29.11.04
Après eBay, Pierre Omidyar révolutionne le charity business
Mais la vie ne se résume pas à cette grande division entre l'économie et la politique, ou le marché et la démocratie, ou l'entreprise et l'Etat. On oublie souvent le troisième larron: le secteur associatif, l'économie sociale, le secteur communautaire, le tiers secteur, le secteur non lucratif (la difficulté de le nommer et d'en fixer précisément les contours est une de ses caractéristiques). On y trouve des groupes fondés aussi bien sur l'entraide (l'échange) que sur le don (purement caritatif) que sur des prestations économiques (mais à but idéal, par exemple écologique, tout profit étant réutilisé dans le même but et non distribué), de l'échelle individuelle non structurée à la multinationale (qu'on pense aux grandes organisations humanitaires telles qu'Oxfam ou écologiques comme le WWF).
Eh bien le tiers secteur est lui aussi à la veille de sa révolution digitale. Non seulement par la mise en place de plate-formes nouvelles, telles que Spirit of America (qui met en contact directement des projets d'aide humanitaire ou de coopération au développement avec des donateurs) mais par l'action de personnes telles que Pierre et Pam Omidyar qui, fortune faite après avoir créé eBay, se consacrent désormais à plein temps à la philanthropie. Selon une tradition tout à l'honneur de l'aile idéaliste du capitalisme, qu'illustre également un Bill Gates, ils destinent la plus grande partie de leur fortune au financement de bonnes causes; l'innovation, c'est qu'ils paraissent décidés à changer aussi le processus d'attribution pour s'en remettre aux destinataires, aux acteurs eux-mêmes, en créant les outils nouveaux nécessaires pour cela.
Vous trouvez tout cela un peu nébuleux? On n'en est qu'au tout début. Pour moi, comme militant politique et associatif à l'occasion actif sur le front des droits de l'homme, du développement ou de l'écologie, la problématique est ancienne: j'avais écrit un article sur la manière dont le Net pouvait transformer l'activitité associative en 1998 déjà, le caractère fictif de la frontière entre ce qui est lucratif et non lucratif dans l'activité à but idéal est un de mes dadas. Mais je n'ai découvert Omidyar que le week-end dernier, au travers de ce billet de Jeff Jarvis qui m'a amené à cet article dans Business Week ainsi qu'à cette interview de Pierre Omidyar (dont les ambiguïtés ne m'échappent pas: est-il vraiment logique de fuir un endroit au motif qu'il est trop cher pour que les fonctionnaires qui assurent le service public y vivent, pour se retrouver dans une de ces gated communities coupées du monde extérieur?), puis à sa fondation et surtout au premier résultat de ces efforts: la communauté virtuelle Omidyar.net. Je viens d'adhérer, reste à voir si je peux encore dégager le temps nécessaire pour m'y impliquer, et si j'ai quelque chose à y apporter et à en tirer...
28.11.04
Les quatre guerres en Irak
- La première guerre est celle menée, en mars-avril 2003, par la coalition en vue de mettre fin au régime de Saddam Hussein; contrairement aux prédictions apocalyptiques des adversaires de l'intervention elle a été rapide et décisive.
- La deuxième guerre est celle alors engagée dans les semaines et mois qui ont suivi, qualifiée par ceux qui l'approuvent de "résistance". Destinée à s'opposer aux Américains et à leurs alliés, y compris Irakiens, ses moyens ont consisté dès le départ, en violation du droit de la guerre et du droit humanitaire, à s'attaquer à l'ONU, à la Croix-Rouge, aux organisations humanitaires, aux Irakiens qui s'engagent dans la police, aux civils, aux infrastructures, dans le but de semer le chaos. Ce que Norman relève, c'est que cette phase n'est nullement une suite logique de la première, alors que la majorité de la population soutient la transition vers la démocratie; quelles que soient les fautes de la coalition (erreurs de planification, Abou Ghraib), si la situation est ce qu'elle est c'est en raison des actes d'éléments de l'ancien régime et d'extrémistes islamistes qui n'ont rien à voir avec la souveraineté irakienne.
- La troisième guerre est celle menée par les autorités transitoires irakiennes et la coalition en vue de permettre la reconstruction du pays et la transition démocratique, en particulier par la tenue d'élections libres (et Norman aurait pu souligner, comme il l'a fait en d'autres occasions, qu'elles bénéficient de la pleine légitimité des résolutions 1511 et 1546 du Conseil de sécurité de l'ONU). Par la force des choses cette guerre est menée contre les tenants de la deuxième guerre, et l'on aurait pu s'attendre à ce que ses objectifs soient partagés par les opposants à la première guerre, au lieu que la coalition soit tenue seule responsable des difficultés présentes.
- La quatrième guerre (que Norman distingue de la deuxième à laquelle on peut aussi la rattacher) est celle qui a spécifiquement pour but d'empêcher par tous les moyens la tenue d'élections libres, le rétablissement d'une souveraineté irakienne complète entre les mains d'autorités démocratiques.
"Cadavre exquis" pour la Constitution européenne?
Sur le fond, rien à redire. Rien de très décoiffant non plus; c'est peut-être lié la forme, et cette note finale m'intrigue:
Traduit de l'allemand, de l'espagnol et du tchèque par les services de la présidence du gouvernement espagnol.
