publié, accable la BBC et donne simplement raison sur l'essentiel à Tony Blair.
Cela donne lieu à des déclarations grotesques: le directeur général de la BBC, démissionnaire, assurant que le juge Hutton a commis des erreurs de droit, le journaliste Gilligan, démissionnaire, se plaignant que ses "honest mistakes" soient chèrement payées (mais il ne ressort pas des faits qu'elles soient si honorables, et c'est toute la nature de son accusation -- qu'il maintient allègrement -- qu'il déniait au gouvernement toute bonne foi dans son traitement des informations alors fournies par les services de renseignements), et si la BBC a présenté des excuses génériques elle est toujours dans l'incapacité de comprendre quelles fautes elle a commises... La confraternité l'emportant ici sur la concurrence, elle bénéficie à de rares exceptions près du soutien des autres médias: les sondages immédiatement commandités ne portent pas sur le bien-fondé des démissions à la BBC, mais visent à suggérer un "blanchissage" du gouvernement (le correspondant du Temps parle lui carrément d'"étouffement" de l'affaire Kelly).
Comme si de rien n'était, dans Le Temps justement, Eric Hoesli persiste à parler de "mensonge" à propos des raisons de l'intervention en Irak (alors que, s'il y a du souci à se faire pour la qualité des informations fournies par les services secrets, cela ne met pas en cause l'honnêteté des autorités politiques; et cela renforce l'insécurité contre laquelle elles luttent, plutôt que de plaider pour un pseudo-pacifisme défaitiste et dénégateur!). Il est fascinant de voir comment le directeur du "quotidien édité à Genève", ancien militant de gauche, parvient à tenir une ligne réformiste voire carrément néo-libérale en politique intérieure, conforme à ce que l'on peut attendre du journal de l'establishmnent qui conserve des banquiers privés parmi ses actionnaires, et une ligne quasiment chomskyenne en politique internationale qui l'avait déjà conduit à dénoncer l'intervention internationale en Serbie avant celle en Irak. J'ai peine à comprendre cette indulgence généralisée des clercs à l'égard d'une crapule comme Chirac doublée d'une haine si féroce à l'égard d'un homme de principes comme Blair.
Loin d'être une menace pour la liberté de la presse, une attaque contre l'indépendance de la BBC, le rapport Hutton sonne comme un appel aux armes pour que ce que celle-ci se montre à nouveau digne de sa réputation, pour ne pas dire de son mythe: impartiale et crédible (ce qui ne se confond pas avec la volonté d'incarner l'opposition au pouvoir en place quel qu'il soit, ni avec le désir de créer l'événement et de tenir pour un "fait", une information pour elle-même, une "opinion personnelle" sollicitée dans des conditions douteuses, sortie de tout contexte, sur des événements remontant à 8 mois, et que le Dr Kelly n'a probablement en réalité même pas exprimée).
J'avais loué la manière dont le juge Hutton ne s'était pas senti obligé d'équilibrer artificiellement le blâme entre la BBC et le gouvernement, mais c'est au fond précisément ce qu'on lui reproche aujourd'hui... C'est comme autrefois pour les procès en matière de viol, il faudrait que la victime y soit aussi pour quelque chose, sinon c'est trop injuste d'être condamné pour un moment d'égarement. Je ne doute pas que c'est la conclusion "politiquement correcte" à laquelle serait arrivé un rapport émanant par exemple d'une commission de trois personnes, et non d'un juge unique prenant ses responsabilités face à sa conscience.
COMPLEMENT DU 01.02 A 11H30: Si vous lisez l'anglais, allez voir Norman Geras, Oliver Kamm, Black Triangle et Johann Hari, notamment.
COMPLEMENT DU 01.02 A 15H55: Et pour une perspective américaine d'un pro des médias, Jeff Jarvis, dont la lecture me remémore deux points que j'avais voulu mentionner dans le billet ci-dessus:
-- Contrairement au New York Times qui a démasqué Jayson Blair, ce journaliste qui confectionnait ses reportages sans quitter sa chambre en "pompant" l'Internet, et exposé l'ampleur de ses méfaits, la BBC souffre de la difficulté supplémentaire que ses turpitudes ont été dénoncées de l'extérieur (c'est sans doute ce qu'elle appelle d'"inadmissibles pressions"!), ce qui facilite le raidissement sur l'esprit de corps voire le pur et simple déni; mais c'est probablement que le mal est aussi plus profond et touche toute une culture journalistique: pas seulement Gilligan mais aussi John Humphrys, par exemple, le partenaire complaisant qui soi-disant interviewait Gilligan sur BBC Radio 4.
-- Je ne sais pas si un des éléments de l'affaire est, comme Jarvis l'écrit, que la BBC se reconnaît comme une partie du gouvernement et ne pouvait donc que s'y opposer (comme le NHS, la BBC est probablement une de ces vaches sacrées auxquelles il est actuellement impensable pour les Britanniques d'envisager un autre régime que l'actuel, me semble-t-il); mais je suis convaincu que le fait que le président et le directeur général (aujourd'hui démissionnaires) aient été eux-mêmes très New Labour, n'a pas seulement influencé leur subconscient, mais les a poussé très consciemment à ne pas vouloir paraître concéder un pouce à Blair et Campbell. Je crois assez aux rôles à contre-emploi: pourquoi ne pas nommer systématiquement, à la tête de la BBC, une personnalité ayant les qualités nécessaires mais issue de l'opposition? Ce serait une approche consensuelle certes plus proche de la vie politique suisse que de cette fatigante culture politique de l'antagonisme exacerbé considé comme un sport.
COMPLEMENT DU 01.02 A 21H55: Suivant l'exemple d'Oliver Kamm, je ne résiste pas au narcissime de montrer, par une récapitulation des billets des deux auteurs de ce blog sur le sujet, que pour certains le contenu du rapport Hutton n'est pas une surprise (ou s'il en est une, c'est par l'absence de calcul que dénote le fait de dire les choses telles qu'elles ont été):
06.08.03 Off the record: Kelly II
07.08.03 Disons-le crûment, comme au café du commerce
14.08.03 DéDéDé : Défense du Défonceur de Déontologie
28.08.03 Aura-t-il raison trop tard?
29.08.03 Qu'est-ce que je disais hier?
04.09.03 Affaire Gilligan - Kelly
06.09.03 David Kelly n'est pas Daniel Ellsberg
21.09.03 Les torts clairement montrés de la BBC
25.09.03 Affaire Gilligan - Kelly
25.09.03 Dans révision, il y a rêve et vision
28.09.03 Qui a gonflé le dossier: démonstration logique du Sunday Telegraph
03.10.03 Le Monde est la BBC française
25.01.04 Armes de destructions massives en Irak (et Hutton J - 3)
28.01.04 Le juge Hutton met les pendules à l'heure
30.01.04 Solitude idéologique
28.1.04
Pétrole de Saddam: qui sont les 11 Suisses?!
L'ensemble des médias suisses a repris l'information publiée à Bagdad sur les personnalités internationales qui auraient bénéficié de pots-de-pétrole de la part de Saddam. Ils évoquent également la présence dans cette liste, rapportée par l'agence italienne Ansa, de 11 Suisses. On espère qu'ils vont investiguer?
Le juge Hutton met les pendules à l'heure
Frustration! Je suis à Genève depuis lundi, occupé de rendez-vous en séances. J'ai donc raté à la fois le débat sur les taxes universitaires hier aux Communes, où le projet du gouvernement l'a emporté par 5 voix (79 travaillistes ont voté avec l'opposition, 19 autres se sont abstenus; à lire une certaine presse, et davantage encore s'ils avaient été 6 de plus, eux seuls peuvent être crédités de préoccupations honorables, de scrupules conformes à une politique de gauche -- les autres députés travaillistes, qui sont 314, ne sont bien sûr que des opportunistes), et surtout la présentation aujourd'hui de son rapport par Lord Hutton, suivi d'un premier débat aux Communes (il y en aura un second la semaine prochaine).
Je le regrette d'autant plus que le rapport de Lord Hutton est vraiment remarquable: il ne cherche pas à ménager les uns ou les autres, ni à l'inverse à blâmer tout le monde, et ne tombe enfin pas non plus dans le travers si courant de chercher un coupable extérieur à tout événement regrettable.
-- Qui a tué le Dr David Kelly? Lui-même, nul ne l'y a poussé n'y ne pouvait se douter qu'il en viendrait là.
-- Le reportage d'Andrew Gilligan fondé sur ses confidences était-il honnête? Non. Et le rapport est très critique sur la manière dont les organes de la BBC n'ont pas su jouer leur rôle, en refusant d'investiguer sur la plainte du gouvernement à l'égard de ce reportage.
-- Le gouvernement a-t-il menti en évoquant la menace d'armes de destruction massive susceptibles d'être activées en 45 minutes? Non, il a agi de bonne foi sur la base des informations disponibles alors.
COMPLEMENT DE 23H30: J'ai apporté différentes modifications et adjonctions au billet d'origine. Et je m'aperçois en lisant Norman Geras que j'ai également raté un rassemblement londonien de blogeurs qui m'aurait permis de recontrer de manière moins virtuelle Norman, peut-être Oliver Kamm ou d'autres! Je me console en me disant que, contrairement à la soirée dans un pub qui m'avait permis de faire la connaissance de Harry, Stephen, Jackie, Anthony ou Peter, il s'agissait d'un événement officiel au Parlement auquel je n'aurais probablement pas été admis...
Je le regrette d'autant plus que le rapport de Lord Hutton est vraiment remarquable: il ne cherche pas à ménager les uns ou les autres, ni à l'inverse à blâmer tout le monde, et ne tombe enfin pas non plus dans le travers si courant de chercher un coupable extérieur à tout événement regrettable.
-- Qui a tué le Dr David Kelly? Lui-même, nul ne l'y a poussé n'y ne pouvait se douter qu'il en viendrait là.
-- Le reportage d'Andrew Gilligan fondé sur ses confidences était-il honnête? Non. Et le rapport est très critique sur la manière dont les organes de la BBC n'ont pas su jouer leur rôle, en refusant d'investiguer sur la plainte du gouvernement à l'égard de ce reportage.
-- Le gouvernement a-t-il menti en évoquant la menace d'armes de destruction massive susceptibles d'être activées en 45 minutes? Non, il a agi de bonne foi sur la base des informations disponibles alors.
COMPLEMENT DE 23H30: J'ai apporté différentes modifications et adjonctions au billet d'origine. Et je m'aperçois en lisant Norman Geras que j'ai également raté un rassemblement londonien de blogeurs qui m'aurait permis de recontrer de manière moins virtuelle Norman, peut-être Oliver Kamm ou d'autres! Je me console en me disant que, contrairement à la soirée dans un pub qui m'avait permis de faire la connaissance de Harry, Stephen, Jackie, Anthony ou Peter, il s'agissait d'un événement officiel au Parlement auquel je n'aurais probablement pas été admis...
27.1.04
Tout ce que vous ne lirez pas ailleurs sur la situation en Irak
Une fois encore, l'irremplaçable analyste militaire suisse Ludovic Monnerat livre sur le site CheckPoint une analyse fouillée et documentée de la situation des forces de la Coalition et de la réalité de la reconstruction de l'Irak. A lire de bout en bout.
