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31.10.04

L'armée en débat

Grandeur et servitude de la démocratie directe, l'armée est en Suisse un objet de débat politique (presque) comme un autre: dans les années récentes, l'introduction d'un service civil comme alternative à la conscription générale, sa suppression pure et simple, certains de ses programmes d'armement ou son adaptation à la nouvelle donne stratégique ont successivement fait l'objet de scrutins populaires, imposés dès lors que 50'000 ou 100'000 citoyens le requièrent.

Le corollaire de cette situation, facilité par le fait que l'armée de milice, même si elle rétrécit, fait de nombreux citoyens (au moins mâles) des "experts" en puissance, c'est qu'elle n'est pas non plus la Grande Muette qu'elle est ailleurs: soumise au pouvoir civil, bien sûr, ceux qui l'animent n'en perdent cependant pas pour autant leur conscience civique.

C'est sans doute ainsi qu'il faut comprendre le dernier texte de Ludovic Monnerat, souvent cité ici: lieutenant colonel rattaché à l'état-major général, fonctionnaire à temps partiel au département de la défense, de la protection de la population et du sport (au sein de l'état-major de conduite de l'armée), et sur son temps libre animateur d'un remarquable site d'information militaire combinant presque trop habilement engagement personnel et activité professionnelle, il se paie le luxe de dénoncer en termes vigoureux la position du parti de son chef de département, l'UDC Samuel Schmid; il est vrai que, selon une figure qui n'est pas rare en Suisse, le parti gouvernemental le plus à droite n'hésite pas à camper dans l'opposition comme c'est souvent le cas, à gauche, pour le PS.

30.10.04

Quand la gauche trahit ses idéaux et ses camarades

Un nouvel important article de Nick Cohen dans The New Statesman décrit dans un contexte plus familier aux Européens ce renversement des valeurs dont j'ai parlé à propos de Bush et Kerry: la manière dont une grande partie de la gauche traditionnelle (Blair étant dans la minorité agissante qui sauve l'honneur) préfère s'allier aux suppôts du dictateur irakien déchu et à l'islamisme intolérant anti-femmes et anti-gays dans la poursuite de son opposition à l'intervention internationale en Irak. Au point d'en venir à récuser les représentants de l'Union syndicale irakienne (Iraqi Federation of Workers' Trade Unions, IFTU) aujourd'hui libre d'agir, et à la recherche de soutiens pour développer son action après des années d'oppression sous Saddam et d'exil -- et cela quand bien même ces syndicalistes étaient eux aussi des adversaires de l'intervention! Fort heureusement, tant au sein du parti travailliste que dans les syndicats, la solidarité envers les camarades irakiens paraît à nouveau l'emporter.

(Via Harry's Place, Oliver Kamm ou Norman Geras, dont les commentaires et plus généralement les blogs valent aussi la lecture pour qui s'intéresse à la gauche).

Voir également à ce propos l'intervention d'un représentant de l'IFTU, Abdullah Muhsin, lors d'une réunion organisée en marge de la Conférence annuelle du parti travailliste à Brighton le 29 septembre.

Le paradoxe Ben Laden

Que peut bien chercher Oussama Ben Laden, si c'est bien lui (*), avec cette cassette à 3 jours de l'élection présidentielle? Au fond, juste à rappeler son existence et semer la confusion, et c'est un petit jeu où à tous les coups il gagne:

COMPLEMENT de 22h30: (*) Ou plutôt s'il est toujours vivant: l'hypothèse d'Emmanuel sur Ceteris Paribus, à la fin de ce billet, exprime mieux que je n'ai su le faire la réserve que m'inspire cet épisode.

COMPLEMENT du 1.11: Eh bien non, c'est bien lui, selon les experts, et la vidéo est récente: dans une partie qui n'avait pas été montrée OBL mentionne les élections en Afghanistan!