Le blog, virus de la démocratie
L'opération se double d'une compétition entre blogs pour voir qui réunira la somme la plus importante d'ici le 15 décembre. Un swissroll s'est inscrit dans un team initié par Jeff Jarvis (Buzzmachine):
- si le coeur vous en dit, faites votre don ici pour qu'il soit décompté (carte de crédit ou PayPal);
- si vous souhaitez soutenir ce projet en inscrivant votre blog, c'est ici;
- et cette page vous donne des informations complètes sur le projet (mais effectuez de préférence votre don par l'intermédiaire de cette page...).
COMPLEMENT DU 12.12: Liens actualisés, pour éviter une dispersion des forces l'ensemble des blogs qui réunissent des fonds pour l'hébergement gratuit et l'outil destiné aux blogueurs de langue arabe se sont regroupés sous la bannière de Pajamahdeen - Operation Viral Freedom.
27.11.04
Jacques-Simon Eggly, parlementaire médian
Et voici qu'une étude sur les votes nominatifs le désigne comme le parlementaire médian du Conseil National: celui qui a autant de collègues sur sa droite que sur sa gauche.
Finira-t-il trotskyste?! Je ne crois pas, sa continuité est au contraire remarquable. Edgar Faure se défendait d'être une girouette, "c'est le vent qui tourne"... J'ai comme l'impression que le nouveau positionnement de JSE au centre est révélateur d'un glissement du paysage politique suisse autour de lui.
COMPLEMENT DU 28.11 DE GUILLAUME BARRY: La comparaison avec d'Ormesson joue pour le côté droite patricienne et prévisibilité. Mais elle est injuste en raison du côté narcissique du Français, de l'image imbu et satisfait de lui-même qu'il donne. JSE est certes très sûr de lui, mais, en bon protestant, il respire le sens de l'intérêt supérieur.
Architectes de stades
Comme je suis sûr qu'ils y pensent aussi, j'aurais bien voulu connaître leur réponse à la préoccupation de ceux pour qui un stade évoque surtout Santiago en septembre 1973.
26.11.04
Même Le Monde est capable d'autocritique (sans le dire)
Dénigrer la démocratie américaine, c'est, comme souvent dans le passé, s'aveugler sur les problèmes de l'heure et retarder le moment d'en débattre.Patrick Jarreau signe, en Une de l'édition datée d'aujourd'hui, une analyse intitulée Crispation américanophobe (sans même un point d'interrogation) qui tranche agréablement avec l'ordinaire du journal.
Mais pas de surprise: il ne figure pas au hit-parade des dix articles les plus recommandés par les internautes qui fréquentent le site!
25.11.04
Du blog au papier
- l'avantage, c'est qu'il n'y a pas de rédacteur en chef: l'auteur derrière son clavier est en direct, aucun autre moyen ne lui est nécessaire pour s'exprimer;
- l'inconvénient, c'est qu'il n'y a pas de rédacteur en chef (pour contraindre à rester dans le sujet, resserrer le style, veiller à ce que cela soit compréhensible...).
COMPLEMENT DU 2.12: Le CICR répond.
24.11.04
Election ukrainienne
COMPLEMENT DU 26.11: Suivez l'évolution de la crise en direct sur A Fistful Of Euros ou sur le blog de blogs Ukraineblogs.
22.11.04
Theo van Gogh, Pim Fortuyn et la résistance à l'islamofascisme
Irak: "Bonnes nouvelles" No 15 et d'autres
Et pourquoi n'iriez-vous pas également lire un peu Iraq The Model, le blog de trois frères qui vient de célébrer son premier anniversaire avec un message émouvant de Mohammed, Ali et Omar? Il y a bien d'autres billets passionnants, par exemple celui-ci sur l'éducation civique en cours en vue des élections parlementaires fixées au 30 janvier 2005.
21.11.04
Encore une organisation qui se discrédite
Le monde entier a été choqué, cette semaine, par deux assassinats, celui d’un combattant blessé et, à nouveau, celui d’une personne retenue en otage, la responsable humanitaire Margaret Hassan.
Un cas classique de fausse équivalence hypocrite, vous direz-vous. Comme il est tout de même difficile de défendre la mise à mort de sang-froid, après l'avoir contrainte à être filmée dans des déclarations humiliantes, d’une otage britannique qui était opposée à l’intervention en Irak et a consacré 30 années de sa vie à ce pays, on la met sur le même plan que ce qui est, au pire, une bavure (à sanctionner comme telle), et peut-être un acte excusable de la part d’un soldat se croyant menacé dans le feu de l’action. Cette déclaration, qu’on croirait émise par un quelconque comité de soutien à la «résistance» irakienne, ou des pacifistes dont la sentimentalité oblitère les capacités de raisonnement pour qualifier les deux actes d’assassinat, émane pourtant très solennellement du directeur des opérations du Comité international de la Croix-Rouge, Pierre Krähenbühl, sous le titre «Le CICR appelle à un meilleur respect des normes fondamentales de l’humanité» (je ne le soupçonne évidemment pas de minimiser l'assassinat de personnes «retenues» en otage, mais je lui reproche de surfer sur la confusion générale par démagogie, compromettant ainsi sa propre mission pour laquelle le respect des faits paraît cruciale).
Après Amnesty International (mais ce n’est qu’une organisation privée), après l’ONU, dont le Conseil de sécurité n'assume pas ses responsabilités et dont le secrétaire général, Kofi Annan, multiplie les déclarations malheureuses, s’empêtre dans le scandale de la corruption du programme Pétrole contre nourriture (son interruption va finir par donner à lui tout seul une justification suffisante à l’intervention: il s'agit tout de même de 21 milliards de dollars) et vient même, c'est le bouquet, de se faire désavouer par son propre personnel pour son indulgence vis-à-vis d’un cadre poursuivi pour harcèlement sexuel, le CICR était la dernière grande organisation active dans le droit humanitaire conservant un semblant de crédibilité.