25.1.04
Armes de destructions massives en Irak (et Hutton J - 3)
Manchette du Monde d'aujourd'hui, à la suite de la démission de David Kay, chef des inspecteurs de la coalition:
"Irak: il n'y avait pas d'armes de destruction massive"
A la suite, un bouquet d'articles illustrant le sens du mot Schadenfreude.
Il serait plus exacte de dire qu'il n'y en avait plus! Seule une intéressante combinaison d'amnésie, de false memory syndrom et d'autosuggestion politiquement orientée nourrit ce révisionnisme qui voudrait que Bush et Blair aient inventé la menace des armes de destruction massive afin de pouvoir monter une intervention en Irak (ils allaient la nuit modifier les données de leurs services de renseignement, sans doute?).
C'est en effet oublier qu'elles ont été utilisées à plusieurs reprises par Saddam Hussein, et que l'effort pour les développer n'a jamais cessé. C'est oublier aussi qu'avant la résolution 1441, leur existence était tenue pour certaine par tous, de Jacques Chirac à Hans Blix, et que l'attitude du régime à l'égard des inspections de l'ONU n'avait rigoureusement rien à voir avec, par exemple, celle de la Lybie aujourd'hui.
Alors qu'en est-il? La discordance entre l'état réel de la menace et sa réalité est-elle à chercher dans une conjonction d'intox entre les services irakiens (vis-à-vis de Saddam Hussein), Saddam (vis-à-vis de l'extérieur) et les services de renseignement occidentaux (vis-à-vis des autorités)? Ou faut-il chercher ailleurs (en Syrie, comme le déclare aujourd'hui... David Kay au Sunday Telegraph [gratuit, mais il faut s'enregistrer])? Mais on ne saurait repprocher à aux leaders de la coalition d'avoir pris leurs responsabilités sur la base des informations dont ils disposaient -- sans oublier que ce volet n'était pas le seul, comme on veut nous le faire croire.
En Grande-Bretagne, en tout cas, l'attente de la publication, mercredi, du rapport de Lord Hutton sur "les circonstances ayant entouré la mort du Dr David Kelly" donne lieu à un crescendo hystérique:
- Mercredi 21, Panorama a apparemment (j'étais à Genève...) présenté sur la BBC une émission particulièrement embarrassante pour cette dernière, notamment Andrew Gilligan (qui a qualifié l'émission de "saloperie") et sa hiérarchie, avec une interview inédite du Dr Kelly affirmant sa conviction de la réalité d'une menace chimique et bactériologique irakienne. Au moins l'honneur de la BBC est sauf si quelques têtes roulent en fin de semaine...
- Je viens d'éclater de rire en voyant la manchette d'un tabloïd du dimanche: "Ce n'était pas un suicide", selon la "très belle" traductrice de l'armée américaine qui était la "confidente" du Dr Kelly, sa "plus proche amie". Diana, David Kelly, même combat!
Le rapport ayant été envoyé à l'imprimerie lundi 19 pour être remis au gouvernement mardi 27 (et à l'opposition 6 heures avant la déclaration gouvernementale inscrite à l'ordre du jour de la Chambre des Communes mercredi en milieu de journée, prélude à un débat complet la semaine suivante), chacun s'ingénie à tourner en bourrique le pauvre Lord Hutton...
"Irak: il n'y avait pas d'armes de destruction massive"
A la suite, un bouquet d'articles illustrant le sens du mot Schadenfreude.
Il serait plus exacte de dire qu'il n'y en avait plus! Seule une intéressante combinaison d'amnésie, de false memory syndrom et d'autosuggestion politiquement orientée nourrit ce révisionnisme qui voudrait que Bush et Blair aient inventé la menace des armes de destruction massive afin de pouvoir monter une intervention en Irak (ils allaient la nuit modifier les données de leurs services de renseignement, sans doute?).
C'est en effet oublier qu'elles ont été utilisées à plusieurs reprises par Saddam Hussein, et que l'effort pour les développer n'a jamais cessé. C'est oublier aussi qu'avant la résolution 1441, leur existence était tenue pour certaine par tous, de Jacques Chirac à Hans Blix, et que l'attitude du régime à l'égard des inspections de l'ONU n'avait rigoureusement rien à voir avec, par exemple, celle de la Lybie aujourd'hui.
Alors qu'en est-il? La discordance entre l'état réel de la menace et sa réalité est-elle à chercher dans une conjonction d'intox entre les services irakiens (vis-à-vis de Saddam Hussein), Saddam (vis-à-vis de l'extérieur) et les services de renseignement occidentaux (vis-à-vis des autorités)? Ou faut-il chercher ailleurs (en Syrie, comme le déclare aujourd'hui... David Kay au Sunday Telegraph [gratuit, mais il faut s'enregistrer])? Mais on ne saurait repprocher à aux leaders de la coalition d'avoir pris leurs responsabilités sur la base des informations dont ils disposaient -- sans oublier que ce volet n'était pas le seul, comme on veut nous le faire croire.
En Grande-Bretagne, en tout cas, l'attente de la publication, mercredi, du rapport de Lord Hutton sur "les circonstances ayant entouré la mort du Dr David Kelly" donne lieu à un crescendo hystérique:
- Mercredi 21, Panorama a apparemment (j'étais à Genève...) présenté sur la BBC une émission particulièrement embarrassante pour cette dernière, notamment Andrew Gilligan (qui a qualifié l'émission de "saloperie") et sa hiérarchie, avec une interview inédite du Dr Kelly affirmant sa conviction de la réalité d'une menace chimique et bactériologique irakienne. Au moins l'honneur de la BBC est sauf si quelques têtes roulent en fin de semaine...
- Je viens d'éclater de rire en voyant la manchette d'un tabloïd du dimanche: "Ce n'était pas un suicide", selon la "très belle" traductrice de l'armée américaine qui était la "confidente" du Dr Kelly, sa "plus proche amie". Diana, David Kelly, même combat!
Le rapport ayant été envoyé à l'imprimerie lundi 19 pour être remis au gouvernement mardi 27 (et à l'opposition 6 heures avant la déclaration gouvernementale inscrite à l'ordre du jour de la Chambre des Communes mercredi en milieu de journée, prélude à un débat complet la semaine suivante), chacun s'ingénie à tourner en bourrique le pauvre Lord Hutton...
Bloguer peut nuire à la santé
J'étais conscient -- et donc dûment culpabilisé -- du fait que je n'étais pas retourné chez Kieser Training (la chaîne suisse de fitness qui a le bon goût d'avoir une succursale londonienne utilisable avec le même abonnement) depuis longtemps; en anglais j'aurais dit: a couple of months.
Mais là j'ai quand même eu un choc: la dernière fois c'était le 17 août! Cela correspond très précisément à la période de lancement de ce blog. Après, il y a eu 15 jours de vacances et, au retour, une routine de surfer sur les blogs et alimenter Un swissroll s'est substituée à la piscine et à l'entraînement musculaire...
Ecrit sur mon Tréo 600 au niveau supérieur d'un bus londonien sur le chemin du retour (pour la reprise j'ai renoncé au vélo malgré le beau soleil: c'est quand même à 35 minutes de chez moi). Trop de cahots pour utiliser l'excellent Graffiti Anywhere qui pallie un défaut criant du Tréo 600 de base, ce qui me permet de vérifier que le clavier est vraiment très pratique, mais quand même plus lent.
Mais là j'ai quand même eu un choc: la dernière fois c'était le 17 août! Cela correspond très précisément à la période de lancement de ce blog. Après, il y a eu 15 jours de vacances et, au retour, une routine de surfer sur les blogs et alimenter Un swissroll s'est substituée à la piscine et à l'entraînement musculaire...
Ecrit sur mon Tréo 600 au niveau supérieur d'un bus londonien sur le chemin du retour (pour la reprise j'ai renoncé au vélo malgré le beau soleil: c'est quand même à 35 minutes de chez moi). Trop de cahots pour utiliser l'excellent Graffiti Anywhere qui pallie un défaut criant du Tréo 600 de base, ce qui me permet de vérifier que le clavier est vraiment très pratique, mais quand même plus lent.
24.1.04
Commentaires.com new look
Et malheureusement c'est seulement cela!
Lorsque Philippe Barraud a ouvert son site (qu'il aurait aussi bien pu appeler Phillippiques, je trouve...), il était un peu un pionnier. Ca sentait le bricolage, avec ces cadres détestables (le lien vers un article ne permettait pas de revenir à la page d'accueil du site, sinon par la ligne d'adresse du navigateur), des icônes un peu puériles et une mise à jour hebdomadaire. Mais c'était de la polémique online et c'était nouveau (Domaine Public n'a pas manqué de le signaler).
Lorsqu'il a annoncé une transformation de son site à la fin de l'an dernier, j'ai espéré que Barraud allait cette fois se doter d'un vrai blog (et pour plus de sûreté je lui ai écrit dans ce sens, car même si nous ne sommes pas du même bord nous avons un intérêt commun au développement de ce nouveau média). Déception.
L'interactivité se limite à la possibilité d'ajouter des commentaires à ses articles; c'est au moins cela mais en réalité ce n'est une condition ni nécessaire ni suffisante. Le vrai problème, c'est que Barraud continue de se croire seul au monde (c'est la posture du prêcheur dans le désert qui prétend incarner la majorité silencieuse): aucune page de liens (ses articles n'en contiennent d'ailleurs jamais: il a compris qu'il faut passer de la plume au clavier et du papier à l'écran, mais pas vraiment la mutation que représente le web), et les lecteurs non plus ne ne sont pas encouragés à laisser leur adresse électronique ou la référence de leur site.
A part çà (et même si je ne suis pas convaincu que la navigation gagne vraiment à devoir changer de page plutôt que de descendre dans l'écran: encore une transposition malheureuse du papier!), le nouveau look est joli, clair, propre...
Lorsque Philippe Barraud a ouvert son site (qu'il aurait aussi bien pu appeler Phillippiques, je trouve...), il était un peu un pionnier. Ca sentait le bricolage, avec ces cadres détestables (le lien vers un article ne permettait pas de revenir à la page d'accueil du site, sinon par la ligne d'adresse du navigateur), des icônes un peu puériles et une mise à jour hebdomadaire. Mais c'était de la polémique online et c'était nouveau (Domaine Public n'a pas manqué de le signaler).
Lorsqu'il a annoncé une transformation de son site à la fin de l'an dernier, j'ai espéré que Barraud allait cette fois se doter d'un vrai blog (et pour plus de sûreté je lui ai écrit dans ce sens, car même si nous ne sommes pas du même bord nous avons un intérêt commun au développement de ce nouveau média). Déception.
L'interactivité se limite à la possibilité d'ajouter des commentaires à ses articles; c'est au moins cela mais en réalité ce n'est une condition ni nécessaire ni suffisante. Le vrai problème, c'est que Barraud continue de se croire seul au monde (c'est la posture du prêcheur dans le désert qui prétend incarner la majorité silencieuse): aucune page de liens (ses articles n'en contiennent d'ailleurs jamais: il a compris qu'il faut passer de la plume au clavier et du papier à l'écran, mais pas vraiment la mutation que représente le web), et les lecteurs non plus ne ne sont pas encouragés à laisser leur adresse électronique ou la référence de leur site.