29.10.04

Home, sweet home

Or donc, je peux enfin retrouver mes bonnes et moins bonnes habitudes depuis Londres, après quelques jours à Genève et des vacances en Turquie. Ces dernières furent particulièrement réussies et ont enlevé tout doute que j'aurais pu avoir sur le rattachement de ce pays à l'identité européenne (et pas seulement Istanbul - Constantinople - Byzance). Giscard et Bayrou ont tout faux.

Nous participions notamment à un groupe anglophone qui croisait au large de la Lycie, entre baignades et visites de sites archéologiques, notamment significatifs pour l'Eglise primitive (comme on dit de manière quelque peu péjorative en français, l'anglais early Church paraît plus respectueux). Sur 15 personnes (outre le guide, qui était une femme turque), il y avait cinq couples (dont un autre couple gay) et cinq personnes voyageant seules (quatre femmes et un homme). Il n'y avait pas moins de quatre ecclésiastiques (anglicans, deux hommes et deux femmes), dont l'un n'a pas manqué d'haranguer de manière méprisante le couple d'Américains retraités sur l'Irak et Bush; ils ont laissé dire avec beaucoup dignité.

Comme c'était Ramadan et que l'on voyait le ciel, j'ai aussi appris (!) que le cycle de la lune tourne sur quatre fois sept jours débutant un vendredi, ce qui fournit au moins une explication rationnelle au statut particulier de ce jour dans certaines religions. Pourquoi diable les chrétiens ont-ils retenu le dimanche? Justement pour s'affranchir de la nature et marquer la toute puissance discrétionnaire de Dieu?

Présidentielle américaine

Un brillant tableau de la relation entre l'Europe (et la gauche) et l'Amérique depuis la deuxième guerre mondiale dans Le Monde d'aujourd'hui, sous la plume du francophile ministre délégué aux affaires européennes du gouvernement travailliste britannique, Denis MacShane.

Sur l'élection elle-même, dans la foison de tout ce qui s'écrit d'intéressant je voudrais souligner tout particulièrement deux articles de Michael J. Totten dans lesquels je me reconnais passablement:
Le premier explique pourquoi et comment, une fois aux responsabilités et plus en campagne, un président Kerry ne mènera pas une politique étrangère si différente que cela de celle de Bush. Il devrait décevoir (et commencer par démobiliser) les partisans d'un pacifisme défaitiste en retirant la première cause de leur mobilisation: George Bush. L'argumentation est habile pour rassurer ceux pour qui la gauche en général et les Démocrates aux Etats-Unis sont la famille politique naturelle.

Le deuxième souligne le vertigineux réalignement idéologique intervenu depuis le 11 septembre 2001, qui voit Bush embrasser la cause internationaliste et libératrice, de Wilson à Clinton, tandis que Kerry sombre dans le conservatisme populiste. Bush est, par une ironie de l'histoire, devenu le véritable héritier de la tradition démocrate.

Un "Tiens" vaut mieux que deux "Tu l'auras": personnellement, je souhaite la réélection de Bush. Mais j'espère avoir des occasions de me consoler si Kerry devait être élu mardi...

Un nouveau Traité de Rome

Les abonnés à l'édition électronique du Monde ont reçu tout à l'heure une "alerte urgente" par courriel:
Les chefs d'Etat ou de gouvernement de l'Union européenne ont signé vendredi à Rome la première Constitution de l'Europe. (AFP)
Partout c'est l'emphase qui marque l'événement, alors que tant son contenu que les curieuses réactions qu'il a suscitées dans la gauche française devraient appeler à plus de modestie.

Le principal avantage du Traité de Rome du 29 octobre 2004, c'est qu'il constitue une révision totale de tous les traités en vigueur concernant l'UE qui sont abrogés. Il en résulte un document qui, même s'il conserve un côté patchwork avec ses parties de natures différentes et ses annexes, est pour la première fois un tout cohérent et continu, avec une première et une dernière page. Cela se rapproche en effet mieux de la forme d'une Constitution que l'assemblage de traités de révision partielle antérieurs (et même le Traité de Rome de 1957 n'était pas complet, puisqu'auparavant il y avait eu le traité instituant la Communauté du charbon et de l'acier qui demeurait en vigueur).