A mes yeux, elle l’avait déjà perdue en abandonnant, parce qu’il s’agissait des Etats-Unis, sa politique d’intervention confidentielle au printemps dernier; quand le CICR aura mis à jour sa liste de donateurs, il cessera de m’envoyer des invitations telles que celle que je viens encore de recevoir pour une «Rencontre de l’Humanitaire» sur le thème «Trop peu, trop tard pour les victimes du Darfour?». Mais là il donne une nouvelle preuve qu'il n'est pas, plus, une de ces «organisations humanitaires neutres, indépendantes et impartiales» dont il se lamente qu'il leur est «devenu difficile (...) d’apporter assistance et protection aux victimes du conflit en Irak».
«En cas de violation de ces règles, ou de toute autre règle applicable du droit international humanitaire, les personnes responsables doivent être tenues comptables de leurs actions», nous dit aussi vertueusement le CICR. Faut-il préciser que c'est bien le cas pour les soldats US, mais évidemment pas pour les tortionnaires islamo-saddamistes sinon par l'intervention des forces de la coalition?
Il est vertigineux de voir à quel point le comportement de l'armée régulière s'est amélioré par rapport aux conflits passés, de la deuxième guerre mondiale au Vietnam (et le CICR pourrait se féliciter de voir ses efforts inlassables porter ses fruits!): où sont les viols massifs? Où sont les prisonniers exécutés de sang-froid par la coalition, où sont les femmes et les enfants assassinés par jeu par les soldats? Contrairement à ce qu'on nous laisse croire, la coalition parvient à mener une action d'une efficacité remarquable, dans des conditions effroyables, tout en ménageant autant que possible non seulement ses troupes (et ce n'est qu'une préoccupation extrêmement récente de la part des militaires) mais aussi les civils, tout en assurant dans la foulée l'aide humanitaire et la reconstruction.
Car l'affaire Margaret Hassan illustre le bluff des organisations humanitaires qui se plaignent d'être privées du monopole auquel elles prétendent: ce n'est pas la faute de la coalition si elles ne sont pas en mesure d'agir. C'est leur refus de prendre en compte l'évolution de la nature des conflits qui les rend sourdes, aveugles et incapables de s'adapter.
COMPLEMENT DU 25.11: Sous une forme retravaillée, ce billet est publié dans la rubrique L'Invité de la Tribune de Genève [et une réponse du CICR le 2.12].
COMPLEMENT DU 26.11: Ajouté deux liens à propos du combattant blessé tué par un Marine à Fallujah: sous "bavure" le récit du cameraman, témoin direct (via Intel Dump), et sous "peut-être" l'analyse de deux spécialistes -- merci Emmanuel!
Chirac qui parle de l'Afrique, c'est Senghor qu'on assassine
20.11.04
Classement des universités
La Suisse ne s'en tire pas mal:
- selon un premier classement de 2003 [pdf], l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich est 25e, l'Université de Zurich 45e, l'Université de Bâle 96e;
- selon un deuxième classement de 2004 [pdf], l'EPFZ est 27e, l'Uni de Zurich 57e, l'Uni de Bâle 91e;
- selon un troisième classement, celui du Times Higher Education Supplement reproduit par Emmanuel, l'EPFZ est 10e et l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne est 35e.
19.11.04
Traité constitutionnel de l'UE
Traumatisme et ignorance
Les fréquents scrutins que l'on connaît en Suisse donnent régulièrement des cas d'application du phénomène de l'incompréhension de l'élite libérale, ouverte, cultivée, urbaine (j'en fais le plus souvent partie) à l'égard du point de vue de la majorité. Ainsi le refus, fin septembre, d'une procédure de naturalisation facilitée pour les étrangers de la deuxième et de la troisième génération (et les intéressés ont certainement ressenti très directement le même sentiment de rejet que les gays selon l'article mentionné ci-dessus); le plus traumatique a probablement été le refus de l'adhésion de la Suisse à l'Espace économique européen en 1992 ("Un jour noir pour la Suisse").
Instapundit se fait l'écho d'une réflexion très pertinente à ce propos:
One of the election lessons for Democrats is that while the Left doesn't understand the Right, the Right can't help but understand the Left, because the Left is in charge of pop culture. Urban blue staters can go their entire lives happily innocent of the world of church socials and duck hunting and Boy Scout meetings, but small-town red staters are exposed to big-city blue-state values every time they turn on the TV.
17.11.04
Après Falloudja
Et l'image que l'on voulait nous donner d'une "résistance" à l'occupant, ou d'une ville "sunnite" face à la majorité chiite irakienne commence enfin à se lézarder pour laisser apparaître une population qui était prise en otage par des nostalgiques de la dictature baassiste et des islamistes extrémistes dont bon nombre ne sont d'ailleurs pas Irakiens. Une hirondelle ne fait pas le printemps, mais un article significatif a paru aujourd'hui dans la Tribune de Genève (le quotidien local, parfaitement représentatif du défaitisme antiaméricain qui prévaut encore):
Huit mois dans l'enfer islamiste de Falloudja
Huit mois de terreur. Chambres de torture, corps brûlés, mutilés, décomposés… Depuis que les Américains ont déclenché la semaine dernière l’assaut sur le bastion sunnite de Falloudja on commence à découvrir avec horreur ce que fut véritablement le quotidien de la population soumise à la loi des rebelles irakiens et des islamistes étrangers. Depuis la première offensive des marines en avril, le Conseil des moudjahidines a gouverné ce sanctuaire de la résistance à grands coups de décrets religieux. Un huis clos effrayant, à seulement 50 km de Bagdad.