A part çà (et même si je ne suis pas convaincu que la navigation gagne vraiment à devoir changer de page plutôt que de descendre dans l'écran: encore une transposition malheureuse du papier!), le nouveau look est joli, clair, propre...
23.1.04
Université: les top up fees arrivent en Suisse
En Grande-Bretagne le débat fait rage depuis des semaines et devrait trouver une conclusion mardi lors d'un vote de la Chambre des Communes: face aux besoins de ressources supplémentaires des universités, faut-il faire payer davantage les bénéficiaires d'études supérieures, et comment?
Selon un schéma dont les travaillistes australiens ont été les précurseurs, le gouvernement Blair propose d'autoriser les Unis qui le souhaitent à porter à 3000£ par an le coût des études... sans que les étudiants aient à sortir un sou de leur poche (les droits d'inscription actuels seraient même abolis). Le paiement est différé, sans intérêt, et interviendrait seulement une fois que l'universitaire frais émoulu retire le bénéfice sonnant et trébuchant de sa formation, sous la forme d'une modeste taxe additionnelle (et la "dette" est en tout cas éteinte après 25 ans). Le dispositif est complété par des bourses et autres mesures actives pour favoriser l'accès des bacheliers de milieux défavorisés.
La justification de gauche est en béton: pourquoi l'impôt, payé par tous, devrait-il financer encore davantage ce qui profite à des personnes provenant pour la plupart de milieux favorisés et qui, surtout, en retireront un profit financier personnel? Mais au nombre des réflexes de gauche la défense irréfléchie de tout ce qui relève de l'éducation est solidement installée, d'où la révolte d'un certain nombre de députés travaillistes traditionnalistes ou simplement anti-Blair.
Et maintenant le débat arrive en Suisse! Pas vraiment sous les meilleurs auspices en termes de marketing politique, puisqu'il est porté par les milieux patronaux... Le Temps a publié mercredi un grand dossier (mais l'accès aux articles est payant): la palme du poncif revient au recteur de droite humaniste paternaliste de l'Université de Lausanne qui déclare: "On écarterait les personnes de milieux modestes". Et Charles Kleiber, fringant secrétaire d'Etat à la recherche, ex-trotskyste pionnier subtil de la nouvelle gestion publique, part courageusement en campagne et donne une interview au Matin d'aujourd'hui.
En Suisse comme en Grande-Bretagne (où leur leader est le fils de Jack Straw, ministre des affaires étrangères), les étudiants protestent et la classe moyenne pleurniche. C'est compréhensible, et en même temps indécent.
Selon un schéma dont les travaillistes australiens ont été les précurseurs, le gouvernement Blair propose d'autoriser les Unis qui le souhaitent à porter à 3000£ par an le coût des études... sans que les étudiants aient à sortir un sou de leur poche (les droits d'inscription actuels seraient même abolis). Le paiement est différé, sans intérêt, et interviendrait seulement une fois que l'universitaire frais émoulu retire le bénéfice sonnant et trébuchant de sa formation, sous la forme d'une modeste taxe additionnelle (et la "dette" est en tout cas éteinte après 25 ans). Le dispositif est complété par des bourses et autres mesures actives pour favoriser l'accès des bacheliers de milieux défavorisés.
La justification de gauche est en béton: pourquoi l'impôt, payé par tous, devrait-il financer encore davantage ce qui profite à des personnes provenant pour la plupart de milieux favorisés et qui, surtout, en retireront un profit financier personnel? Mais au nombre des réflexes de gauche la défense irréfléchie de tout ce qui relève de l'éducation est solidement installée, d'où la révolte d'un certain nombre de députés travaillistes traditionnalistes ou simplement anti-Blair.
Et maintenant le débat arrive en Suisse! Pas vraiment sous les meilleurs auspices en termes de marketing politique, puisqu'il est porté par les milieux patronaux... Le Temps a publié mercredi un grand dossier (mais l'accès aux articles est payant): la palme du poncif revient au recteur de droite humaniste paternaliste de l'Université de Lausanne qui déclare: "On écarterait les personnes de milieux modestes". Et Charles Kleiber, fringant secrétaire d'Etat à la recherche, ex-trotskyste pionnier subtil de la nouvelle gestion publique, part courageusement en campagne et donne une interview au Matin d'aujourd'hui.
En Suisse comme en Grande-Bretagne (où leur leader est le fils de Jack Straw, ministre des affaires étrangères), les étudiants protestent et la classe moyenne pleurniche. C'est compréhensible, et en même temps indécent.
22.1.04
Atkins c'est Agatha Christie
Stephen Pollard, qui s'en fait un ardent disciple sur son blog (en anglais), doit exulter: sur BBC2, l'émission scientifique Horizon vient de justifier pourquoi, alors qu'il est contraire à tout bon sens (pas d'hydrates de carbone, mais autant de graisse et de protéines que l'on veut, sans souci de compter les calories), le régime du Dr Atkins marche.
Dans ce style des émissions magazine de la BBC que j'aime bien, c'était construit de manière haletante et les auteurs n'ont pas lésiné sur les images bizarres (déformées ou franchement imaginaires). On soufflait le chaud et le froid: perd-on du poids? oui; est-ce dangereux pour le coeur? ça devrait... mais apparemment non. Où les calories disparaissent-elles (afin de ne pas violer la seconde loi de la thermodynamique, je vous prie): dans le métabolisme, parce que graisse et protéines seraient plus complexes à digérer que les hydrates de carbones? non; dans les WC? non plus (le seul élément négatif que j'ai retenu de l'émission est que le régime Atkins donne une mauvaise haleine, tout de même). Tout cela appuyé sur d'invraisemblables études (depuis les jumeaux soumis à deux régimes différents dans des caissons étanches, pour tout mesurer, jusqu'à des études d'une durée certaine sur une cohorte nombreuse).
L'explication ressemble à du Agatha Christie: en réalité le bijou n'avait jamais été volé. En l'occurrence: les pratiquants du régime Atkins consomment moins de calories (comme ceux qui ne mangent que du concombre et du cottage cheese light), et pas davantage. Et cela non parce qu'ils sont dégoûtés de manger le fromage sans pain et sont privés de pâtes, comme je l'imaginais... Mais parce que les protéines sont semble-t-il l'élément décisif pour donner un sentiment de satiété (et c'est cela qui pêche dans les autres régimes à basses calories).
Fascinant aussi de voir comme une certaine opposition au régime Atkins semblait ancrée avant tout dans une position moralisatrice: c'est glouton et malsain, donc ça ne peut pas marcher! Mais en l'occurrence Atkins est mort, l'an dernier, apparemment sans savoir lui-même comment son régime fonctionnait (ses "explications" sont celles qui ont été infirmées par les études scientifiques, et celle prouvant qu'un régime à haute teneur en protéines amène à consommer moins de calories lui est postérieure).
Dans ce style des émissions magazine de la BBC que j'aime bien, c'était construit de manière haletante et les auteurs n'ont pas lésiné sur les images bizarres (déformées ou franchement imaginaires). On soufflait le chaud et le froid: perd-on du poids? oui; est-ce dangereux pour le coeur? ça devrait... mais apparemment non. Où les calories disparaissent-elles (afin de ne pas violer la seconde loi de la thermodynamique, je vous prie): dans le métabolisme, parce que graisse et protéines seraient plus complexes à digérer que les hydrates de carbones? non; dans les WC? non plus (le seul élément négatif que j'ai retenu de l'émission est que le régime Atkins donne une mauvaise haleine, tout de même). Tout cela appuyé sur d'invraisemblables études (depuis les jumeaux soumis à deux régimes différents dans des caissons étanches, pour tout mesurer, jusqu'à des études d'une durée certaine sur une cohorte nombreuse).
L'explication ressemble à du Agatha Christie: en réalité le bijou n'avait jamais été volé. En l'occurrence: les pratiquants du régime Atkins consomment moins de calories (comme ceux qui ne mangent que du concombre et du cottage cheese light), et pas davantage. Et cela non parce qu'ils sont dégoûtés de manger le fromage sans pain et sont privés de pâtes, comme je l'imaginais... Mais parce que les protéines sont semble-t-il l'élément décisif pour donner un sentiment de satiété (et c'est cela qui pêche dans les autres régimes à basses calories).
Fascinant aussi de voir comme une certaine opposition au régime Atkins semblait ancrée avant tout dans une position moralisatrice: c'est glouton et malsain, donc ça ne peut pas marcher! Mais en l'occurrence Atkins est mort, l'an dernier, apparemment sans savoir lui-même comment son régime fonctionnait (ses "explications" sont celles qui ont été infirmées par les études scientifiques, et celle prouvant qu'un régime à haute teneur en protéines amène à consommer moins de calories lui est postérieure).
La gloire!
Après avoir eu l'honneur de voir un billet repris dans la chronique de Joëlle Kuntz dans Le Temps, je reçois une invitation d'une journaliste de la télévision romande qui me dit avoir suivi ce blog avec attention ces derniers temps, et vouloir nous filmer... Je ne pense pas que ça va marcher pour Guillaume ou moi, malheureusement, mais nous vous tiendrons informé-e-s!
Palmblog
Les trois billets précédents ont été écrit sur mon agenda électronique / téléphone mobile / caméra Tréo 600 (Palm), dans l'avion et le bus de mon retour à Londres. Le contenu est ensuite transféré sur mon ordinateur et copié / collé dans le blog... Cela demande un peu d'édition complémentaire, mais de toute façon je fignole toujours pas mal mes textes immédiatement après la première publication (et parfois même longtemps après, si à la relecture je veux remplacer tel mot par un autre que je trouve sur l'instant plus juste -- c'est une des supériorités du blog sur d'autres formes de publications). Et tant que je n'inverse pas le sens de mon propos, je n'ai pas d'état d'âme par rapport aux lecteurs et lectrices...
Du voile au délire
Selon un schéma classique en politique française, le débat sur l'interdiction du voile vire au psychodrame surréaliste (cf. les manifs éplorées des abstentionnistes du 21 avril lorsque Le Pen s'est retrouvé face à Chirac au deuxième tour).
Il faut le New York Times pour découvrir qu'il y a en France quelques milliers de Sikhs enturbannés (mâles, et ça n'a pas l'air d'être un signe d'oppression ou d'agression). L'info revient aux Français via l'excellente revue hebdomadaire en v.o. du NYT publiée avec Le Monde du week-end. Pathétiques réponses courroucées des responsables du dossier, qui l'ignoraient comme vous et moi...
Cela ne ralentit nullement la surenchère. Des voix, particulièrement à gauche, réclament l'extension du religieux au politique de l'interdiction du port de tout signe ostensible (ou est-ce du port ostensible de tout signe?). Ah oui? Interdit de manifester une quelconque émotion collective (qu'elle soit niaise ou trotskyste)? Plus de petite main "Touche pas à mon pote?", peut-être plus de ruban rouge solidarité sida le 1er décembre? Et bien sûr pas question d'introduire en France la Journée du coming out (en Suisse c'est le 10 octobre) où l'on pourrait porter un ruban rose... De Luc Ferry qui fait métier, comme philosophe, de dénoncer l'héritage de Mai 68, passe encore, mais de socialistes!