La révision totale sur le plan formel des traités fondant l'UE n'est pas négligeable, mais en l'absence d'un mode de révision spécifique (même conçu pour rendre la chose difficile, comme il sied à un ensemble composite -- pour ne pas dire fédéral --, où un instantané d'opinion majoritaire, parlementaire ou même populaire, ne doit pas suffire à modifier la loi suprême commune) cela reste plus un traité qu'une Constitution. Qu'elle soit mineure ou fondamentale, la prochaine modification de ce Traité de Rome ne prendra pas la forme d'une révision rédactionnelle de ce texte, ni même, à l'américaine, d'un amendement qu'on lui ajouterait, mais d'un Traité de Vilnius, Madrid, Berlin, Athènes ou Copenhague, qui sera lui aussi signé par chacun des chefs d'Etat et de gouvernement et devra pour entrer en vigueur être ratifié par l'unanimité des Etats parties selon leurs dispositions propres; il faut espérer que ce futur traité reprendra la totalité du texte amendé pour conserver une unité d'édition et de lecture, mais c'est loin d'être sûr car Fabius et ceux qui prétendent profiter de l'occasion pour remettre en cause des dispositions approuvées précédemment (et souvent par eux-mêmes!) ont fait la démonstration que c'est ouvrir une boîte de Pandore. Si donc, par prudence, le futur traité prend l'allure d'un "simple" traité additionnel (comme par exemple le traité de Nice de sinistre mémoire), c'en sera déjà fini de la notion d'une "Constitution de l'Europe" reliée pleine peau...

Sauf période révolutionnaire peu vraisemblable (je ne demande qu'à être démenti), le mieux que l'on puisse espérer est un prochain traité constitutionnel qui contiendrait son propre mode de révision: une vraie Constitution qui serait le dernier des traités. En attendant, celui-ci est mieux que rien...

Arafat soigné à Paris

A côté du drame humain personnel autour de la vieillesse et de la maladie (mais un homme politique tel que le président palestinien ne s'appartient plus vraiment), je vois au moins deux aspects positifs:


28.10.04

Roger L. Simon sur la RSR

Avec retard, je signale que la Radio suisse romande accueillait, à l'occasion de l'élection présidentielle américaine, l'un de mes blogueurs favoris, Roger L. Simon, dans une émission sur Le monde vu par le cinéma hollywoodien: Juif new-yorkais établi à Hollywood, auteur de romans policiers, scénariste et réalisateur de films, c'est un contemporain de Kerry à Yale, Démocrate de toujours, libéral (au sens américain) jusqu'au bout des ongles -- et partisan déclaré de la réélection de Bush en raison de sa politique anti-terroriste, en Afghanistan ou en Irak.

Mais tout est sur le site!

25.10.04

Les bonnes nouvelles d'Arthur Chrenkoff

No 4 sur l'Afghanistan.

No 13 sur l'Irak.

Des informations, des liens à suivre portés par cet esprit positif et humain qu'Arthur tient semble-t-il de sa grand-mère qui, ayant vécu en Pologne la Grande Dépression, l'occupation nazie et la dictature communiste, disait que les choses ne sont jamais aussi bonnes ou mauvaises qu'elles en ont l'air (ou, peut-on ajouter, que les médias les représentent).

19.10.04

Testé pour vous...

Je pourrais vous infliger mes vues sur l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne (jumelée avec la Suisse, cela faciliterait les choses, non?) ou sur l'importance d'une économie de marché et d'un Etat de droit qui fonctionnent dans un grand pays musulman. Mais comme nous sommes présentement en croisière sur une goélette au large de l'ancienne Lycie, je préfère vous parler des joies de la baignade en pleine mer.