Envoyé spécial à Falloudja de l’Agence France Presse (AFP), Ned Parker a recueilli de sombres témoignages. Sous la direction du cheikh Abdallah Janabi, le Conseil des moudjahidines avait interdit la vente de musique, de cassettes vidéo ou d’alcool. Une censure appliquée à la lettre par des hommes en armes. «Ils portaient des masques noirs, se promenaient avec des kalachnikovs et des roquettes antichars», raconte Iyad Assam, 24 ans. Tout contrevenant aux règles édictées était flagellé. Quant aux femmes, elles devaient être voilées de la tête aux pieds. Sous peine d’exécution. (Est-ce pour cela que les marines ont trouvé dimanche des corps de femmes mutilées?) Le même sort attendait les habitants soupçonnés de collaborer avec les Américains. «Tout suspect était égorgé. Chaque jour, vous pouviez voir des corps d’inconnus gisant dans les rues de la ville», se souvient un sexagénaire qui ne veut pas être identifié par peur de représailles. «Quand ils avaient un problème avec quelqu’un, ils le tuaient ou l’emprisonnaient», résume un adepte du soufisme, doctrine mystique de l’islam exécrée par les moudjahidines. «C’était très difficile. Nous n’osions pas même aller travailler!»
Voir aussi cet article dans The Times de Londres.
Partenariat à la Chambre des Lords -- en direct
Invitée à se rallier à la version adoptée par les Communes (massivement, tous partis confondus), la Chambre des Lords est saisie d'un amendement qui reformule, et de manière plus habile, la précédente tentative de dévier la loi de son but en étendant le cercle des bénéficiaires à d'autres que les couples de même sexe. Confrontée au refus des Communes et aux arguments techniques opposés à sa version précédente (que les Lords avaient approuvée), la baronne O'Cathain propose la main sur le coeur une simple délégation au gouvernement pour établir un régime "parallèle" (et simplifié, excluant des éléments comme les assurances sociales) pour les membres d'une même famille en ligne directe qui le souhaiteraient, avec l'exemple de deux soeurs vivant ensemble.
Le raisonnement avancé, et repris comme une évidence par de nombreux orateurs, est que la loi, en remédiant à une injustice faite aux couples de même sexe, créerait une injustice à l'égard de ces parents qui, eux non plus, ne peuvent pas se marier ensemble [mais ils peuvent en revanche potentiellement être mariés ou partenaires de leur côté, contrairement à des partenaires enregistrés auxquels on prétend les assimiler, ndla]. Comme d'autres orateurs le font remarquer, la loi ici répare une injustice, s'il y en a d'autres à réparer également ce n'est pas elle qui les créé -- mais visiblement elle exacerbe un sentiment d'envie alors que la prétendue injustice existait déjà auparavant par rapport à un couple marié! Lord Tebbit, homophobe patenté, vient d'en faire la démonstration, n'hésitant pas à, simultanément, utiliser la tragédie personnelle de l'attentat de l'IRA qui, il y a 20 ans, l'a sévèrement blessé et a laissé sa femme invalide, et trivialiser la nature de la relation entre partenaires de même sexe: si j'étais décédé et que c'était un de nos enfants qui avait pris en charge les soins de leur mère, dit-il, au décès de celle-ci il n'aurait aucun droit particulier; si j'avais été laissé veuf et que je m'étais alors mis en partenariat avec un homme rencontré peu avant, à mon décès il aurait tous les droits [mais c'est la même chose en cas de remariage, ndla], c'est une inégalité injuste.
L'hypocrisie est patente même si elle n'est pas soulignée par le gouvernement et les adversaires de l'amendement, qui pour la plupart jouent sur le registre de la compréhension à l'égard de ce "problème réel", qui doit être traité pour lui-même (ce qui permettra d'ailleurs d'étendre une solution à tous les "carers", également ceux qui ne sont pas apparentés à la personne soignée à plein temps). Seule la baronne Howarth of Breckhard fait remarquer que, dans le contexte d'une série récente d'agressions homophobes à Londres, le vote d'un tel amendement (qui empêcherait la loi d'être adoptée d'ici la fin de la session parlementaire, demain) ne pourrait que renforcer l'image négative d'une Chambre des Lords déconnectée de la réalité.
Le débat est maintenant terminé après une intervention ferme et exhaustive de la représentante du gouvernement sur ce dossier, la baronne Scotland of Asthal (elle s'est offert le petit plaisir de "moucher" Tebbit qui, comme la coutume le permet, l'interrompait par une question se voulant perfide; il persévère dans la finesse en évoquant "deux frères homosexuels").
Le vote se déroule ensuite par la "division" de la Chambre, dont les membres quittent l'enceinte par deux portes différentes selon qu'ils approuvent ou refusent l'amendement... Il est refusé, et même nettement (251 à 136) -- comme quoi il est des débats qu'il vaut mieux pour sa sérénité ne pas suivre en direct! La suite est "poutzée" en 5 minutes, les Lords se rallient sans mot dire aux 94 divergences introduites par la Chambre des Communes. La loi peut maintenant être promulguée par la reine, elle entrera en vigueur à une date qui sera fixée par le gouvernement. Hourra! (En Suisse, le souverain c'est le peuple et ce sera le 5 juin).
16.11.04
Chirac toujours aussi maquignon
15.11.04
Bonnes nouvelles d'Afghanistan (6)
Ah Le Monde...