Ferry déclare par ailleurs: "dès lors que le port de la barbe serait transformé en signe religieux, ça tomberait sous le coup de la loi" (Le Monde). Et on fera quoi quand il en ira, simultanément, de même de l'allure propre sur soi, rasé de frais? Les Mormons, il me semble...
L'idéal laïque et républicain, c'est apparemment la caserne où l'on cherche à briser le conscrit, l'anonymiser, le dépersonnaliser pour en faire un instrument discipliné. L'autre image qui vient à l'esprit c'est évidemment celle du couvent...
Il faut le New York Times pour découvrir qu'il y a en France quelques milliers de Sikhs enturbannés (mâles, et ça n'a pas l'air d'être un signe d'oppression ou d'agression). L'info revient aux Français via l'excellente revue hebdomadaire en v.o. du NYT publiée avec Le Monde du week-end. Pathétiques réponses courroucées des responsables du dossier, qui l'ignoraient comme vous et moi...
Cela ne ralentit nullement la surenchère. Des voix, particulièrement à gauche, réclament l'extension du religieux au politique de l'interdiction du port de tout signe ostensible (ou est-ce du port ostensible de tout signe?). Ah oui? Interdit de manifester une quelconque émotion collective (qu'elle soit niaise ou trotskyste)? Plus de petite main "Touche pas à mon pote?", peut-être plus de ruban rouge solidarité sida le 1er décembre? Et bien sûr pas question d'introduire en France la Journée du coming out (en Suisse c'est le 10 octobre) où l'on pourrait porter un ruban rose... De Luc Ferry qui fait métier, comme philosophe, de dénoncer l'héritage de Mai 68, passe encore, mais de socialistes!
Ferry déclare par ailleurs: "dès lors que le port de la barbe serait transformé en signe religieux, ça tomberait sous le coup de la loi" (Le Monde). Et on fera quoi quand il en ira, simultanément, de même de l'allure propre sur soi, rasé de frais? Les Mormons, il me semble...
L'idéal laïque et républicain, c'est apparemment la caserne où l'on cherche à briser le conscrit, l'anonymiser, le dépersonnaliser pour en faire un instrument discipliné. L'autre image qui vient à l'esprit c'est évidemment celle du couvent...
UE: groupe pionnier... pour traîner les pieds
Intéressante statistique dans Le Monde d'aujourd'hui sur le déficit dans la transposition en droit interne des lois européennes (directives, en jargon): le quarté des plus négligents est composé de la Belgique, de la France, de l'Allemagne et du Luxembourg. Bref le noyau dur qui menace d'aller de l'avant sans attendre à la conquête de l'Europe-puissance... Cette statistique concerne le marché intérieur: ce n'est probablement pas aussi bandant!
Tromperie sur la marchandise au Temps
Belle photo en première page, aujourd'hui, sous le titre: Clinton illumine Davos avec en légende:
"L’ancien président américain exige une 'meilleure globalisation', pour faire face aux problèmes mondiaux. Dans un discours brillant prononcé au premier jour du World Economic Forum (WEF), Bill Clinton a renvoyé dos à dos le WEF et les altermondialistes. P. 2, 5 et 20."
Mais à ces pages il n'y a pas une ligne sur les propos de Clinton. Heureusement, on en trouve un peu plus sur le site du World Economic Forum.
"L’ancien président américain exige une 'meilleure globalisation', pour faire face aux problèmes mondiaux. Dans un discours brillant prononcé au premier jour du World Economic Forum (WEF), Bill Clinton a renvoyé dos à dos le WEF et les altermondialistes. P. 2, 5 et 20."
Mais à ces pages il n'y a pas une ligne sur les propos de Clinton. Heureusement, on en trouve un peu plus sur le site du World Economic Forum.
21.1.04
Lectures en retard
Notules écrites dans l'avion sur mon Palm, en lisant les journaux en retard (il y aura quand même un peu d'édition à faire avec l'envoi voire plus tard, pour les liens...):
-- Le Monde (18-19 janvier) découvre le blog -- au moins dans sa version anglaise, en marge de la campagne présidentielle américaine. Encore un effort pour réaliser qu'il en existe aussi en français, et pas seulement en Belgique et en Suisse...
-- Intéressante amorce de réflexion d'un politologue et chercheur (qui prêche un peu pour sa paroisse) dans Le Monde du 17. Commentant la baisse de la délinquance annoncée par Sarkozy, Sebastien Roché déplore l'absence de suivi scientifique, d'étude de "ce qui marche" pour le systématiser (et bien sûr de "ce qui ne marche pas"). Cette approche pragmatique est davantage dans l'esprit anglo-saxon; politiquement, c'est la marque de fabrique de la gauche "troisième voie" façon Clinton et Blair. Cela me rappelle une excellente série d'articles publiés il y a quelques mois dans The Guardian, ici et là (voir aussi les autres articles mentionnés ici).
COMPLEMENT DU 23.01: enfin trouvé le temps de rechercher les articles du Guardian et d'ajouter les liens!
-- Le Monde (18-19 janvier) découvre le blog -- au moins dans sa version anglaise, en marge de la campagne présidentielle américaine. Encore un effort pour réaliser qu'il en existe aussi en français, et pas seulement en Belgique et en Suisse...
-- Intéressante amorce de réflexion d'un politologue et chercheur (qui prêche un peu pour sa paroisse) dans Le Monde du 17. Commentant la baisse de la délinquance annoncée par Sarkozy, Sebastien Roché déplore l'absence de suivi scientifique, d'étude de "ce qui marche" pour le systématiser (et bien sûr de "ce qui ne marche pas"). Cette approche pragmatique est davantage dans l'esprit anglo-saxon; politiquement, c'est la marque de fabrique de la gauche "troisième voie" façon Clinton et Blair. Cela me rappelle une excellente série d'articles publiés il y a quelques mois dans The Guardian, ici et là (voir aussi les autres articles mentionnés ici).
COMPLEMENT DU 23.01: enfin trouvé le temps de rechercher les articles du Guardian et d'ajouter les liens!
20.1.04
Elections en Irak
En relation avec la polémique sur la tenue d'élections en Irak, Norman Geras, répercuté par InstaPundit, s'interroge sur la mauvaise volonté apparente de l'administration onusienne: comme il le souligne, les décisions politiques ont en effet été prises et toute réticence devrait avoir pris fin depuis le vote de la résolution 1511.
La question des élections et du transfert de souveraineté me paraît toutefois plus complexe. La querelle porte actuellement d'une part sur le terme fixé à juin et d'autre part sur la nature des élections. Le leader spirituel de la majorité chiite qui organise les manifestations réclamant des élections générales d'ici juin se donne le beau rôle... mais les considérations pratiques ne sauraient être ignorées, qui portent à la fois sur les conditions matérielles de telles élections et sur les modalités politiques à retenir.
Une élection indirecte dans un cadre régional, tel que paraît l'envisager l'autorité provisoire de la coalition, me paraît moins préjuger des futures institutions que pourra se donner l'Irak, et être aussi démocratique (voire en réalité davantage) qu'une "élection générale", si cela doit signifier une campagne électorale troublée, un vote incontrôlable et un système électoral simpliste ne permettant pas l'expression de la variété politique, religieuse et ethnique de la population.
Dans ce contexte (et par-delà le caractère timoré de son engagement sur place), l'ONU paraît actuellement appuyer la prudence de la Coalition, alors qu'on imagine volontiers De Villepin prendre fait et cause pour la revendication d'élections immédiates... Le vrai danger c'est que le terme de juin, et le calendrier électoral américain, ne conduisent à précipiter des décisions maladroites, dont les conséquences seront difficilement réversibles.
La question des élections et du transfert de souveraineté me paraît toutefois plus complexe. La querelle porte actuellement d'une part sur le terme fixé à juin et d'autre part sur la nature des élections. Le leader spirituel de la majorité chiite qui organise les manifestations réclamant des élections générales d'ici juin se donne le beau rôle... mais les considérations pratiques ne sauraient être ignorées, qui portent à la fois sur les conditions matérielles de telles élections et sur les modalités politiques à retenir.
Une élection indirecte dans un cadre régional, tel que paraît l'envisager l'autorité provisoire de la coalition, me paraît moins préjuger des futures institutions que pourra se donner l'Irak, et être aussi démocratique (voire en réalité davantage) qu'une "élection générale", si cela doit signifier une campagne électorale troublée, un vote incontrôlable et un système électoral simpliste ne permettant pas l'expression de la variété politique, religieuse et ethnique de la population.
Dans ce contexte (et par-delà le caractère timoré de son engagement sur place), l'ONU paraît actuellement appuyer la prudence de la Coalition, alors qu'on imagine volontiers De Villepin prendre fait et cause pour la revendication d'élections immédiates... Le vrai danger c'est que le terme de juin, et le calendrier électoral américain, ne conduisent à précipiter des décisions maladroites, dont les conséquences seront difficilement réversibles.
19.1.04
Le Monde week-end
Est-ce un effet de l'euro, plus encore que de la non-adhésion de la Suisse à l'Union européenne? Le nouveau magazine encarté dans Le Monde daté dimanche-lundi n'est pas distribué en Grande-Bretagne... mais pas non plus en Suisse romande! Sa diffusion, hors de la France métropolitaine, est limitée à la Belgique et au Luxembourg.
Paradoxe: l'un des fleurons de ce premier numéro est un portfolio consacré au photographe suisse René Burri.
COMPLEMENT DU 20.01: Laurent Gloaguen (Embruns) a une photo... et l'air de dire que je ne perd pas grand chose.
COMPLEMENT DU 22.01: J'étais à Genève hier et aujourd'hui, et à l'aéroport j'ai vu le magazine en vente, séparément. Je ne l'ai pas acheté...
Paradoxe: l'un des fleurons de ce premier numéro est un portfolio consacré au photographe suisse René Burri.
COMPLEMENT DU 20.01: Laurent Gloaguen (Embruns) a une photo... et l'air de dire que je ne perd pas grand chose.
COMPLEMENT DU 22.01: J'étais à Genève hier et aujourd'hui, et à l'aéroport j'ai vu le magazine en vente, séparément. Je ne l'ai pas acheté...
18.1.04
Et un quiz théologique!
Il serait incompréhensible que ce blog ne ne vous donne pas immédiatement l'occasion de savoir quel théologien-ne vous êtes (en anglais). Lien trouvée chez Norman Geras (qui, juif athée, se révèle augustinien!).
A très bientôt, je n'en doute pas, le commentaire de Guillaume!
COMPLEMENT DU 24.01: Je ne réalisais pas alors que Guillaume est indisponible pour le blog pendant quelque temps. Mais vous ne perdez rien pour attendre!
COMPLEMENT DU 30.01: Ca y est, Guillaume a fait le test.
A très bientôt, je n'en doute pas, le commentaire de Guillaume!