Et plus précisément de ces bouées new look, sorte de serpent en sagex souple de couleur pastel ou fluo dont vous avez peut-être comme moi constaté l'apparition dans une piscine près de chez vous. Il y en avait sur le bateau et, grâce à un couple d'Américains retraités qui ont donné l'exemple (pour eux aussi, c'était la première fois), nous avons donc joué à l'escargot des mers: it's really cool!

On peut le recourber sous les bras devant pour faire la brasse, mais aussi derrière pour faire la planche, la nage papillon arrière ou simplement s'y tenir comme dans un fauteuil. Pour quelqu'un comme moi qui peut nager un kilomètre en piscine mais que l'espace illimité impressionne, cela permet de ne pas rester simplement le long de la coque mais de partir à la découverte...


13.10.04

Un film à ne pas rater

Au hasard d'une affiche, je découvre que Nathaniel Kahn était à Istanbul la semaine derniére pour un festival. Mais surtout My Architect est maintenant arrivé sur le continent: précipitez-vous!

12.10.04

Vacances

Nous partons ce tantôt: pour moi le blog sera léger voire inexistant dans les jours qui viennent, je vous laisse avec Guillaume Barry. Et s'il n'y a rien de neuf quand vous venez nous visiter, pourquoi ne pas partir à la découverte d'un des blogs mentionnés dans la colonne de droite? Il y en a pour tous les goûts.

11.10.04

Bonnes nouvelles d'Irak (12)

Arthur Chrenkoff est décidément régulier: la compilation de la contre-information sur la situation en Irak sort vraiment un lundi sur deux!

10.10.04

Bush-Kerry: rions un peu

Je découvre chez Zvezdo que Le Monde continue de se familiariser avec la blogosphère -- sa correspondante à New York, sans grande surprise, produit désormais un blog dont il faut espérer qu'il ne se limitera pas à l'élection présidentielle comme le titre le laisse entendre, longtemps après Libé et encore à des années-lumière du Guardian.

Corinne Lesnes signale en particulier un petit film d'animation satirique mettant en scène les deux candidats sur l'air de This Land is My Land, de Woody Guthrie (c'est gratuit, mais il vous faudra quand même télécharger 3,9 MB avant d'apprécier).

Pourquoi le rapport Duelfer renforce Bush et Blair

Via InstaPundit encore (qui renvoie aussi à une tribune de David Brooks publiée par le New York Times) je trouve cette référence à un article de Michael Barone (dans US News and World Report, un magazine de droite, j'en ai peur) qui exprime ce que je ressens: loin d'être embarrassant pour les partisans de l'intervention en Irak, le rapport de l'Iraq Survey Group documente le scénario complet qui en justifie le bien-fondé.
  1. Saddam avait expressément demandé en combien de temps il pourrait, une fois les sanctions internationales levées, renconstituer sa capacité de produire les armes de destruction massive qu'il a détenues et utilisées dans le passé: entre quelques jours, pour la production de gaz moutarde, selon un officier de l'armée irakienne, à deux ans selon Tarek Aziz, ancien ministre des affaires étrangères;
  2. on sait maintenant que, si les inspecteurs avaient obtenu plus de temps en 2003, comme le demandaient la France, l'Allemagne, la Russie et tous ceux qui se refusaient à constater que Saddam n'obtempérait pas à la résolution 1441, ils n'auraient effectivement rien trouvé;
  3. la pression aurait alors été considérable pour démanteler le dispositif militaire en vue de l'intervention et lever les sanctions mises en place en 1991;
  4. ce qui aurait laissé à Saddam la possibilité de se lancer dans la production.
Compte tenu de l'élément supplémentaire d'instabilité que représentait la menace islamofasciste d'Al Quaida, comme le dit Michael Barone:
George W. Bush acted prudently in deciding to remove this regime. He would have been imprudent not to have done so.