Il est conforme à sa caricature, au-delà de mon attente, à propos des déclarations de Bush sur la situation israélo-palestinienne: sarcasme en Une ("Bush d'accord pour un Etat palestinien, mais plus tard"), complété par un reproche infantile ("le président américain a refusé de s'engager précisément à ce que cet Etat voie le jour avant la fin de son second mandat") -- quand Bush n'est pas un idiot, s'enfonçant dans un bourbier en Irak, il serait tout puissant -- puis un article "George Bush refuse toute échéance pour un Etat palestinien" et un éditorial "Bush trop prudent".
Mais il contient aussi une analyse subtile et sévère pour la diplomatie française de la situation européenne: "Le 'noyau dur', dernière illusion française", par Arnaud Leparmentier...
13.11.04
Pas de paix sans liberté
Ce qui est fascinant, c'est de voir avec quelle méfiance et quelle cynisme de tels engagements sont accueillis par ceux-là même qui prennent pour argent comptant la moindre déclaration d'un Arafat, justement, ou d'un Chirac. Sur la BBC (mais c'est sans doute la même chose à la télévision romande ou française, dans Le Monde ou Le Temps), l'information est accompagnée d'une analyse dubitative et même un commentateur subtil comme Andrew Marr se croit obligé de jouer l'étonnement. Or Bush n'a pas varié sur ce sujet au moins depuis son discours à l'Assemblée générale des Nations Unies, le 12 septembre 2002, dans lequel il déclarait déjà:
In the Middle East, there can be no peace for either side without freedom for both sides. America stands committed to an independent and democratic Palestine, living side by side with Israel in peace and security. Like all other people, Palestinians deserve a government that serves their interests and listens to their voices. My nation will continue to encourage all parties to step up to their responsibilities as we seek a just and comprehensive settlement to the conflict.Si la conversion de Bush à l'internationalisme démocratique est d'autant plus remarquable qu'elle est contraire au programme sur lequel il a été élu en 2000 (mais elle a été répétée à maintes reprises, appliquée dans les faits a été dûment confirmée par sa réélection), la conviction de Blair est, elle, conforme à la meilleure tradition de la gauche démocratique et avait déjà trouvé son expression complète dans un discours prononcé à Chicago le 24 avril 1999.
12.11.04
Arafat: l'arbre qui cache la forêt
Mais comme James Taranto du Wall Street Journal le rappelle:
Of course, "the Palestinian people" would have had a state in 1948 had the Arabs not immediately declared war on the nascent state of Israel. Arafat, who founded the Palestine Liberation Organization in 1964, was instrumental in developing a Palestinian political culture centered on rejectionism, anti-Semitism and terrorism.
11.11.04
Lu ailleurs
Chez Hugues de Commentaires et vaticinations:
- Abou Graib sur Rhin à propos des brimades racistes dont a été victime un ouvrier noir d'une usine d'Osram, dans l'indifférence générale -- c'est lui qui a failli être licencié. Contrairement à Abou Graib, il ne s'est trouvé aucun de ceux qui ont vu circuler une photo où la victime est attachée à un poteau, ligotée au papier collant, pour s'en émouvoir et en saisir qui de droit, et la direction de l'entreprise continue de minimiser les faits.
- Et si Fabius avait raison? Le scénario peu vraisemblable de ce que pourraient rêver les socialistes opposés au traité constitutionnel de l'UE.
9.11.04
Pas de quoi avoir la gueule de bois
La réalité est nettement moins dramatique -- ou elle l'est encore davantage. Une analyse plus fine des résultats ne conforte nullement la thèse d'une élection portée par l'homophobie et le fanatisme évangélique. C'est bien plus traditionnellement la fermeté de Bush face aux hésitations de Kerry qui paraît avoir fait la différence, sur fond d'Irak et de lutte contre le terrorisme. Et si l'électorat est divisé, les cartes par Etats donnent une vision trompeuse, les partisans de l'un et ceux de l'autre sont partout, côte à côte: rien à voir, comme le montre, cartes à l'appui, Laurent Le Polyscopique, avec l'élection de 1860, où Lincoln n'a emporté que 2 comtés sur 996 dans le Deep South.
Corruption et banques suisses
- Même si c'est en page intérieure et en pied de page (sous deux autres articles plus révérencieux: "Une succession et non un remplacement: Arafat est irremplaçable" et "Une vie en symbiose avec la religion, non sans arrières-pensées tactiques"), Le Monde de samedi a fini par donner une idée de l'étendue de la corruption personnelle du président palestinien.
- Et lundi Le Temps (articles 19 et 22, payants) présente une partie des détournements du programme de l'ONU "pétrole contre nourriture" qui devait accompagner l'embargo international contre le régime irakien, à propos de démarches pressantes auprès des autorités suisses de la commission d'enquête indépendante nommée par Kofi Annan.
Comme frères et soeurs?
8.11.04
Bonnes nouvelles d'Irak (14)
7.11.04
Great Awakening?
De cette analyse, il ressort que l'histoire de l'Amérique est marquée par des bouleversements religieux, les "grands éveils", qui correspondent à une évolution de la pensée religieuse dominante associée à la construction de l'égalité entre américains (doctrine de l'égalitarianisme). C'est "dans un premier temps l'essor spectaculaire de la religion" qui est présenté comme le moteur de l'évolution politique et sociale vers plus d'égalité; les cycles politiques sont "dictés par des 'grands éveils' religieux". L'auteur reconnaît ainsi trois "grands éveils" historiques. Le deuxième, qui aboutit à l'abolition de l'esclavage, et le troisième, qui consacre la disparition de la ségrégation raciale et la protection des minorités, sont attribués par Fogel à l'essor respectifs des mouvements religieux puritains et évangélistes noirs (Martin Luther King).