COMPLEMENT DU 24.01: Je ne réalisais pas alors que Guillaume est indisponible pour le blog pendant quelque temps. Mais vous ne perdez rien pour attendre!
COMPLEMENT DU 30.01: Ca y est, Guillaume a fait le test.
14.1.04
Le Monde souffle le chaud et le froid anglo-saxon
Deux points de vue anglo-saxons sur le voile dans Le Monde d'aujourd'hui: celui d'Anthony Giddens, pape britannique de la troisième voie, et celui d'Amitaï Etzioni, pape américain des communautés intermédiaires (pour ne pas dire du communautarisme, qui en français -- voire simplement en France... -- a un sens proche de "ghettoïsation" qu'il n'a pas en anglais). Il est vrai que c'est un sujet sur lequel le journal est partagé entre les partisans et les adversaires de la loi Chirac.
Le Monde a aussi commencé une série sur "ces Américains qui haïssent Bush". Il aurait probablement été plus original, plus surprenant pour ses lecteurs, de tenter de montrer que l'on peut soutenir nombre d'aspects de la politique de Bush (en particulier sa politique étrangère) sans être un demeuré. Ou simplement de présenter le trouble de tous ces électeurs de Gore en 2000 (comme Jeff Jarvis ou Roger L. Simon) qui ne se voient pas voter pour Howard Dean ou Wesley Clark cette année...
Le Monde a aussi commencé une série sur "ces Américains qui haïssent Bush". Il aurait probablement été plus original, plus surprenant pour ses lecteurs, de tenter de montrer que l'on peut soutenir nombre d'aspects de la politique de Bush (en particulier sa politique étrangère) sans être un demeuré. Ou simplement de présenter le trouble de tous ces électeurs de Gore en 2000 (comme Jeff Jarvis ou Roger L. Simon) qui ne se voient pas voter pour Howard Dean ou Wesley Clark cette année...
12.1.04
Guignol: Chirac et le préfet musulman (issu de l'immigration)
Acte I: Chirac harcèle son ministre de l'Intérieur, lui demandant quand sera enfin nommé un préfet issu de l'immigration musulmane.
Acte II: Dans une interview, Nicolas Sarkozy se montre offensif sur l'intégration difficile des immigrés musulmans, même devenus Français. Il se déclare en faveur de la discrimination positive (traduction française malheureuse de l'américain affirmative action) et annonce qu'il y aura bientôt un préfet musulman.
Acte III: Chirac désavoue publiquement son ministre, condamnant la notion de discrimination positive.
Acte IV: Avant Noël, Chirac bloque un train de nominations dont l'un des wagons était le fameux préfet.
Acte V: Dans ses voeux à la presse, le 9 janvier, Chirac annonce qu'il bloquera dorénavant tout train de nomination qui ne comprendra pas un Français issu de l'immigration.
La nomination est annoncée pour mercredi. Entretemps on a exhumé un décret du général de Gaulle réservant dans le plus pur style de l'affirmative action un certain nombre de sièges pour des musulmans. Et il s'avère qu'il y a déjà eu une demi-douzaine de préfets musulmans, le premier nommé à la Libération.
Acte II: Dans une interview, Nicolas Sarkozy se montre offensif sur l'intégration difficile des immigrés musulmans, même devenus Français. Il se déclare en faveur de la discrimination positive (traduction française malheureuse de l'américain affirmative action) et annonce qu'il y aura bientôt un préfet musulman.
Acte III: Chirac désavoue publiquement son ministre, condamnant la notion de discrimination positive.
Acte IV: Avant Noël, Chirac bloque un train de nominations dont l'un des wagons était le fameux préfet.
Acte V: Dans ses voeux à la presse, le 9 janvier, Chirac annonce qu'il bloquera dorénavant tout train de nomination qui ne comprendra pas un Français issu de l'immigration.
La nomination est annoncée pour mercredi. Entretemps on a exhumé un décret du général de Gaulle réservant dans le plus pur style de l'affirmative action un certain nombre de sièges pour des musulmans. Et il s'avère qu'il y a déjà eu une demi-douzaine de préfets musulmans, le premier nommé à la Libération.
10.1.04
Routine de la démocratie directe
Le Royaume-Uni est la patrie d'élection de la démocratie représentative: le citoyen n'a voix au chapitre que pour la désignation d'une unique personne dans sa circonscription tous les 3 à 5 ans, dont découlent le parlement, le gouvernement et les juges. C'est peu dire que le fédéralisme (comme on se refuse ici à appeler l'organisation d'une répartition des compétences entre le parlement de Westminster et ceux qui ont été établis en Irlande du Nord, en Ecosse et au Pays de Galles, d'une part, celui de Bruxelles/Strasbourg, d'autre part) y suscite l'incompréhension plus encore que la méfiance: quand la Chambre des Communes est appelée "mère des parlements", je me demande si ce n'est pas aussi parce qu'elle est de la variété abusive, qui veut toujours que rien ne lui échappe et que tout procède d'elle...
Il en va de même pour la démocratie directe, identifiée ici à la dernière tentative populiste de la BBC: construire un projet de loi en forme de Pop Idol (ou de Star Academy - pour les francophones), qu'un député travailliste naïf ou en mal de publicité avait accepté par avance de présenter formellement au parlement. Il croyait se retrouver avec un projet bien pensant favorisant la mise à disposition d'organes pour les transplantations ou limitant la commercialisation de Noël est s'est retrouvé avec une demande populaire (enfin, n'exagérons rien: 26'000 téléphones) de lever les limitations à la légitime défense en cas de violation de la propriété privée...
La Suisse est un pays dont on peut dire que ce qui construit son identité, par delà sa multiculturalité germanique, francophone, italophone et romanche, c'est l'attachement au fédéralisme et à la démocratie directe. Si le fédéralisme est un élément constitutif de l'Etat (qui s'est formé par agrégation d'entités préexistantes, même si d'autres ont été des créations volontaires sous l'impulsion de Napoléon), les institutions de la démocratie directe (la récolte de signatures contraignant les autorités à soumettre au vote populaire un projet) ne remontent, elles, qu'à la fin du 19e siècle.
Entre l'enfer populiste et le nirvana rousseauiste, c'est d'abord une lourde routine. Au prix de quelques simplifications qui gomment les exceptions et cas particuliers qui indubitablement existent, je dirais que le citoyen suisse:
- élit tous les quatre ans au scrutin proportionnel les députés de son canton à la chambre basse du parlement fédéral, et au scrutin majoritaire deux sénateurs à la chambre haute; ce sont les deux chambres qui élisent ensuite les sept membres du collège gouvernemental;
- élit tous les quatre ans (à une autre date) au scrutin proportionnel le parlement de son canton et au scrutin majoritaire les sept personnes qui formeront l'exécutif cantonal;
- mais surtout, participe quatre fois par an à une "votation populaire" portant (allez, pour la beauté de la démonstration) sur en moyenne quatre objets fédéraux et cantonaux;
- certains de ces objets auront été mis au programme parce que notre citoyen lambda aura (plus ou moins distraitement) donné sa signature à la sortie d'un supermarché ou (c'est le mouvement perpétuel) à l'entrée de son bureau de vote...
Les dates des votations sont déjà retenues jusqu'en 2020 (de nos jours cette date est en réalité celle de la proclamation du résultat, le vote lui-même se déroule principalement par correspondance -- et bientôt par Internet -- dans les trois semaines qui précèdent). C'est pourquoi, pour le prochain scrutin (8 février), la campagne est visible depuis plusieurs semaines déjà dans les journaux, sur les panneaux d'affichages et dans les boîtes aux lettres (le porte-à-porte, ou "canvassing", si important et systématique pour les élections en Grande-Bretagne, est inconnu en Suisse); et les partis fédéraux arrêtent ces jours leurs mots d'ordre.
Voyons le programme de la votation du 8 février, qui présente un bouquet particulièrement complet! Il y a trois objets fédéraux et, à Genève, trois objets cantonaux, présentés dans des brochures envoyées par les autorités à tous les citoyens avec leur bulletin de vote:
- CH: un objet de politique nationale des transports: le contreprojet (qui se veut un compromis entre les tenants de la route et ceux du rail) adopté par le Parlement fédéral à la suite d'une initiative populaire déposée en 2000 par le lobby automobile (retirée par ses auteurs), sous la forme d'une modification de la Constitution fédérale à laquelle est attaché un programme financier;
- CH: un objet de politique du logement: une modification du droit du bail a fait l'objet d'une demande de référendum des milieux de locataires (seuls 20% de la population sont propriétaires de leur logement);
- CH: une initiative populaire déposée en 2000 par un comité hors-partis à la suite de plusieurs cas de récidive ayant soulevé l'émotion, instituant l'internement à vie sans rémission pour les délinquants sexuels jugés dangereux et non amendables;
- GE: un contreprojet diminuant la charge fiscale en cas d'acquisition d'un logement, en réponse à une initiative populaire (retirée) déposée par les milieux immobiliers;
- GE: une loi assouplissant les restrictions sur la vente d'appartements adoptée par la majorité de droite (+ les Verts) du parlement, soumise au vote à la suite d'une demande de référendum des milieux de locataires;
- GE: une loi supprimant l'impôt sur les successions pour les conjoints et les parents au premier degré adoptée par la majorité de droite du parlement, soumise obligatoirement au vote populaire en raison de sa nature fiscale.
Un objet à haute charge émotionnelle (l'internement des délinquants sexuels) et des objets politiques importants (transports, logement, fiscalité) dont les aspects techniques et financiers ne sont pas négligeables. Et surtout des objets portés et combattus par des lobbys représentants des milieux solidement organisés (les automobilistes, les partisans des transports publics -- qui sont ici divisés car le contreprojet saupoudre largement -- les locataires, les propriétaires, et bien sûr les branches économiques qui dépendent des transports ou de la construction... Pour la fiscalité, la pression à la baisse est générale et les cantons se font concurrence pour attirer les contribuables fortunés. Comme le dit élégamment la page de la Confédération consacrée aux droits politiques:
"Une longue tradition démocratique, une population relativement faible sur le plan numérique, un taux d’alphabétisation très élevé et la richesse de l’offre médiatique permettent à notre forme d’Etat, qui prévoit des droits de codécision étendus, de fonctionner."
Les partis ont servi à désigner les candidats au Parlement, les élus ont fait leur travail, mais chaque fois que le consensus n'est pas suffisant, le peuple est appelé à trancher; il se prononce d'ailleurs souvent dans le sens préconisé par les autorités! Mais c'est ce que j'appelle le surmoi, l'épée de Damoclès qui fait que la politique est en Suisse, moins qu'ailleurs, un terrain d'épanouissement pour les politiciens...
Il en va de même pour la démocratie directe, identifiée ici à la dernière tentative populiste de la BBC: construire un projet de loi en forme de Pop Idol (ou de Star Academy - pour les francophones), qu'un député travailliste naïf ou en mal de publicité avait accepté par avance de présenter formellement au parlement. Il croyait se retrouver avec un projet bien pensant favorisant la mise à disposition d'organes pour les transplantations ou limitant la commercialisation de Noël est s'est retrouvé avec une demande populaire (enfin, n'exagérons rien: 26'000 téléphones) de lever les limitations à la légitime défense en cas de violation de la propriété privée...