Election présidentielle en Afghanistan

Le scrutin d'hier est un magistral succès, et une gifle pour les cyniques paternalistes qui croient que la démocratie c'est trop beau pour le tiers-monde (dont les mêmes, à gauche, s'affichent les défenseurs). L'enregistrement du peuple afghan sur les listes électorales, puis le processus électoral lui-même ont été une admirable leçon de choses. InstaPundit a des informations et des photos (aussi ici) que l'on ne trouve pas ailleurs.

Ce qui est désespérant, comme le relève Jeff Jarvis, c'est l'automatisme avec lequel la machine médiatique monte en épingle le plus petit dérèglement: cette affaire d'encre qui s'efface, c'est vraiment la moins grave dans l'échelle des risques de fraudes électorales, puisque par définition la possibilité de voter une deuxième fois qu'elle offre ne favorise pas un candidat plutôt qu'un autre mais bénéficie, si je puis dire, à tous, toutes choses égales par ailleurs. En Suisse, mais oui, on sait mieux faire: par exemple récolter les bulletins de vote (qui sont envoyés à domicile) pour voter à la place des destinataires... Mais, comme le note Ann Althouse citée par InstaPundit, les concurrents du favori, Ahmed Karzaï, ont vite appris que tant qu'à être battu, autant se poser en victime et crier à l'injustice...

Pour une Journée mondiale de lutte contre l'homophobie

Toujours dans Le Monde de samedi, une tribune de quelqu'un que Norman Geras connaît peut-être, puisque c'est un Français chercheur à l'Université de Manchester, Louis-Georges Tin. Déjà directeur d'un Dictionnaire de l'homophobie publiée en 2003, il lance avec l'ILGA une campagne mondiale pour une Journée distincte de la Pride (juin-juillet) ou de la Journée du coming-out (le 11 octobre, donc demain -- et en Suisse en tout cas on la célèbre aussi depuis quelques années). Voir aussi ses arguments sous forme de questions / réponses, ainsi que ce tableau des législations et cette carte du monde homophobe qui soulignent l'avancée atteinte dans les démocraties occidentales où les opposants au mariage ou partenariat protestent de leur respect individuel envers les gays et les lesbiennes... Il y a encore des violences, mais du moins sont-elles dénoncées.

Filiations

Dans Le Monde de samedi, une nouvelle tribune d'un "psychiatre et psychanalyste", mais qui avance une proposition pleine de solide bon sens réformiste. Serge Tisseron suggère d'officialiser ce qu'il appelle les trois formes de parentalité: biologique, nominatrice (je dirais plus simplement: légale) et éducative. Concrètement, cela veut dire que les documents officiels tels que livret de famille ou carnet de santé mentionneraient dorénavant séparément (même s'ils sont le plus souvent identiques) le ou les parents biologiques à côté de la ou des personnes jouissant juridiquement de l'autorité parentale.

Cette proposition clarifie plusieurs débats de société: le conflit entre l'anonymat de l'accouchement sous X ou du don du sperme et le droit à connaître sa filiation biologique, l'adoption, qui reste parfois un "mensonge légal" vis-à-vis de l'intéressé lui-même alors que d'autres membres de la famille ou de l'entourage sont évidemment au courant, l'adoption par une personne ou un couple homosexuel, qui suscite chez les freudiens bien des fantasmes qu'une telle inscription dissiperait, et les affections génétiques et leurs thérapies voire leur prévention, qui ne sont plus de la fiction et nécessitent de connaître la filiation biologique pour en bénéficier. Réellement intéressant.

COMPLEMENT DE 22H30: Zvezdoliki, dont je découvre qu'il en a évidemment aussi parlé, signale que Tisseron est l'auteur du livre Tintin et les secrets de famille (mais aussi une foule d'autres choses qui ont l'air passionnantes)...