Cette thèse des religions comme moteurs de l'évolution sociale lui permet d'introduire son hypothèse: selon Fogel, les USA vivraient aujourd'hui leur quatrième Grand Eveil, lié à l'essor des religions évangélistes qui soutiennent des idées novatrices...
Mais où est l'antithèse? Quelques recherches rapides permettent d'en apporter les premiers éléments!
Si on recherche une définition simple de ce qu'est un "grand éveil", on trouve qu'un "grand éveil" se déclare quand les changements sociaux sont tels que les religions traditionnelles deviennent incapables de fournir des réponses pertinentes aux questions soulevées par la société contemporaine. Il existe alors un décalage entre les courants religieux majoritaires et le monde réel et de nouveaux systèmes de croyance se développent pour combler ce décalage. Autrement dit, les "grands éveils" ne sont pas les causes premières des évolutions sociales, ce sont les conséquences de ces évolutions au sein-même des mouvements religieux.
L'histoire du mouvement anti-esclavagiste montre qu'il est resté du début (1831) à la fin (1867) indépendant des églises traditionnelles, qui sont restées très silencieuses à ce sujet. Parmi les leaders du mouvement, il y avait bien des Méthodistes, quelques Baptistes, de très rares Unitariens, Episcopaliens et Catholiques, mais tous ceux qui se sentaient mus par des motivations religieuses agissaient d'abord en tant qu'individus, leurs hiérarchies religieuses respectives restant opposées ou indifférentes à l'abolitionnisme. Beaucoup de leaders abolitionnistes étaient ouvertement détachées de la religion, certains affichaient même un fort anti-cléricalisme (Garrison). Seuls les Quakers ont apporté leur soutien (non-violent) en tant qu'organisation religieuse. Cent soixante dix après, ce qu'on retient surtout, c'est que les églises dominantes ont montré leur attachement aux intérêts esclavagistes, en accord avec leur support habituel de l'ordre social et économique dont elles bénéficient.
De même, l'histoire de la lutte contre les ségrégations raciales (et contre le sexisme à la même époque) a été écrite majoritairement par des hommes et des femmes agissant en dehors d'un cadre religieux. Le premier leader religieux influent du mouvement pour les droits des minorités noires est Martin Luther King, dont l'action débute en 1955, soit plus de 40 ans après la création de la NAACP (National Association for the Advancement of Coloured People). Martin Luther King est certes un leader profondément religieux, convaincu que son combat est en complet accord avec le Gospel, mais on remarquera qu'il agit aussi en tant que membre de cette minorité noire opprimée. Dans une lettre écrite en prison qui est restée célèbre, il dit en 1963 sa désillusion envers les églises de son pays: "So here we are moving toward the exit of the twentieth century with a religious community largely adjusted to the status quo, standing as a tail-light behind other community agencies rather than a headlight leading men to higher levels of justice." ou encore "The contemporary church is often a weak, ineffectual voice with an uncertain sound. It is so often the arch supporter of the status quo. Far from being disturbed by the presence of the church, the power structure of the average community is consoled by the church's silent and often vocal sanction of things as they are."
L'étude historique montre donc que les institutions religieuses agissent bien plus comme des freins que comme des moteurs de l'évolution sociale; les religions établies assurent en quelque sorte une cohésion sociale dont le corollaire est la rigidité. Toutefois, si les évolutions constatées dans la société civile ont une origine largement séculaire, on peut aussi argumenter en rappelant que quelques sectes religieuses minoritaires ont joué un rôle dans ces évolutions. Les religions évangélistes font-elles partie de nos jours de ces mouvements religieux révolutionnaires porteurs d'un nouveau système de croyance, en adéquation avec la société civile? La question mérite d'être posée. (à suivre)
6.11.04
La France, l'ONU et l'Irak
5.11.04
Une Latino lesbienne élue shérif de Dallas
Comment les Démocrates (et la gauche) ont perdu pied
COMPLEMENT du 6.11 à 10h45: Une intéressante analyse d'un Démocrate, avec en particulier une liste d'arguments de bon sens qui n'ont jamais été pris en compte (via InstaPundit). Deux exemples:
- Proportional response with no preemption allows the other side to set the pace of the battle.
- If you never are willing to draw a line where human life starts, there will be no line.
Attentat en Irak: 3 morts
Palestine: Bush réaffirme son engagement
My first reaction is God rest his soul. My second reaction is that we will continue to work for a free Palestinian state that's at peace with Israel.
Et un autre scrutin important
Le réveil a été dur: c'est non à 78%, et cela dans la région qui semblait la plus propice! C'est à peu près le résultat essuyé en Suisse par un projet bien plus iconoclaste dont j'étais parmi les proposants: la réunion en un seul des cantons de Genève et Vaud. C'est un échec douloureux pour le New Labour, dont une des originalités les plus spécifiques est cette volonté de décentralisation démocratique, doublée du souci d'en faire reposer la légitimité sur une votation populaire alors que la tradition nationale permettrait sans autre un décret central...