La Suisse est un pays dont on peut dire que ce qui construit son identité, par delà sa multiculturalité germanique, francophone, italophone et romanche, c'est l'attachement au fédéralisme et à la démocratie directe. Si le fédéralisme est un élément constitutif de l'Etat (qui s'est formé par agrégation d'entités préexistantes, même si d'autres ont été des créations volontaires sous l'impulsion de Napoléon), les institutions de la démocratie directe (la récolte de signatures contraignant les autorités à soumettre au vote populaire un projet) ne remontent, elles, qu'à la fin du 19e siècle.
Entre l'enfer populiste et le nirvana rousseauiste, c'est d'abord une lourde routine. Au prix de quelques simplifications qui gomment les exceptions et cas particuliers qui indubitablement existent, je dirais que le citoyen suisse:
- élit tous les quatre ans au scrutin proportionnel les députés de son canton à la chambre basse du parlement fédéral, et au scrutin majoritaire deux sénateurs à la chambre haute; ce sont les deux chambres qui élisent ensuite les sept membres du collège gouvernemental;
- élit tous les quatre ans (à une autre date) au scrutin proportionnel le parlement de son canton et au scrutin majoritaire les sept personnes qui formeront l'exécutif cantonal;
- mais surtout, participe quatre fois par an à une "votation populaire" portant (allez, pour la beauté de la démonstration) sur en moyenne quatre objets fédéraux et cantonaux;
- certains de ces objets auront été mis au programme parce que notre citoyen lambda aura (plus ou moins distraitement) donné sa signature à la sortie d'un supermarché ou (c'est le mouvement perpétuel) à l'entrée de son bureau de vote...
Les dates des votations sont déjà retenues jusqu'en 2020 (de nos jours cette date est en réalité celle de la proclamation du résultat, le vote lui-même se déroule principalement par correspondance -- et bientôt par Internet -- dans les trois semaines qui précèdent). C'est pourquoi, pour le prochain scrutin (8 février), la campagne est visible depuis plusieurs semaines déjà dans les journaux, sur les panneaux d'affichages et dans les boîtes aux lettres (le porte-à-porte, ou "canvassing", si important et systématique pour les élections en Grande-Bretagne, est inconnu en Suisse); et les partis fédéraux arrêtent ces jours leurs mots d'ordre.
Voyons le programme de la votation du 8 février, qui présente un bouquet particulièrement complet! Il y a trois objets fédéraux et, à Genève, trois objets cantonaux, présentés dans des brochures envoyées par les autorités à tous les citoyens avec leur bulletin de vote:
- CH: un objet de politique nationale des transports: le contreprojet (qui se veut un compromis entre les tenants de la route et ceux du rail) adopté par le Parlement fédéral à la suite d'une initiative populaire déposée en 2000 par le lobby automobile (retirée par ses auteurs), sous la forme d'une modification de la Constitution fédérale à laquelle est attaché un programme financier;
- CH: un objet de politique du logement: une modification du droit du bail a fait l'objet d'une demande de référendum des milieux de locataires (seuls 20% de la population sont propriétaires de leur logement);
- CH: une initiative populaire déposée en 2000 par un comité hors-partis à la suite de plusieurs cas de récidive ayant soulevé l'émotion, instituant l'internement à vie sans rémission pour les délinquants sexuels jugés dangereux et non amendables;
- GE: un contreprojet diminuant la charge fiscale en cas d'acquisition d'un logement, en réponse à une initiative populaire (retirée) déposée par les milieux immobiliers;
- GE: une loi assouplissant les restrictions sur la vente d'appartements adoptée par la majorité de droite (+ les Verts) du parlement, soumise au vote à la suite d'une demande de référendum des milieux de locataires;
- GE: une loi supprimant l'impôt sur les successions pour les conjoints et les parents au premier degré adoptée par la majorité de droite du parlement, soumise obligatoirement au vote populaire en raison de sa nature fiscale.
Un objet à haute charge émotionnelle (l'internement des délinquants sexuels) et des objets politiques importants (transports, logement, fiscalité) dont les aspects techniques et financiers ne sont pas négligeables. Et surtout des objets portés et combattus par des lobbys représentants des milieux solidement organisés (les automobilistes, les partisans des transports publics -- qui sont ici divisés car le contreprojet saupoudre largement -- les locataires, les propriétaires, et bien sûr les branches économiques qui dépendent des transports ou de la construction... Pour la fiscalité, la pression à la baisse est générale et les cantons se font concurrence pour attirer les contribuables fortunés. Comme le dit élégamment la page de la Confédération consacrée aux droits politiques:
"Une longue tradition démocratique, une population relativement faible sur le plan numérique, un taux d’alphabétisation très élevé et la richesse de l’offre médiatique permettent à notre forme d’Etat, qui prévoit des droits de codécision étendus, de fonctionner."
Les partis ont servi à désigner les candidats au Parlement, les élus ont fait leur travail, mais chaque fois que le consensus n'est pas suffisant, le peuple est appelé à trancher; il se prononce d'ailleurs souvent dans le sens préconisé par les autorités! Mais c'est ce que j'appelle le surmoi, l'épée de Damoclès qui fait que la politique est en Suisse, moins qu'ailleurs, un terrain d'épanouissement pour les politiciens...
7.1.04
Parlements: la parité hommes / femmes, sinon rien
J'apprends dans un article du Daily Telegraph (gratuit, mais il faut s'enregistrer) deux nouveaux termes du jargon politique anglais:
- "zipping" (de fermeture éclair), qui désigne ce que les Français appellent des "listes chabada" (alternance d'un homme et d'une femme pour les élections à la proportionnelle);
- "twinning" (jumelage), opération dans laquelle deux circonscriptions élisant chacune une personne au scrutin majoritaire font en sorte de désigner l'une un homme et l'autre une femme.
Le premier système est acceptable pour des élections à la proportionnelle sur la base de listes bloquées, telles qu'elles ont effectivement lieu en France, en Grande-Bretagne ou en Allemagne, mais pas en Suisse: mentalité d'ingénieur ou passion pour les complications horlogères, notre mode de calcul de la proportionnelle ne laisse pas aux état-majors le soin de décider par le positionnement sur la liste qui sera élu pour occuper le nombre de sièges dévolus aux partis; le décompte des suffrages nominatifs est effectué séparément car chaque électeur peut biffer des noms sur son bulletin ou ajouter des noms en provenance d'autres listes.
Le deuxième système est intéressant, mais il a le même inconvénient que les méthodes fondées sur les quotas ou la restriction des candidatures dans une circonscription donnée à un seul sexe. Il brime la liberté d'un électorat particulier dans l'idée d'atteindre un résultat global plus satisfaisant, et perpétue une image négative de l'égalité entre hommes et femmes comme quelque chose nécessitant des mesures compensatoires en faveur de ces dernières.
Je suis partisan d'une approche radicalement différente consistant à affirmer préalablement l'identité irréductible de la personne humaine comme homme OU femme: soit l'un, soit l'autre comme individu, hommes et femmes ensemble comme société. C'est le clivage primordial, alors que tous les autres sont soit des choix (la religion), soit des attributs supplémentaires et qui n'ont pas la même nature binaire (les caractéristique ethniques) ou sont susceptibles de variations (l'orientation sexuelle, la langue, l'âge). Il en découle que seule une représentation strictement paritaire des hommes et des femmes est acceptable, toute autre formule est hémiplégique. C'est l'opposé du réductionnisme égalitaire à la française où n'existe qu'une personne abstraite, pseudo hermaphrodite où le masculin l'emporte sur le féminin (comme dans la grammaire).
Pour des élections proportionnelles telles que nous les connaissons en Suisse pour les parlements, j'avais préconisé (ici et originellement ici) d'instaurer une double liste: chaque électeur vote d'une part pour une liste de femmes et d'autre part pour une liste d'hommes. Nul n'est pénalisé dans son choix, personne n'est renvoyé dans un ghetto et l'égalité s'impose à tous (même au plus fieffé misogyne). Et le résultat est une représentation politique d'une part (à la proportionnelle des partis), concrétisée d'autre part par des hommes et des femmes en nombre égal. Je ne doute évidemment pas qu'il en découlera une modification fondamentale du jeu politique (à commencer par l'accroissement du vivier féminin pour les fonctions exécutives), mais c'est précisément le but.
Dans les pays qui connaissent l'élection majoritaire uninominale, la solution me paraît tout aussi simple, et le "twinning" s'arrête à mi-chemin: elle consiste à diviser par deux le nombre des circonscriptions et à prévoir l'élection d'un homme ET d'une femme dans chacune d'elles. Là il y a quelques autres effets collatéraux à prévoir (outre le bénéfice général d'un parlement à parité d'hommes et de femmes): des circonscriptions de grande taille, probablement une atténuation de l'effet majoritaire dans les circonscriptions où l'écart de voix entre le parti majoritaire et l'opposition est faible (qui pourraient élire un homme d'un parti et une femme de l'autre). Mais rien qui ne soit pire que la solution actuelle (l'hémiplégie de la représentation démocratique) ou les solutions discriminatoires proposées.
- "zipping" (de fermeture éclair), qui désigne ce que les Français appellent des "listes chabada" (alternance d'un homme et d'une femme pour les élections à la proportionnelle);
- "twinning" (jumelage), opération dans laquelle deux circonscriptions élisant chacune une personne au scrutin majoritaire font en sorte de désigner l'une un homme et l'autre une femme.
Le premier système est acceptable pour des élections à la proportionnelle sur la base de listes bloquées, telles qu'elles ont effectivement lieu en France, en Grande-Bretagne ou en Allemagne, mais pas en Suisse: mentalité d'ingénieur ou passion pour les complications horlogères, notre mode de calcul de la proportionnelle ne laisse pas aux état-majors le soin de décider par le positionnement sur la liste qui sera élu pour occuper le nombre de sièges dévolus aux partis; le décompte des suffrages nominatifs est effectué séparément car chaque électeur peut biffer des noms sur son bulletin ou ajouter des noms en provenance d'autres listes.
Le deuxième système est intéressant, mais il a le même inconvénient que les méthodes fondées sur les quotas ou la restriction des candidatures dans une circonscription donnée à un seul sexe. Il brime la liberté d'un électorat particulier dans l'idée d'atteindre un résultat global plus satisfaisant, et perpétue une image négative de l'égalité entre hommes et femmes comme quelque chose nécessitant des mesures compensatoires en faveur de ces dernières.
Je suis partisan d'une approche radicalement différente consistant à affirmer préalablement l'identité irréductible de la personne humaine comme homme OU femme: soit l'un, soit l'autre comme individu, hommes et femmes ensemble comme société. C'est le clivage primordial, alors que tous les autres sont soit des choix (la religion), soit des attributs supplémentaires et qui n'ont pas la même nature binaire (les caractéristique ethniques) ou sont susceptibles de variations (l'orientation sexuelle, la langue, l'âge). Il en découle que seule une représentation strictement paritaire des hommes et des femmes est acceptable, toute autre formule est hémiplégique. C'est l'opposé du réductionnisme égalitaire à la française où n'existe qu'une personne abstraite, pseudo hermaphrodite où le masculin l'emporte sur le féminin (comme dans la grammaire).