9.10.04

Irak, France, ONU et corruption

Peut-on espérer du Monde qu'ils fasse davantage que de répercuter une réaction d'orgueil national blessé ou des démentis individuels méprisants, mais qu'il mène sa propre enquête? Je veux croire que c'est ce qu'il fait (ou Libération voire même la nouvelle rédaction du Figaro si elle veut établir sa crédibilité) et qu'on en verra les résultats dans les prochains jours ou semaines. Mais je ne suis pas encouragé par le fait que Le Monde n'a jamais vraiment informé en détail ses lecteurs sur le scandale de la corruption du programme onusien "Pétrole contre nourriture" et des violations des sanctions prononcées contre l'Irak par le Conseil de sécurité au lendemain de l'intervention menée en 1991 pour faire cesser l'occupation du Koweit.

Pour revenir à l'article publié par Le Monde daté d'aujourd'hui sous le titre "La France dément les accusations de corruption du rapport Duelfer" (je ne trouve pas de lien), il faut déjà relever que, comme pour les armes de destruction massive, il faut s'attendre à plusieurs rapports successifs: il y a aussi une enquête en cours au Congrès américain, et l'enquête que l'ONU s'était enfin décidée à ordonner (une nouvelle commission Volcker). Le scandale lui-même a éclaté au grand jour déjà en 2003, si je me souviens bien, un blogueur comme Roger L. Simon l'a suivi et répercuté depuis le début.

Ce qui me fait trouver léger les démentis français, c'est leur caractère global, catégorique et interdépendant, comme s'il ne s'agissait que d'une insinuation calomnieuse et non d'accusations précises fondées sur des faits, dont l'aspect français n'est d'ailleurs qu'un volet: les intérêts américains, anglais ou suisses mis en cause seraient-ils eux aussi inventés juste pour le plaisir de donner un semblant de crédibilité à des éléments inspirés par la seule francophobie? Le nombrilisme parano devrait avoir des limites, et cela rappelle plutôt le nuage de Tchernobyl qui avait soi-disant épargné la France... Le démenti de Joxe notamment se garde bien de se référer à ce qui lui est précisément reproché: non pas une corruption personnelle mais d'avoir réceptionné un montant d'un million de dollars destiné au PS (parti du président et du premier ministre de l'époque, et l'on sait comment les partis français étaient financés alors).

Ce ne sont d'ailleurs pas "Duelfer" ou "les Américains" qui sont à l'origine des accusations, mais bien des documents irakiens: il faut penser aux archives de la Stasi en Allemagne de l'Est, mises au jour après la chute du Mur, pour trouver une véritable analogie. Même s'il faut faire la la part, avec ce type de source, des exagérations destinées à se valoriser auprès de la hiérarchie (le caractère menaçant des armes de destruction massive irakiennes...), cela mérite davantage d'investigation et pas seulement en Irak et aux Etats-Unis.

Australie: ouf!

La politique relève parfois de sentiments ambigus: je dois avouer être ravi que John Howard, le premier ministre de droite, ait remporté les élections parlementaires face à l'opposition travailliste et son leader populiste. Et je suis sûr que l'information recevra sous nos latitudes une couverture médiatique bien moindre que si cela avait été l'inverse: après Aznar, avant Bush, ce genre de choses...

7.10.04

Réso: réformistes et solidaires

En me laissant porter par le surf (via DSK et Pierre Kanuty), je découvre un groupe plutôt décalé dans le paysage de la gauche française: il s'affiche ouvertement réformiste! Etonnant, non?

Il manque pour m'enthousiasmer tout à fait une analyse lucide de la nécessité de lutter contre l'islamofascisme et la reconnaissance du devoir internationaliste de soutien au peuple irakien libéré, mais enfin la combinaison originale d'un esprit démocratique sans concession avec l'attention portée aux problématiques du développement, d'une part, de l'environnement, d'autre part, paraît prometteuse et m'incite à passer sur quelques clichés. Est-ce une retombée française du Policy Network de Peter Mandelson? L'anonymat du site laisse néanmoins une impression mitigée.

Rapport de l'Iraq Survey Group: et alors?