Les Britanniques ont décidément un problème avec la souplesse créative dans la manière d'exercer la souveraineté étatique, que cela soit vers l'Europe ou vers l'intérieur (le parti souverainiste UKIP a bien vu le lien en faisant campagne contre une autorité régionale). C'est peut-être le revers d'avoir inventé la démocratie moderne en l'investissant toute entière dans le Parlement de Westminster, considéré comme source unique de toute légitimité. Mais le résultat du refus de s'adapter à la complexité du monde moderne est une perte de contrôle démocratique. C'est manifeste à l'échelon supérieur, comme l'expérimente la Suisse hors de l'UE: elle est contrainte de s'aligner sans avoir son mot à dire sur les modalités de ces réglementations pour lesquelles désormais l'espace national est trop étroit. Mais c'est aussi vrai sur le plan interne, quand la centralisation du pouvoir à Londres (comme par hasard la région la plus dynamique) créé un éloignement du terrain et oblige, pour s'en rapprocher, à mettre sur pied des institutions locales non élues en guise d'intermédiaire: c'est ce qui se passe en Angleterre (en Suisse le mouvement est inverse: les cantons devenant trop petits, c'est à l'échelon intercantonal que se développe une technostructure échappant au contrôle démocratique).
La dévolution à l'Ecosse et au Pays de Galles (comme à l'Irlande du Nord) ne rend que plus archaïque la situation de l'Angleterre où entre d'aimables autorités locales (d'ailleurs entièrement sous la coupe des directives de l'autorité centrale) et le parlement et autres ministères, il n'y a que des fonctionnaires et autres "agences". Le transfert de certaines de leurs attributions à une autorité régionale élue, qui n'était sans doute qu'un premier pas, n'a pas convaincu; le projet est manifestement apparu comme "plus de gouvernement", plutôt que comme "un gouvernement plus proche" (et le dépassement massif de la durée de construction et du coût du nouveau siège du parlement écossais voisin a pu nourrir la démagogie à ce propos).
Y a-t-il d'autres solutions que de revenir à la charge une fois que l'évidence se sera imposée? Un parlement anglais (pour plus de 80% du pays) n'aurait pas beaucoup de sens. Plutôt que du sur mesure à géométrie variable, proposer une solution d'ensemble pour les régions d'Angleterre, avec une réduction accrue du pouvoir central? Mais elle se heurterait à une résistance féroce de fonctionnaires imbus de "service public" et de leur indépendance du pouvoir politique. Au minimum, on en viendra sans doute à admettre que le parlement de Westminster siège dans une composition limitée aux élus d'Angleterre sur les questions qui ne concernent que cette dernière, pour mettre fin à cette bizarrerie que le service de santé nationalisé, le NHS, est dirigé par un ministre élu en Ecosse alors que cette dernière a son propre NHS, ou que le nouveau régime des taxes universitaires remboursables à crédit, qui ne s'applique pas à l'Ecosse, n'a passé que grâce aux voix écossaises.
Mais cela ne résout manifestement pas le problème, alors que l'on sent en parallèle une affirmation accrue de l'identité spécifiquement anglaise au sein du Royaume-Uni.
3.11.04
Reconnaissance des couples de même sexe
J'y vois le résultat d'une stratégie de la confrontation voulue par la droite religieuse à l'origine de ces propositions, bien sûr, mais aussi l'échec d'une stratégie tout aussi brutale de la part du mouvement gay américain ou de certains de ses leaders fondée sur le fondamentalisme d'une revendication d'égalité géométrique entre couples hétéros et couples homos, d'une part, et une vision idéologique et juridique de la question, d'autre part. On aura je l'espère la confirmation définitive de la différence entre cette approche et la démarche pragmatique à l'européenne (depuis le Danemark en 1989) lorsque le peuple suisse approuvera, comme c'est vraisemblable, la loi sur le partenariat enregisté pour les personnes de même sexe le 5 juin 2005.
Où sont les différences? Dans l'accent mis sur les situations concrètes de personnes comme vous et moi, plus que sur des principes ayant la froideur du marbre, laissant cela aux adversaires. Dans la modération de la revendication, en distinguant les questions plutôt qu'en les accumulant: le partenariat et la question de l'adoption ou de l'insémination artificielle peuvent être traités successivement, chacun pour lui-même; dans le souci de ne pas "choquer le bourgeois" inutilement si l'on se rend compte que c'est heurter le sens commun de vouloir "dématrimonialiser" le mariage. Et on peut faire tout cela ouvertement, sans tomber dans l'hypocrisie française de cacher un statut pour les couples de même sexe derrière un statut pour les couples hétéros non mariés, avec un résultat insatisfaisant pour les gays et les lesbiennes.
En Amérique, les militants ont cru bon de s'adresser aux juges plutôt qu'aux citoyens, laissant à la droite religieuse le beau rôle de se tourner vers ces derniers! Ce sont des actions juridiques qui ont conduit la Cour suprême du Vermont à rendre un verdict favorable aux couples de même sexe, tout en laissant encore le soin au parlement de l'Etat de légiférer: sous l'impulsion du gouverneur Howard Dean, il a refusé le mariage gay mais établi un partenariat enregistré sur le modèle européen, que ses adversaires ne sont pas parvenus à empêcher. Au Massachusetts, la Cour suprême de l'Etat a choisi d'aller plus loin, lisant dans les droits fondamentaux la "dématrimonialisation" du mariage et déniant au parlement et au peuple tout droit de regard sur la question. C'est peut-être satisfaisant pour les esprits cérébraux, mais cela prend les autres aux tripes: d'où les 11 référendums d'hier. Entre parenthèses, l'approche par les juges plutôt que par la politique est déjà responsable de la fossilisation de la question de l'avortement aux USA...