Pour des élections proportionnelles telles que nous les connaissons en Suisse pour les parlements, j'avais préconisé (ici et originellement ici) d'instaurer une double liste: chaque électeur vote d'une part pour une liste de femmes et d'autre part pour une liste d'hommes. Nul n'est pénalisé dans son choix, personne n'est renvoyé dans un ghetto et l'égalité s'impose à tous (même au plus fieffé misogyne). Et le résultat est une représentation politique d'une part (à la proportionnelle des partis), concrétisée d'autre part par des hommes et des femmes en nombre égal. Je ne doute évidemment pas qu'il en découlera une modification fondamentale du jeu politique (à commencer par l'accroissement du vivier féminin pour les fonctions exécutives), mais c'est précisément le but.
Dans les pays qui connaissent l'élection majoritaire uninominale, la solution me paraît tout aussi simple, et le "twinning" s'arrête à mi-chemin: elle consiste à diviser par deux le nombre des circonscriptions et à prévoir l'élection d'un homme ET d'une femme dans chacune d'elles. Là il y a quelques autres effets collatéraux à prévoir (outre le bénéfice général d'un parlement à parité d'hommes et de femmes): des circonscriptions de grande taille, probablement une atténuation de l'effet majoritaire dans les circonscriptions où l'écart de voix entre le parti majoritaire et l'opposition est faible (qui pourraient élire un homme d'un parti et une femme de l'autre). Mais rien qui ne soit pire que la solution actuelle (l'hémiplégie de la représentation démocratique) ou les solutions discriminatoires proposées.
6.1.04
Babel européenne
Suite involontaire à mon billet d'hier sur le site du Monde:
"L'Assemblée s'est prononcée mardi 6 janvier à l'unanimité pour le maintien de la diversité linguistique et une présence accrue du français face à 'l'hégémonie croissante du modèle anglo-saxon' dans l'Union européenne après son élargissement à dix nouveaux membres le 1er mai 2004."
J'ai d'abord cru naïvement qu'il s'agissait d'un vote du Parlement européen -- mais non, c'est bien sûr de l'Assemblée nationale française qu'il s'agit: on n'est jamais mieux servi que par soi-même.
Il est vrai qu'il y a un réel problème:
"Le dossier linguistique, sur lequel les négociations sont en cours à Bruxelles, constitue l'un des 'défis majeurs' de l'Union élargie, dont le nombre de langues officielles passera de 11 à 20. Aux 11 langues en vigueur (allemand, français, anglais, italien, espagnol, néerlandais, grec, portugais, suédois, danois et finnois) viendront s'ajouter l'estonien, le hongrois, le letton, le lituanien, le maltais, le polonais, le slovaque, le slovène et le tchèque.
'Dans à peine plus de cent jours, la nouvelle Europe se trouvera confrontée au défi linguistique le plus important de son histoire. Pour l'interprétation, 110 combinaisons sont aujourd'hui possibles avec 11 langues officielles, ce nombre passera à 420 (gaélique compris) après l'élargissement', a souligné M. Herbillon", rapporteur de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne.
La référence à la construction difficile de la tour de Babel paraît davantage justifiée ici qu'à propos de l'émergence de l'espagnol comme deuxième langue aux Etats-Unis! Reste à savoir si la promotion arrogante du français apporte une solution.
En Suisse, on assiste lentement mais sûrement à l'émergence de l'anglais comme langue vernaculaire commune aux germanophones, francophones et italophones (je ne mentionne que pour mémoire les Romanches qui constituent le quatrième groupe linguistique national, en partant de l'idée qu'ils sont déjà bilingues dans l'une des trois langues officielles de la Confédération): sur le chat, à l'armée, dans les conseils d'administration, entre universitaires... Mais cela ne présente au fond pas de vrai problème de préséance, puisque l'anglais n'est précisément pas une langue nationale.
Par analogie, pour l'Europe je verrais la solution suivante:
- ne retenir que quatre ou cinq langues officielles (dont l'esperanto, après tout);
- par égard et courtoisie entre Européens, celui ou celle dont la langue maternelle est l'une des langues officielles devra s'astreindre à en employer une autre.
Economique, simple et élégant, non? Plus encore que les Français, ce sont les Britanniques, notoirement peu portés sur les langues étrangères, qui devront faire du rattrapage intensif...
"L'Assemblée s'est prononcée mardi 6 janvier à l'unanimité pour le maintien de la diversité linguistique et une présence accrue du français face à 'l'hégémonie croissante du modèle anglo-saxon' dans l'Union européenne après son élargissement à dix nouveaux membres le 1er mai 2004."
J'ai d'abord cru naïvement qu'il s'agissait d'un vote du Parlement européen -- mais non, c'est bien sûr de l'Assemblée nationale française qu'il s'agit: on n'est jamais mieux servi que par soi-même.
Il est vrai qu'il y a un réel problème:
"Le dossier linguistique, sur lequel les négociations sont en cours à Bruxelles, constitue l'un des 'défis majeurs' de l'Union élargie, dont le nombre de langues officielles passera de 11 à 20. Aux 11 langues en vigueur (allemand, français, anglais, italien, espagnol, néerlandais, grec, portugais, suédois, danois et finnois) viendront s'ajouter l'estonien, le hongrois, le letton, le lituanien, le maltais, le polonais, le slovaque, le slovène et le tchèque.
'Dans à peine plus de cent jours, la nouvelle Europe se trouvera confrontée au défi linguistique le plus important de son histoire. Pour l'interprétation, 110 combinaisons sont aujourd'hui possibles avec 11 langues officielles, ce nombre passera à 420 (gaélique compris) après l'élargissement', a souligné M. Herbillon", rapporteur de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne.
La référence à la construction difficile de la tour de Babel paraît davantage justifiée ici qu'à propos de l'émergence de l'espagnol comme deuxième langue aux Etats-Unis! Reste à savoir si la promotion arrogante du français apporte une solution.
En Suisse, on assiste lentement mais sûrement à l'émergence de l'anglais comme langue vernaculaire commune aux germanophones, francophones et italophones (je ne mentionne que pour mémoire les Romanches qui constituent le quatrième groupe linguistique national, en partant de l'idée qu'ils sont déjà bilingues dans l'une des trois langues officielles de la Confédération): sur le chat, à l'armée, dans les conseils d'administration, entre universitaires... Mais cela ne présente au fond pas de vrai problème de préséance, puisque l'anglais n'est précisément pas une langue nationale.
Par analogie, pour l'Europe je verrais la solution suivante:
- ne retenir que quatre ou cinq langues officielles (dont l'esperanto, après tout);
- par égard et courtoisie entre Européens, celui ou celle dont la langue maternelle est l'une des langues officielles devra s'astreindre à en employer une autre.
Economique, simple et élégant, non? Plus encore que les Français, ce sont les Britanniques, notoirement peu portés sur les langues étrangères, qui devront faire du rattrapage intensif...
5.1.04
Attali et l'identité française
Jacques Attali est l'un de ces intellocrates qui sont une spécialité française: un pied dans l'Université, un pied dans la politique, un pied dans l'édition, un pied dans l'économie... Il n'a certes pas laissé le meilleur souvenir à la présidence de la Banque européenne de reconstruction et de développement, mais auparavant il en avait eu la judicieuse intuition et l'avait faite partager à Mitterrand. Il y a peu de sujets sur lesquels il n'a pas quelque chose d'original et de fulgurant à dire.
Et puis d'autres fois il faut simplement éclater de rire. Invité à jouer les oracles en conclusion d'un supplément du Monde des 4 et 5 janvier sur 2004 - L'année du rebond [pdf | 4,26Mo], il déclare (dernière page):
"Regardez les Etats-Unis: on y parle l'anglais et l'espagnol. Ils n'ont plus de langue. Ils sont perdus de l'intérieur. C'est Babel."
On retrouve le fantasme très français de l'Amérique comme colosse aux pieds d'argile, toujours au bord de l'effondrement -- ici en contrepoint d'une analyse tournant le dos au discours universaliste qui, depuis la Révolution, prétend faire de la France une nation par volonté (l'adhésion aux principes de la laïcité républicaine), aux antipodes d'un pangermanisme qui fonderait l'identité nationale sur la langue et le sang:
"Qu'est-ce que la France? C'est un espace de protection juridique et social, et c'est une langue. L'identité française, c'est la langue bien plus que le territoire. La langue d'un peuple est la colonne vertébrale de son identité et la clé de l'intégration de ses étrangers. (...) En France, la prochaine pression communautariste [après le voile islamique] consistera à exiger des formulaires administratifs en langue étrangère, des cours dans les langues des élèves, etc. Ce sera une bataille majeure."
Manifestement, Attali ne parle pas que de l'identité culturelle francophone mais bien d'identité nationale avec la notion politique, étatique qu'elle comporte. Lorsqu'il vivait à Londres il a pourtant dû remarquer que les formulaires administratifs, justement, sont effectivement disponibles dans un grand nombre de langues étrangères (de même qu'en braille, en gros caractères ou en cassettes audio...). L'intégration m'y paraît fonctionner bien mieux qu'en France.
Ce qui est aussi un mystère pour moi, c'est comment cette profession de foi se concilie avec l'appel au fédéralisme européen, en commençant par l'union franco-allemande, qui figure dans la même interview. Il me semble qu'il aurait justement plaidé pour faire la distinction entre les différents niveaux d'identités, nullement incompatibles les uns avec les autres, et pour l'atténuation du nationalisme linguistique; mais c'est peut-être plus facile pour le ressortissant d'un Etat multilingue et sans prétention universaliste (encore que...).
COMPLEMENT DU 6 JANVIER: Au demeurant, loin de moi de nier que l'intégration passe par l'apprentissage obligatoire de la langue (et je me doutais bien que le discours universaliste sur la nation était parfaitement artificiel)! Mais cela nécessite des mesures positives (un effort intensif tant sur les enfants que sur les parents, dès l'arrivée) plus que des interdictions d'utiliser -- aussi -- la leur.
Et puis d'autres fois il faut simplement éclater de rire. Invité à jouer les oracles en conclusion d'un supplément du Monde des 4 et 5 janvier sur 2004 - L'année du rebond [pdf | 4,26Mo], il déclare (dernière page):
"Regardez les Etats-Unis: on y parle l'anglais et l'espagnol. Ils n'ont plus de langue. Ils sont perdus de l'intérieur. C'est Babel."
On retrouve le fantasme très français de l'Amérique comme colosse aux pieds d'argile, toujours au bord de l'effondrement -- ici en contrepoint d'une analyse tournant le dos au discours universaliste qui, depuis la Révolution, prétend faire de la France une nation par volonté (l'adhésion aux principes de la laïcité républicaine), aux antipodes d'un pangermanisme qui fonderait l'identité nationale sur la langue et le sang:
"Qu'est-ce que la France? C'est un espace de protection juridique et social, et c'est une langue. L'identité française, c'est la langue bien plus que le territoire. La langue d'un peuple est la colonne vertébrale de son identité et la clé de l'intégration de ses étrangers. (...) En France, la prochaine pression communautariste [après le voile islamique] consistera à exiger des formulaires administratifs en langue étrangère, des cours dans les langues des élèves, etc. Ce sera une bataille majeure."