D'une certaine façon, je suis sidéré de la place que prend depuis deux jours, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis (et sans doute aussi en Australie, pour la même raison), le enième rapport confirmant qu'il n'y avait en définitive par de stocks d'armes de destruction massive prêtes à l'emploi en Irak: c'est évidemment le contraire seulement qui mériterait les gros titres. Mais dans ces trois pays les médias bien pensants et les partis d'opposition tentent de faire mousser au maximum leur interprétation du rapport Duelfer pour embarrasser le pouvoir en période (pré)électorale.

Cela signifie-t-il que Blair, Bush ou Howard ont menti ont invoquant la menace irakienne? Evidemment non: tout le monde à l'époque (y compris Chirac ou les dirigeants arabes) était convaincu de la réalité du danger, et encore après le début de l'intervention les militaires irakiens eux-mêmes étaient persuadés de l'existence de telles armes (dans le régiment d'à côté) et de leur emploi imminent.

Cela signifie-t-il que l'intervention internationale était inutile? Evidemment non: le rapport confirme que Saddam n'attendait que l'occasion de reconstituer sa capacité offensive. Il faut rappeler sans se lasser à ceux qui ont la mémoire courte que de telles armes ont effectivement existé et été utilisées dans le passé, tant dans la guerre contre l'Iran que contre le peuple irakien lui-même. De même la volonté de se doter de l'arme nucléaire était une réalité dont la France et Chirac personnellement porteraient une lourde responsabilité si l'aviation israélienne n'avait pas détruit l'installation d'Osirak. Depuis lors, la Lybie, elle, a admis avoir des armes de destruction massive et y a renoncé de manière crédible; et je doute que le rapport de l'ISG ait pu porter sur ce qui a pu passer en Syrie et en Iran...

Il faut se souvenir que la résolution 1441 adoptée à l'unanimité par le Conseil de sécurité ne comportait pas seulement un élément en quelque sorte objectif (maintenant seulement véritablement établi), l'inexistence d'armes de destruction massive, mais aussi un élément subjectif qui lui n'a jamais été établi, l'ouverture du pays à une collaboration pleine et entière avec l'ONU. La crédibilité même du système international dont l'ONU est la clé de voûte était ébranlée par l'incapacité du Conseil de sécurité à tirer les conséquences de l'obstruction de Saddam, ç'aurait été encore bien pire s'il avait fini par l'emporter faute d'intervention de la coalition internationale.

Mais les leaders de la coalition devraient-ils se repentir, et regretter de ne pas s'être contenté d'une politique d'isolement de l'Irak et de poursuite des inspections engagées sous les auspices de l'ONU? Bien sûr que non, car le désarmement de l'Irak s'inscrit dans une stratégie plus large de libération démocratique et de reconstruction économique de l'Afghanistan et de l'Irak afin de contrer l'islamofascisme de manière effective, et sur ses terres. Ceux qui prônent a posteriori la politique des sanctions qui a été appliquée pendant 10 ans oublient qu'à l'époque ils s'indignaient des souffrances endurées par le peuple irakien et militaient pour les lever... Leur poursuite aurait signifié la continuation du détournement par Saddam (et semble-t-il de larges complicités occidentales dont je voudrais être certain qu'elles n'ont pas joué un rôle dans l'opposition de certains gouvernements à l'intervention) du programme de l'ONU "pétrole contre nourriture", détournement qui était, on le sait maintenant, la véritable cause et de l'ineffectivité des sanctions sur le régime et de leur effet sur le peuple irakien.

En fin de compte, la désinformation n'est pas où les médias veulent la voir mais bien chez Saddam, qui est parvenu à faire illusion, tant que le 11 septembre 2001 n'a pas rendu obsolète et insupportable l'attentisme face à son régime. Il pouvait éviter l'intervention en reconnaissant son bluff, ce qui aurait entraîné sa chute et permis alors une transition plus pacifique pour laquelle l'appui de la communauté internationale n'aurait alors pas soulevé autant d'opposition... On ne refait pas l'histoire, mais il ne faut pas non plus inverser les responsabilités.