COMPLEMENT de 23h30: De l'invraisemblablement détaillé sondage "sortie des urnes" (comme on dit curieusement) de CNN, j'extrais les éléments suivants:
- ceux qui ont pris part à l'élection présidentielle se prononcent à 25% pour le mariage gay, à 35% pour un partenariat enregistré et à 37% contre toute reconnaissance légale: l'enjeu c'est donc bien de parvenir à isoler ces 37% plutôt de se retrouver isolé à 25%...
- 4% des électeurs s'identifient comme gay, lesbienne ou bi (96% comme hétéros), dont 23% ont voté pour Bush (la même proportion qu'il y a 4 ans) et 77% pour Kerry.
Génie des alpages
Et maintenant sortir du déni de réalité
J'ai souhaité la réélection de Bush pour une seule raison: je lui fais davantage confiance qu'à Kerry pour poursuivre la contre-offensive engagée dans la guerre déclarée par Al-Quaida contre les valeurs de liberté, qui se déroule sur de multiples terrains parmi lesquels l'Afghanistan et l'Irak: ces deux pays sont aujourd'hui libérés de tyrannies meurtrières, en voie de reconstruction et de développement, pour autant qu'on leur en laisse la chance ce qui implique un soutien résolu, et armé, de la communauté internationale. Je ne crois pas que Kerry l'aurait fait, je n'ignore pas le risque que, finalement, Bush ne cède aux sirènes (réellement) conservatrices, de droite comme de gauche, qui le poussent à replier ses troupes, mais je crois et j'espère qu'il se montrera à la hauteur: il m'a toujours surpris en bien jusqu'ici sur ce dossier! Prochaine étape: les élections irakiennes en janvier, et sans doute la situation en Iran où le pouvoir des mollahs fait face à une révolte intérieure impressionnante (et dont on entend peu parler en dehors des blogs).
Si tant de politiciens, particulièrement en Europe, ont pu s'accrocher à l'espoir qu'ils seraient débarrassés de Bush pour refuser d'agir jusqu'à présent, on peut espérer que le principe de réalité les amènera dorénavant à voir où est leur intérêt, l'intérêt commun de toutes les démocraties. Ca ne se fera certainement pas en un jour, quand je lis l'éditorial du Temps d'hier:
Nous avons tous été américains le 11 septembre 2001 devant la tragédie des tours effondrées. Nous sommes tous devenus anti-américains après l'invasion de l'Irak et la découverte des mensonges dont George Bush l'a entourée. La suite des opérations n'a fait qu'amplifier le sentiment de désastre. Tous les effets de cette politique, jusqu'à présent, vont en sens inverse du but recherché: le monde n'est pas plus sûr aujourd'hui, la démocratie n'a pas progressé au Moyen-Orient, le crédit des Etats-Unis et des valeurs que cette grande nation prétend incarner s'est affaibli presque partout.Jean-Jacques Roth, qui paraissait la quintessence de la culture, de la raison et de la modération, en vient à présenter comme des évidences le fruit d'un révisionnisme semblable à celui de ces étudiants saoudiens, cités l'autre jour par Le Monde, pour qui il n'y avait pas de Juifs dans les tours du WTC: quelque chose entre une erreur et une divergence d'appréciation sur les renseignements alors disponibles et la menace des armes de destruction massive devient, après-coup, un mensonge de sang-froid (dans le supplément TV du Monde de ce week-end, il était mis strictement sur le même pied que le mensonge, lui réel et d'ailleurs légitime, de Clinton sur Lewinsky!) et il n'y a manifestement pas eu d'élections en Afghanistan...
Un voeu et un espoir, donc: qu'après la réélection de Bush l'Europe sorte de l'attentisme et du déni de réalité (la réalité de la menace, la réalité de l'Amérique qui n'est pas la caricature qu'on en fait) dans lesquels une élection de Kerry l'aurait dans un premier temps confortée et fasse maintenant sa part, sur le plan militaire comme aussi sur le plan économique.
Et un autre voeu: que les Démocrates eux aussi sortent du déni. Ils ont toutes les chances de reprendre la Maison-Blanche en 2008 pour autant qu'ils sachent réinventer la synthèse progressiste de la Troisième Voie qu'avait initiée Bill Clinton.
2.11.04
Turcs européens... et même un peu suisses
Les lecteurs suisses auront particulièrement remarqué ce qui est dit de "(l)'enseigne locale Migros, leader du secteur [de la distribution, qui] accueille 120 millions d'acheteurs dans ses 453 magasins (...) Les supermarchés Migros existent en trois tailles différentes": M, MM et MMM!
En Suisse, petit pays éclaté par l'histoire, les langues et les cultures, avec les chemins de fer et la poste Migros est un des rares symboles véritablement nationaux: à part de l'alcool, une voiture et un cercueil, on peut pratiquement tout s'y procurer, de l'alimentation à la banque en passant par les loisirs. Elle a été fondée par un entrepreneur hors du commun, Gottlieb Duttweiler, en 1925. Et, même si cela est omis dans la chronologie officielle, il a également fondé Migros Türk. J'ai été frappé, lors de notre récent séjour, de la similitude de "look" qui subsiste quand bien même les deux entreprises ne sont pas (plus) liées depuis belle lurette.
Si l'on ajoute que Mustapha Kemal (Atatürk) avait importé le code civil suisse lorsqu'il a refondé le pays sur les ruines de l'empire ottoman, voilà de quoi amener de l'eau à mon moulin d'une adhésion simultanée de la Turquie et de la Suisse à l'Union européenne... Un élargissement par l'extrême centre et par la périphérie!
[J'espère que vous appréciez l'effort consenti pour parler d'autre chose?...]