Manifestement, Attali ne parle pas que de l'identité culturelle francophone mais bien d'identité nationale avec la notion politique, étatique qu'elle comporte. Lorsqu'il vivait à Londres il a pourtant dû remarquer que les formulaires administratifs, justement, sont effectivement disponibles dans un grand nombre de langues étrangères (de même qu'en braille, en gros caractères ou en cassettes audio...). L'intégration m'y paraît fonctionner bien mieux qu'en France.
Ce qui est aussi un mystère pour moi, c'est comment cette profession de foi se concilie avec l'appel au fédéralisme européen, en commençant par l'union franco-allemande, qui figure dans la même interview. Il me semble qu'il aurait justement plaidé pour faire la distinction entre les différents niveaux d'identités, nullement incompatibles les uns avec les autres, et pour l'atténuation du nationalisme linguistique; mais c'est peut-être plus facile pour le ressortissant d'un Etat multilingue et sans prétention universaliste (encore que...).
COMPLEMENT DU 6 JANVIER: Au demeurant, loin de moi de nier que l'intégration passe par l'apprentissage obligatoire de la langue (et je me doutais bien que le discours universaliste sur la nation était parfaitement artificiel)! Mais cela nécessite des mesures positives (un effort intensif tant sur les enfants que sur les parents, dès l'arrivée) plus que des interdictions d'utiliser -- aussi -- la leur.
3.1.04
Symbole helvético-britannique
L'Ovomaltine (Ovaltine dans les pays anglo-saxons)!
Produite dès 1904 par la maison Wander SA, à Berne. Première usine étrangère en 1913 à Kings Langsley (Angleterre). Wander et la marque Ovomaltine ont été vendues à la fin des années 90 à Associated British Foods (ABF), qui commercialise aussi les thés Twinings...
Produite dès 1904 par la maison Wander SA, à Berne. Première usine étrangère en 1913 à Kings Langsley (Angleterre). Wander et la marque Ovomaltine ont été vendues à la fin des années 90 à Associated British Foods (ABF), qui commercialise aussi les thés Twinings...
Haïti et l'Irak
Dans son éditorial d'aujourd'hui, Le Monde fait un parallèle entre Haïti et l'Irak qui n'est pas inintéressant. Il rappelle qu'en septembre 1994, 20'000 soldats américains débarquaient à Haïti pour chasser une junte militaire et rétablir dans ses fonctions le président élu après la dictature Duvalier, Jean-Bertrand Aristide (pas l'ombre d'un reproche à cet égard, il est vrai que le président américain était Bill Clinton et non l'immonde George W. Bush). Mais, sous la pression de l'opposition républicaine (devenue majoritaire deux mois plus tard), cette opération n'a pas été soutenue dans la durée; et, dans une critique inhabituelle, Le Monde relève que "(l)'ONU ne voulait envoyer des casques bleus que dans un contexte 'stable et sûr' -- autant dire jamais". Aujourd'hui Haïti est à nouveau une dictature sanguinaire soumise à l'arbitraire d'un Aristide qui a trahi tous les espoirs mis en lui.
Le Monde conclut:
"Petite république caraïbe, Haïti n'a pas l'importance stratégique de l'Irak. Mais le symbole que représente l'histoire de sa création méritait que la communauté internationale s'y engageât avec plus de fermeté lorsque la démocratie aurait pu avoir une chance. Les mêmes erreurs -- jeu solitaire des Etats-Unis, pusillanimité de l'ONU -- ne devraient pas être répétées en Irak. L'exemple d'Haïti montre ce qu'il en coûte."
Je suis en quelque sorte assez d'accord sur la prescription, mais pas tant sur le diagnostic (ou sur les symptômes qui le fondent). Ce que "L'exemple haïtien" (titre de cet édito) appelle à dénoncer, c'est bien plutôt l'attitude de ces Démocrates qui tentent de tirer dans le dos du président Bush, comme les Républicains l'ont fait pour Clinton. Et, pour l'Irak, la "pusillanimité de l'ONU" (en fait celle des pays qui la composent, au premier rang desquels la France, l'Allemagne, et la Russie) a précédé, et non suivi, le "jeu solitaire des Etats-Unis", en réalité l'action de dernier ressort d'une coalition de plusieurs dizaines de pays dont la mission était bien de s'assurer que force reste au droit international (celui de la résolution 1441 et de celles qui l'ont précédées) et non à l'impuissance qui aurait maintenu au pouvoir le tyran de Bagdad et offert une victoire aux adversaires de la société ouverte. Mais il s'agit effectivement maintenant de ne pas mollir mais d'accompagner la reconstruction de l'Irak aussi longtemps qu'il le faudra, et sans que des pays qui ont une lourde responsabilité dans l'appui apporté précédemment à Saddam -- la France, l'Allemagne, la Russie -- s'en exonèrent.
Le Monde conclut:
"Petite république caraïbe, Haïti n'a pas l'importance stratégique de l'Irak. Mais le symbole que représente l'histoire de sa création méritait que la communauté internationale s'y engageât avec plus de fermeté lorsque la démocratie aurait pu avoir une chance. Les mêmes erreurs -- jeu solitaire des Etats-Unis, pusillanimité de l'ONU -- ne devraient pas être répétées en Irak. L'exemple d'Haïti montre ce qu'il en coûte."
Je suis en quelque sorte assez d'accord sur la prescription, mais pas tant sur le diagnostic (ou sur les symptômes qui le fondent). Ce que "L'exemple haïtien" (titre de cet édito) appelle à dénoncer, c'est bien plutôt l'attitude de ces Démocrates qui tentent de tirer dans le dos du président Bush, comme les Républicains l'ont fait pour Clinton. Et, pour l'Irak, la "pusillanimité de l'ONU" (en fait celle des pays qui la composent, au premier rang desquels la France, l'Allemagne, et la Russie) a précédé, et non suivi, le "jeu solitaire des Etats-Unis", en réalité l'action de dernier ressort d'une coalition de plusieurs dizaines de pays dont la mission était bien de s'assurer que force reste au droit international (celui de la résolution 1441 et de celles qui l'ont précédées) et non à l'impuissance qui aurait maintenu au pouvoir le tyran de Bagdad et offert une victoire aux adversaires de la société ouverte. Mais il s'agit effectivement maintenant de ne pas mollir mais d'accompagner la reconstruction de l'Irak aussi longtemps qu'il le faudra, et sans que des pays qui ont une lourde responsabilité dans l'appui apporté précédemment à Saddam -- la France, l'Allemagne, la Russie -- s'en exonèrent.
Portrait de groupe
"Tout se joue avant 3 ans"
Jean-Jacques Servan-Schreiber l'affirmait déjà au début des années 70 (c'était le temps du Manifeste radical Ciel et Terre qui a, brièvement mais brillamment, illustré qu'une autre gauche est possible). Il en avait fait le thème de l'émission télévisée A Armes égales où il était confronté à un représentant de la droite (Giscard d'Estaing, je crois).
Dans le Guardian d'hier, Polly Toynbee présente les résultats d'une passionnante étude sur le langage et les enfants. On a enregistré et interprété tous les échanges verbaux entre enfants et adultes dans trois groupes sociaux bien différenciés. A l'âge de 4 ans, un enfant de milieu professionnel supérieur s'est vu adresser 50 millions de mots; celui d'un milieu professionnel non qualifié 30 millions; et celui dont la famille est dépendante de l'assistance 12 millions. A 3 ans, l'enfant du milieu supérieur a un vocabulaire plus étendu que le parent à l'assistance! Encore plus frappant: à 3 ans l'enfant de milieu supérieur a reçu 700'000 mots d'encouragement et 80'000 de découragement; l'enfant à l'assistance, lui, n'a entendu que 60'000 mots d'encouragement et le double de découragement... Or l'écart mesuré à 3 ans prédit impitoyablement celui qui existera à 10 ans.
A côté de ces réalités, tous les discours sur la démocratisation des études et le rôle de l'école ne sont que des fadaises cyniques. Ce qui est nécessaire, et qui fonctionne, ce sont des programmes centrés sur l'accompagnement intensif des parents et des très jeunes enfants afin de donner à ces derniers la possibilité d'une égalité des chances qui, sinon, leur est déniée dès la naissance.
L'étude est américaine (pas française ou allemande), soi dit en passant; elle ne repose pas sur des conceptions intellectuelles ébouriffantes, mais sur un travail de bénédictin. Inspiré d'une politique initiée sous la présidence progressiste de Lyndon Johnson, Sure Start est l'un des plus importants et plus prometteurs programmes socio-éducatifs mis en place en Grande-Bretagne par le New Labour.
Dans le Guardian d'hier, Polly Toynbee présente les résultats d'une passionnante étude sur le langage et les enfants. On a enregistré et interprété tous les échanges verbaux entre enfants et adultes dans trois groupes sociaux bien différenciés. A l'âge de 4 ans, un enfant de milieu professionnel supérieur s'est vu adresser 50 millions de mots; celui d'un milieu professionnel non qualifié 30 millions; et celui dont la famille est dépendante de l'assistance 12 millions. A 3 ans, l'enfant du milieu supérieur a un vocabulaire plus étendu que le parent à l'assistance! Encore plus frappant: à 3 ans l'enfant de milieu supérieur a reçu 700'000 mots d'encouragement et 80'000 de découragement; l'enfant à l'assistance, lui, n'a entendu que 60'000 mots d'encouragement et le double de découragement... Or l'écart mesuré à 3 ans prédit impitoyablement celui qui existera à 10 ans.
A côté de ces réalités, tous les discours sur la démocratisation des études et le rôle de l'école ne sont que des fadaises cyniques. Ce qui est nécessaire, et qui fonctionne, ce sont des programmes centrés sur l'accompagnement intensif des parents et des très jeunes enfants afin de donner à ces derniers la possibilité d'une égalité des chances qui, sinon, leur est déniée dès la naissance.
L'étude est américaine (pas française ou allemande), soi dit en passant; elle ne repose pas sur des conceptions intellectuelles ébouriffantes, mais sur un travail de bénédictin. Inspiré d'une politique initiée sous la présidence progressiste de Lyndon Johnson, Sure Start est l'un des plus importants et plus prometteurs programmes socio-éducatifs mis en place en Grande-Bretagne par le New Labour.
2.1.04
Honneurs et colifichets
Dans la Grande-Bretagne monarchique, le passage à l'année nouvelle donne immuablement lieu à la publication d'une nouvelle fournée [gratuit, mais il faut s'enregistrer] de médaillés et autres annoblis, sur lesquels on peut gloser. On y trouve de tout, de l'inconnu méritant à la vedette du sport ou de l'entreprise.
Mais dans la France républicaine et laïque? Eh bien c'est la même chose: Aznavour, Coppens, Bolloré...
Mais dans la France républicaine et laïque? Eh bien c'est la même chose: Aznavour, Coppens, Bolloré...
1.1.04
Bonne année!
De retour sur ce blog...