COMPLEMENT DE 18H: Décidément c'est pire que je le pensais. Que Pasqua ait touché ne surprendra personne, mais le janséniste (s'il n'était calviniste) Pierre Joxe! Ultérieurement premier président de la Cour des comptes, actuellement membre du Conseil constitutionnel, il aurait reçu en 1992, alors qu'il était ministre de la défense de Mitterrand, un million de dollars à l'intention du PS de la part de l'ambassadeur irakien à Paris, selon des documents des services secrets irakiens inclus dans le rapport de l'ISG (Daily Telegraph, gratuit mais il faut s'inscrire).
MISE A JOUR: "La France dément les accusations de corruption du rapport Duelfer" (Le Monde daté du 9.10, mais je ne trouve pas de lien), Pasqua et Joxe démentent pour ce qui les concerne. Mais c'est un peu court.

5.10.04

Hallucinant

Via Norman Geras, je découvre le discours de Heinrich Himmler sur la solution finale, prononcé le 4 octobre 1943 à Poznan, en Pologne. Il en existe un enregistrement qui peut être écouté en ligne, en suivant aussi la transcription en allemand ou la traduction en anglais, grâce à un site qui donne par ailleurs d'utiles explications complémentaires. Proprement hallucinant.

3.10.04

Vocabulaire: la réforme

Ainsi donc mille personnes, dont 70 députés, se sont réunis à la Maison de la Chimie à Paris pour de premières "rencontres de la réforme". Je sais bien que j'affiche mon âge en disant cela, mais cela me fait un peu mal de voir que le mot est désormais (et pas sans raison) associé à la droite -- au point d'ailleurs que quand un gouvernement de gauche réforme, comme en Allemagne, ses partisans comme ses adversaires sont persuadés qu'il mène une politique de droite! Naguère, de Mendès France dans les années 50 jusqu'aux années 70 avec Jean-Jacques Servan-Schreiber, le mot et la chose appartenaient à la gauche: la Manifeste radical Ciel et Terre était une tentative originale de donner un contenu à la gauche libérale qui avait 20 ans d'avance sur la Troisième Voie de Clinton et Blair. Le Congrès d'Epinay en 1971 puis le Programme commun de gouvernement dessinèrent un autre cours, au moins jusqu'à ce que, en 1983, Mauroy et Delors parviennent à briser l'étau; l'esprit de réforme fut brièvement repris par Giscard d'Estaing après sa victoire de 1974 (premier gouvernement Chirac!).

Aujourd'hui ce courant est encore incarné par un Christian Blanc et le mouvement L'Ami public qu'il avait lancé avant l'élection présidentielle de 2002. Mais de rocardien Christian Blanc est devenu député UDF...

La gauche, elle, ne paraît plus savoir faire autre chose que "résister".

2.10.04

Mariage dématrimonialisé: l'Espagne confirme

Zapatero l'avait annoncé, il le fait: le mariage civil sera ouvert tant aux couples de même sexe qu'aux couples de sexe opposé. L'Espagne rejoint ainsi ses anciennes provinces de Belgique et des Pays-Bas (en allant plus loin que la Belgique pour ce qui est de l'adoption).

Qu'en dirait un Emmanuel Todd? Je ne puis m'empêcher d'y voir un règlement de compte anti-catholique et d'athéisme militant, alors que les pays de tradition protestante ont une approche plus souple, moins dogmatique, avec le mariage pour les hétéros et le partenariat enregistré pour les couples de même sexe (l'exception française se manifestant par un PaCS hypocrite, statut au rabais ouvert aux deux types de couples en alternative à un mariage qui reste limité aux hétéros).


1.10.04

Rattrapage

De nouveau tranquille à Londres, après quelques jours pressés à Genève (même pas de temps morts pour lire les blogs téléchargés sur le Tréo 600!). Je lis donc avec retard:


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